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L’omniprésence du tabac dans le cinéma français

À quelques jours de la journée mondiale sans tabac le 31 mai prochain, la Ligue contre le cancer publie la troisième édition de son enquête menée avec l’institut Ipsos sur plus de 150 films français réalisés entre 2014 et 2019. Plus de 90% des films étudiés présentent au moins un événement en lien avec le tabac.

Selon l’enquête, le tabac demeure quasi omniprésent dans les films français : entre 2015 et 2019, 90,7% des 150 films les plus populaires étudiés comprennent au moins un événement, un objet ou un discours en rapport avec le tabac. Il peut s’agir de personnes en train de fumer, de la présence de cendriers, de cigarettes, de personnages qui parlent de tabac[1]. Ce chiffre est en augmentation : lors de la dernière étude, datée de 2017, la proportion était de 70 %.

Le tabac dans le cinéma incite à la consommation, surtout chez les jeunes

La forte relation entre l’exposition au tabac au cinéma et l’initiation au tabagisme chez les adolescents est bien documentée dans les études scientifiques. Les jeunes âgés de 10 à 14 ans, souvent exposés à des films contenant des scènes de consommation de tabac, ont 2,6 fois plus de risques de commencer à fumer que des jeunes peu exposés[2]. La vue de scènes tabagiques dans les films est associée à des attitudes plus positives à l’égard du tabagisme et à la perception que la plupart des adultes fument et que cette consommation reste sans conséquence sur la santé[3]. Les placements de produits sont mémorisés par les personnes exposées aux scènes et influencent par la suite leur rapport à la marque et les intentions d’achat des consommateurs. Le placement comportemental est le plus efficace lorsque la cigarette est associée à un moment sensible du film, lorsque l’acteur sort sa cigarette à un moment particulièrement critique du film par exemple.

L’industrie du tabac a depuis longtemps compris l’intérêt et l’efficacité de promouvoir ses produits via le cinéma. Un document interne du fabricant Philip Morris datant de 1989 comparait l’efficacité des supports de promotion et mentionnait : « Nous pensons que la plupart des images fortes et positives autour des cigarettes et du fait de fumer sont créées par le cinéma et la télévision ». Ce même document soulignait : « Il est raisonnable de penser que les films et les personnalités ont plus d’influence sur les consommateurs qu’une simple affiche d’un paquet de cigarettes. »[4]

Selon un sondage Ipsos datant de janvier 2021 et mené auprès de 1 500 jeunes de 18 à 34 ans, 58% d’entre eux estiment que la présence de tabac à l’écran peut inciter à fumer. Près des trois quarts des anciens fumeurs interrogés déclarent que la présence de scènes de tabac dans les films leur donne envie de fumer à nouveau et 60% des fumeurs estiment également que ces images les incitent à fumer.

Le tabac dans les films banalise sa consommation au quotidien

Selon l’enquête de la Ligue, le tabac est, en moyenne, présent 2,6 minutes à l’écran par film (soit 2,5 % du temps d’un film), soit, en moyenne,  l’équivalent de 6 spots publicitaires par film. De plus, de nombreuses scènes impliquant la consommation de tabac prennent place dans des lieux clos, où dans la réalité, il est interdit de fumer depuis plus de 10 ans. C’est notamment le cas de films censés représenter la réalité d’aujourd’hui où l’on présente les personnages du film en train de fumer dans des lieux intérieurs comme les bureaux, les cafés, restaurants ou discothèques. Ainsi, 21,5% des scènes de tabagisme se situent dans un lieu de travail, au bureau, 16,6% dans un café, restaurant ou discothèque.

Toutes ces scènes de tabagisme à l’écran normalisent la consommation et rendent le tabagisme socialement acceptable alors qu’il est à l’origine directe de 75 000 décès prématurés en France. L’analyse des documents internes des fabricants, rendus publics par décision de justice, a amplement démontré le recours massif de ceux-ci à des placements de produits du tabac dans de très nombreux films mais aussi des accords secrets passés avec des acteurs payés pour fumer certaines marques à certains moments sensibles du film[5].

Aujourd’hui, la méthode est devenue plus insidieuse, il s’agit moins de montrer une marque que d’illustrer un comportement, avec cette idée que fumer relève d’un comportement banal, voire glamour, sexy et libérateur. Le cinéma par les placements comportementaux assure une réelle publicité[6]. Cette nouvelle étude pose donc la question de films fumeurs pour lesquels le tabac est omniprésent, sans aucun rapport avec la réalité tabagique de la société concernée. Ce poids du tabac n’a ainsi rien à voir avec l’objectif et la liberté de création du réalisateur mais vise à maintenir la norme tabagique, voire à la rendre séduisante.

Mots-clés : Cinéma, tabac, France, films, tabagisme

© Crédit photo : AFP

©Génération Sans Tabac


[1] Cinéma : il y a beaucoup trop de tabac dans les films français, selon la Ligue contre le cancer, Franceinfo, 26 mai 2021, consulté le 27 mai 2021

[2] Sargent J.D., Beach M.L. Adachi-Mejia A.M., Gibson J.J., Titus-Ernstoff L.T., Carusi C.P., Swain S.D., Heatherton T.F., Dalton M.A. (2005), Exposure to movie smoking: its relation to smoking initiation among US adolescents, Pediatrics, 116(5), 1183-91.

[3] Sargent JD, Beach ML, Dalton MA, Mott LA, Tickle JJ, Ahrens MB, Heatherton TF. Effect of seeing tobacco use in films on trying smoking among adolescents: cross sectional study. BMJ. 2001 Dec 15;323(7326):1394-7. doi: 10.1136/bmj.323.7326.1394. PMID: 11744562; PMCID: PMC60983.

[4] Document interne Philip Morris n°Bates : 2501064282, Philip Morris cigarette marketing – a new perspective, Rapport Marketing Plan, 1989

[5] CNCT, Faire fumer des acteurs stars dans les films : une pratique lucrative et répandue, mai 2010, consulté le 27 mai 2021

[6] Jeanne Ferney, Cigarette au cinéma, « une histoire d’amour ancienne avec l’industrie du tabac », La Croix, 26 mai 2021, consulté le 27 mai 2021

Comité National Contre le Tabagisme |

Publié le 28 mai 2021