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Opération de communication : PMI en lutte contre le commerce illicite

Philip Morris International (PMI) a lancé en juin une campagne de communication intitulée « United to Safeguard America from Illegal Trade[1] », en partenariat avec une coalition d’acteurs issus du secteur public et privé. Cette initiative vise officiellement à fournir aux responsables politiques ainsi qu’aux forces de l’ordre formations et informations pour lutter contre le commerce illicite, et sensibiliser l’opinion publique sur le péril que représente le commerce de contrebande[2].

La campagne orchestrée par Philip Morris se déroulera tout au long de l’année 2021 au sein de six Etats américains désignés comme étant particulièrement touchés par le commerce illicite : l’Arizona, la Californie, la Floride, l’Illinois, la Louisiane, le Michigan, la Pennsylvanie et le Texas. La coalition formée autour de Philip Morris regroupe une trentaine d’acteurs américains publics et privés, à l’instar de Sanofi, la Chambre de commerce américaine, le Conseil des Etats-Unis pour le commerce international, Levi Strauss, Tommy Hilfiger, ou encore le laboratoire pharmaceutique Merck & Co. Dans leur vidéo de présentation, la campagne d’information s’inscrit dans un registre spectaculaire et sécuritaire : « Le commerce illicite est en expansion. Les criminels en profitent et les contribuables américains se font escroquer. Le secteur public comme privé doit riposter […] ».

L’implication de Philip Morris dans le commerce illicite mondial

Dans sa communication publique, Philip Morris fait valoir son expérience en matière de lutte contre le commerce illicite pour justifier son opération de communication. En réalité, l’expérience acquise par Philip Morris en matière de contrebande, si elle est bien réelle, est un peu différente du story telling du cigarettier. En effet, Philip Morris, au même titre que les plus grandes compagnies de tabac, a fait l’objet de poursuites, notamment de la part d’États membres européens et de la Commission européenne, pour son implication à grande échelle dans le commerce illicite international. Afin de clore le litige, les fabricants ont préféré payer des sommes substantielles. De plus en plus d’éléments permettent de dire que les cigarettiers, malgré leurs multiples déclarations d’intention, demeurent encore aujourd’hui massivement impliqués dans la contrebande mondiale[3], et sont les premiers bénéficiaires du commerce illicite. On estime ainsi que 98% des cigarettes illégales en circulation dans le monde sont directement issues des usines des fabricants légaux[4].

Un facteur majeur de militarisation et de déstabilisation régionale

La mobilisation du registre sécuritaire et anxiogène par Philip Morris est par ailleurs surprenante, dans la mesure où une enquête d’investigation avait montré l’implication d’un représentant très proche du fabricant et d’une filiale dans le commerce illicite de tabac en Afrique de l’Ouest, source majeure de financement et de militarisation de la criminalité organisée, des milices ethniques et des groupements terroristes. L’implication de Philip Morris dans le commerce illicite de ses propres produits pourrait ainsi se traduire par des conséquences géopolitiques particulièrement dramatiques, puisque la contrebande de tabac est identifiée comme le premier facteur de déstabilisation de la région.

Le commerce illicite, un outil de communication pour les fabricants

L’instrumentalisation de la question du commerce illicite est un enjeu central pour les fabricants de tabac. D’abord, en tant que tel, le commerce illicite sert aux cigarettiers d’argument-repoussoir pour dissuader les pouvoirs publics de mettre en place des réglementations sur le tabac, à l’instar des hausses de taxes, du paquet neutre ou de l’interdiction d’arômes. Par ailleurs, en investissant la thématique du commerce illicite, l’industrie du tabac cherche à se crédibiliser aux yeux des décideurs publics en tant qu’acteur social responsable. Pourtant, compte tenu de l’implication des fabricants dans la contrebande, le Protocole de l’Organisation mondiale de la santé pour éliminer le commerce illicite des produits du tabac oblige les Parties à se garantir de l’influence de l’industrie en prévoyant des dispositifs de contrôle totalement indépendants à leur égard[5].

F.T

Mots-clés :  Contrebande, Commerce illicite, Communication, PMI

©Génération Sans Tabac


[1] « Unis pour protéger l’Amérique du commerce illicite »

[2] Business Wire, Philip Morris International Launches New Campaign to Combat Black Market Trade, 08/06/2021, (consulté le 22/06/2021)

[3] Gilmore AB, Gallagher AWA, Rowell A. Tobacco industry’s elaborate attempts to control a global track and trace system and fundamentally undermine the Illicit Trade Protocol. Tob Control. 2019;28(2):127-140. doi:10.1136/tobaccocontrol-2017-054191

[4] Tobacco Atlas, Issue : illicit trade, (consulté le 22/06/2021)

[5] OMS, Protocole pour éliminer le commerce illicite des produits du tabac, Texte Complet (français)

Comité National Contre le Tabagisme |

Publié le 23 juin 2021