Actualités

Pakistan

Pakistan : le coût économique et financier du tabagisme

Selon une étude menée par l’Institut pakistanais d’économie du développement (PIDE)[1], le coût annuel des maladies attribuables au tabagisme représente plus de cinq fois les recettes fiscales perçues sur les produits du tabac. Le rapport recommande que les taxes sur le tabac soient augmentées pour réduire la consommation, tout en augmentant les recettes en vue de couvrir les coûts de santé associés au tabagisme.

Selon l’enquête mondiale sur le tabagisme chez les adultes de 2015, près de 24 millions (19,1%) d’adultes consomment actuellement du tabac sous quelque forme que ce soit au Pakistan. Environ 1 200 enfants âgés de 6 à 15 ans commencent à fumer chaque jour dans le pays. Le tabagisme cause plus de 160 000 décès prématurés chaque année au Pakistan[2].

Le rapport s’appuie sur les données d’une enquête auprès d’un échantillon représentatif de la population du pays, réalisée auprès de plus de 12 000 ménages pour estimer le fardeau économique de trois des grandes catégories de maladies attribuables au tabagisme : le cancer, les maladies cardiovasculaires et respiratoires. L’objectif de l’étude est d’estimer les coûts économiques directs et indirects des maladies attribuables au tabagisme. Les coûts directs comprennent les frais d’hospitalisation, les soins ambulatoires et médicaments, tandis que les coûts indirects comprennent la prise en charge des maladies sur le long terme, l’accompagnement des malades par des soignants et les journées de travail perdues.

Le fardeau économique des trois principales catégories de maladies liées au tabagisme

Les coûts totaux attribuables aux maladies et décès liés au tabagisme au Pakistan pour 2019 sont de 615,07 milliards de roupies (3,4 milliards d’euros), et les coûts indirects (morbidité et mortalité) représentent 70% de ce coût total. Les taxes perçues sur les produits du tabac, 120 milliards de roupies en 2019 (662 millions d’euros) ne représente qu’environ 20% du coût total du tabagisme. Le coût direct attribuable au tabagisme représente 8,3% des dépenses totales de santé du pays et 1,6% de son PIB total.

La majeure partie (71%) du coût total induit par le tabagisme provient des cancers, des maladies cardiovasculaires et respiratoires attribuables à la consommation de tabac. Le coût total direct et indirect attribuable au tabagisme de ces maladies s’élève au total à 437,76 milliards de roupies (2,6 milliards d’euros), soit 3,65 fois plus que les recettes fiscales globales résultant de la vente de ces produits.  Le rapport indique par ailleurs que les coûts pour les femmes sont sous-estimés en raison de leur faible taux au sein de la population active et des difficultés à évaluer leur contribution informelle à la production des ménages. Le rapport indique aussi que les coûts liés à l’exposition au tabagisme passif, importante dans le pays, ne sont pas inclus ce qui sous-estime une nouvelle fois les coûts totaux liés au tabac. Selon une étude parue en 2018, 43% de la population pakistanaise était en effet exposée à la fumée du tabac à la maison[3].

La nécessité d’augmenter les taxes sur le tabac au Pakistan

Le rapport a révélé qu’en dépit des preuves selon lesquelles une taxation plus élevée du tabac diminue la consommation de tabac, le Pakistan a une politique fiscale très laxiste.  Cela peut s’expliquer par le fait que les gouvernements pakistanais considèrent la culture et production du tabac comme des leviers économiques et sont réticents à augmenter les taxes par crainte d’une perte de revenus[4]. L’industrie du tabac utilise par ailleurs les planteurs de tabac dans le pays pour faire pression sur les politiques fiscales. En 2020, les producteurs de tabac ont obtenu la suppression d’une taxe, permettant de doper les exportations.  Le retrait de cette taxe est survenu à la suite d’un travail de lobbying de la part des producteurs de tabac pakistanais auprès du président de l’Assemblée nationale, également chef du Comité spécial de l’Assemblée nationale sur les produits agricoles. La réticence du gouvernement à modifier la politique fiscale sur le tabac est en partie due à son incapacité à apprécier pleinement la part attribuable au tabagisme des coûts sanitaires et sociaux. Cela biaise l’analyse avantages-coûts des recettes fiscales et n’est pas sans conséquence sur les politiques de santé. Compte tenu des coûts économiques et sanitaires importants de la consommation de tabac pour le pays, une augmentation de quatre à cinq fois le taux de taxation actuel est fortement recommandée. Pour y parvenir, les chercheurs recommandent en premier lieu que le Federal Board of Revenue (FBR) augmente les droits d’accise pour atteindre le seuil recommandé par l’OMS de 70% du prix de détail d’un paquet de cigarettes, préconisation reprise dans les directives d’application de l’article 6 du traité de la Convention-Cadre (CCLAT). Le Pakistan possède actuellement un système de taxation complexe[5] et les droits d’accise sur les cigarettes représentent seulement un peu plus de la moitié du prix d’achat, un système que le rapport recommande de simplifier.

Mots clés : Pakistan, Economie, Coût sanitaire, Santé, Taxes, Fiscalité

©Génération Sans Tabac


[1] Durre Nayab, Ph.D., Muhammad Nasir, Junaid Alam Memon, Omer Siddique, The Economic cost of tobacco-induced diseases in Pakistan, Pakistan Institute of Development Economics (PIDE), Avril 2021

[2] Smoking causes almost 160,000 deaths every year in Pakistan, The Nation, 18 mars 2021, consulté le 12 avril 2021

[3] Naz S, Naz S, Nadeem Saqib MA, Rafique I, Bashir F. Exposure of the Adult Pakistani Population to Second-Hand Smoke – An insight from Global Adult Tobacco Survey of Pakistan 2014. J Pak Med Assoc. 2018 May;68(Suppl 2)(5):S13-S17. PMID: 31324907.

[4] Génération Sans Tabac, Le tabac au Pakistan : une situation problématique, 16 septembre 2020, consulté le 12 avril 2021

[5] The Economics of Tobacco and Tobacco Taxation in Pakistan. Shahid Javed Burki, Aisha G. Pasha, Hafiz A. Pasha, Rijo John, Prabhat Jha, Aftab Anwar Baloch, Ghulam Nabi Kamboh, Rajeev Cherukupalli, Frank J. Chaloupka. 2013.

Comité National Contre le Tabagisme |

Publié le 13 avril 2021