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Philip Morris actionnaires

L’opacité scientifique de la Fondation pour un monde sans fumée de PMI

La Fondation pour un monde sans fumée, intégralement financée par Philip Morris International (PMI) cherche à minimiser et cacher ses liens avec son sponsor pour publier dans des revues scientifiques reconnues. Les conclusions d’un article publié dans la revue Tobacco Control démontrent que la fondation s’inscrit dans l’héritage des groupes de façade destinés à faire la promotion des intérêts des cigarettiers[1].

Les chercheurs de Tobacco Control ont analysé trois tentatives de la Fondation pour un monde sans fumée de publier dans des revues scientifiques. À plusieurs reprises, celle-ci avait cherché à cacher ses liens directs avec Philip Morris International, en se présentant notamment comme une organisation indépendante à but non lucratif. Selon les chercheurs, la fondation est allée jusqu’à faire un parallèle entre son mode de financement et celui de structures comme la Food and Drug Administration américaine (FDA) ou l’organisation antitabac Truth Initiative. Si ces deux structures perçoivent effectivement des fonds issus de l’industrie du tabac, la différence avec la Fondation pour un monde sans fumée est fondamentale. Pour la FDA et Truth Initiative, ce financement est contraint, et fait suite à des condamnations de l’industrie, tandis que pour la fondation, ce financement est volontaire.

Un système défaillant de déclaration de conflit d’intérêts

Par ailleurs, selon la revue Tobacco Control, le mode actuel de déclaration des conflit d’intérêt ne fonctionne pas efficacement. En particulier, les chercheurs soulignent que les organisations financées par la fondation ne déclarent pas systématiquement leurs liens avec elle ou avec Philip Morris et les politiques de déclaration ne sont pas standardisées. Ensuite, la fondation n’agit pas de manière transparente et cherche à prendre le contrôle des processus éditoriaux des revues dans lesquelles elle souhaite publier. Ainsi, la fondation cherche à publier dans des revues ayant des politiques de déclaration moins strictes, ou publient dans des plateformes à publication ouverte, leur permettant de choisir eux-mêmes leurs évaluateurs.  Enfin, la fondation reprend à son compte une grande partie des résultats de recherches initialement produits par Philip Morris, masquant ainsi leur origine industrielle.

Faire du conflit d’intérêt avec l’industrie du tabac un conflit spécifique

Pour les auteurs de l’article, les revues scientifiques devraient demander explicitement et spécifiquement aux chercheurs s’ils ont ou non un conflit d’intérêt avec l’industrie du tabac, et si la recherche a été financée par les cigarettiers, partiellement ou intégralement, directement ou indirectement.  Par ailleurs, l’article avance l’option de ne pas laisser aux auteurs la possibilité de déclarer eux-mêmes leurs possibles conflits d’intérêts, mais d’avoir recours à une base de données externe qui répertorie l’ensemble des liens financiers entre le monde de la recherche et l’industrie du tabac.

De plus en plus d’arguments en faveur de la dissolution de la fondation

La stratégie d’infiltration du monde scientifique par l’industrie du tabac remonte aux années 50. Pour minimiser les risques de la consommation de tabac, ou ceux du tabagisme passif, les cigarettiers ont mis sur pied des structures présentées comme indépendantes, mais en réalité destinées à produire une science alternative afin d’entretenir le doute sur les évidences scientifiques et retarder au maximum la mise en place de réglementations efficaces. En particulier, l’industrie du tabac a été à l’origine de la création du Comité de recherche de l’industrie du tabac (TIRC) et de l’Institut du tabac dans les années 50, ainsi que du Centre de recherche sur l’air intérieur (CIAR) dans les années 80. En 1998, dans le cadre d’un litige entre les compagnies de tabac et 46 Etats américains, il a été reconnu que ces structures étaient destinées à la désinformation sur les dangers du tabac, aboutissant à leur dissolution. Dans un second article publié par Tobacco Control, en réaction à cette analyse, des chercheurs en contrôle du tabac rappellent la nécessité d’isoler la publication scientifique comme l’élaboration des politiques publiques de l’influence des cigarettiers[2].

Mots-clés : Fondation pour un monde sans fumée, conflit d’intérêt, Tobacco Control, Philip Morris, Recherche

©Génération Sans Tabac


[1] Legg T, Legendre M, Gilmore A. Paying lip service to publication ethics: scientific publishing practices and the foundation for a smoke-free world. Tobacco Control 2021. doi:10.1136/tobaccocontrol-2020-056003

[2] Maddox R, Ling PM, Hardy B, et al. Under the influence.

Comité National Contre le Tabagisme |

Publié le 5 mai 2021