Actualités

Les élus écologistes locaux ont dénoncé l’audition du chef du service Prévention du commerce illicite de Philip Morris France par la commission Sécurité du Conseil Régional Auvergne-Rhône-Alpes-philip-morris

Philip Morris France invité par le Conseil Régional Auvergne-Rhône-Alpes pour débattre du commerce illicite de cigarettes

Les élus écologistes locaux ont dénoncé l’audition du chef du service Prévention du commerce illicite de Philip Morris France par la commission Sécurité du Conseil Régional Auvergne-Rhône-Alpes, le 22 septembre dernier. L’audition s’est déroulée malgré ces protestations, en contradiction avec l’obligation de protection des politiques publiques vis-à-vis du lobby du tabac.

C’est en recevant la convocation de la commission Sécurité que les élus écologistes du Conseil Régional Auvergne-Rhône-Alpes ont découvert qu’une audition de Daniel Bruquel, chef du service Prévention du commerce illicite de Philip Morris France (PMF), devait avoir lieu deux jours plus tard, ce 22 septembre 2022.

Dans un communiqué, ils ont regretté cette démarche et ont rappelé que « L’Assemblée générale des Nations Unies a reconnu qu’il existe « un conflit d’intérêts fondamental entre l’industrie du tabac et la santé publique ». »[1] Ils ont également souligné l’implication de Philip Morris dans le développement du tabagisme, et pointé son rôle en matière de contrebande et son système de traçabilité Codentify, dénoncé par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS).

Instrumentalisation du commerce illicite par l’industrie du tabac

« Quelle est la prochaine étape ? Nestlé à la commission environnement ? Coca-Cola à la commission santé ? » s’est indigné Enzo Poultreniez, secrétaire général du groupe Les Écologistes de la région, selon qui cette audition serait due au fait que Daniel Bruquel était « cité dans un reportage du Progrès récemment », au sujet du trafic de cigarettes dans le quartier lyonnais de la Guillotière[2]. Comme de nombreux autres articles de presse, celui-ci reprenait le discours des industriels du tabac, qui surestime la proportion du commerce illicite en France en s’appuyant sur les études contestées produites par le cabinet KPMG[3]. La fiabilité des études de KPMG sur le commerce illicite peut en effet sembler légère lorsque leurs auteurs déclarent ne pas « avoir cherché à établir la fiabilité des sources d’information ».

Cette surestimation du marché clandestin, et plus particulièrement de celui de la contrefaçon, apparaît comme une des techniques de l’industrie du tabac pour contrer les augmentations du prix des produits du tabac et enrayer la chute des ventes de cigarettes. Des études indépendantes ont au contraire montré que les mesures de lutte contre le tabagisme et un haut niveau de taxation du tabac conduisent plutôt à réduire ou à stabiliser la part du commerce illicite, aux niveaux national comme international[4]. Les hausses importantes des droits d’accises sur le tabac sont par ailleurs considérées comme l’un des outils les plus efficaces pour diminuer la prévalence tabagique[5].

Une méconnaissance de l’article 5.3 de la CCLAT

La démarche qui interroge davantage est celle du Conseil Régional Auvergne-Rhône-Alpes vis-à-vis de l’industrie du tabac. Elle témoigne, a minima, d’une méconnaissance de l’article 5.3 de la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac (CCLAT), selon laquelle les politiques publiques ne doivent pas être « influencées par les intérêts commerciaux et autres de l’industrie du tabac »[6]. Des directives d’application précises concernant cette obligation prévoient notamment que les relations des pouvoirs publics avec des représentants de l’industrie du tabac doivent être limitées au strict nécessaire pour la réglementation des produits du tabac et de son industrie et lorsque ces interactions existent, elles doivent intervenir dans la transparence.

Comme l’ont également rappelé les élus régionaux écologistes, les états membres de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) ont par ailleurs établi que « l’OMS ne collabore pas avec l’industrie du tabac ni avec les acteurs non étatiques qui en défendent les intérêts »[7]. Un principe qui peut s’appliquer à chacun de ces membres, et doit aussi s’étendre aux conseils régionaux.

Mots-clés : commerce illicite, Philip Morris, Conseil régional, région Auvergne-Rhône-Alpes

©Génération Sans Tabac

MF


[1] Philip Morris invité au conseil régional : les victimes du lobby du tabac apprécieront !, Les Écologistes, communiqué de presse du 21 septembre 2022, consulté le 27 septembre 2022.

[2] Jaumouillé N, Philip Morris convié au conseil régional : les Écologistes vent debout, Lyon Capitale, publié le 22 septembre 2022, consulté le 27 septembre 2022.

[3] Lutter contre le commerce illicite de tabac en France, CNCT, publié le 14 juin 2022, consulté le 27 septembre 2022.

[4] Paraje G, Stoklosa M, Blecher E, Illicit trade in tobacco products: recent trends and coming challenges, Tobacco Control, 2022;31:257–262.

[5] U.S. National Cancer Institute and World Health Organization. The economics of tobacco and tobacco control. National Cancer Institute Tobacco Control Monograph 21. U.S. Department of Health and Human Services, National Institutes of Health, National Cancer Institute and World Health Organization, 2016.

[6] Convention-cadre pour la lutte antitabac, OMS, 2004.

[7] Résolution de l’Assemblée mondiale de la Santé, Cadre de collaboration avec les acteurs non étatiques, WHA69.10, 28 mai 2016, paragraphe 44.

Comité national contre le tabagisme |

Publié le 30 septembre 2022