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11e observatoire de l’industrie du tabac face à la pandémie de COVID19

L’organisme STOP[1] a relevé depuis le début de la pandémie un regain d’activité de l’industrie du tabac dans de nombreux pays à travers le monde qu’elle compile à travers des observatoires mensuels ou bimestriels selon l’activité. Cette recrudescence de la présence de l’industrie est liée de très près à la pandémie Covid19 qui lui permet de développer une politique d’image et de mettre à mal les politiques publiques allant à l’encontre de ses intérêts.

Les deux dernières éditions des observatoires de STOP couvrent les mois de novembre et décembre 2020 et le premier trimestre de l’année 2021. Elles mettent en évidence la forte implication de l’industrie du tabac dans les politiques publiques, notamment en Afrique du Sud et sa volonté de s’afficher comme un acteur crédible en santé publique.  Les programmes de responsabilité sociale des entreprises (RSE) axés sur la santé sont un aspect clé de la stratégie générale de l’industrie du tabac.

L’industrie du tabac, la responsabilité sociale des entreprises et la « science »

  • Un site français pro-tabac a publié un article indiquant que le ministère espagnol de la Santé a conclu un accord avec Logista, filiale entière consolidée d’Imperial Brands. Cette dernière est intervenue pour la distribution du vaccin Pfizer aux communautés autonomes espagnoles. Logista a négocié plusieurs marchés lui permettant d’assurer la répartition régionale du vaccin sur Madrid, Castille-La Manche et le Pays Basque.
  • Le PDG de Philip Morris International, Calantzopoulos, a participé à une table ronde sur le vaccin anti-covid aux côtés du Premier ministre grec, du PDG de Pfizer et du PDG de Deloitte. Selon un média grec, le gouvernement grec a approché l’industrie du tabac pour demander un soutien financier à l’achat d’équipement pour la vaccination dans le pays.
  • Philip Morris International continue d’utiliser la pandémie comme une opportunité d’écoblanchiment, en participant à la Conférence asiatique sur la durabilité pour discuter de l’amélioration de la qualité de l’air et de la réduction des émissions de carbone. Philip Morris International a souligné l’engagement de l’entreprise en faveur de l’action climatique, inspiré par la pandémie, affirmant que Philip Morris International vise à rendre toutes ses usines neutres en carbone d’ici 2030. La durabilité est le nouvel argument marketing de l’industrie du tabac pour la promotion des nouveaux produits présentés comme « respectueux de l’environnement »[2].

En Afrique du Sud, l’industrie continue de s’opposer aux mesures de santé publique

En réponse à la crise sanitaire, le gouvernement sud-africain avait déclaré les produits du tabac et du vapotage comme étant non-essentiels et avait interdit leur vente entre le 27 mars et le 17 août 2020. Cette interdiction été jugée « inconstitutionnelle et inutile » par la Haute Cour sud-africaine en décembre 2020[3] après que BATSA ait engagé un recours à l’encontre du gouvernement en juin 2020[4] concernant cette décision de vente.

La ministre de la Gouvernance coopérative et des affaires traditionnelles a fait appel de cette décision défavorable[5]et cet appel a été jugé recevable par la Haute Cour de Justice. British American Tobacco South Africa (BATSA) s’oppose à cette décision de la Cour et a déclaré que le gouvernement devrait plutôt utiliser l’argent de l’appel à la lutte contre le commerce illicite du tabac et l’épidémie de COVID dans le pays. Selon une récente étude publiée dans l’African Journal of Primary Health Care & Family Medicine[6], l’objectif gouvernemental de protection de la santé et de réduction de la pression sur les services de santé en période de pandémie a été pleinement réalisé. L’interdiction pendant 5 mois a permis de réduire d’environ 70% la pression liée aux bronchopneumopathies chroniques obstructives (BPCO) du service d’urgence à l’hôpital régional George du Cap occidental[7].

En février 2021, le ministre des Finances sud-africain a annoncé une augmentation de 8% des droits d’accise sur les produits du tabac pour décourager leur consommation[8]. En réponse BATSA a averti le gouvernement que cette augmentation de la taxe d’accise sur le tabac est une « erreur dangereuse » étant donné la croissance du commerce illicite du tabac. L’Alliance sud-africaine pour la transformation du tabac (SATTA) a également fait valoir que les trafiquants de tabac profiteraient de cette augmentation des droits d’accise sur le tabac[9]. L’industrie du tabac utilise régulièrement l’argument du développement du commerce illicite pour contrer les mesures de lutte antitabac, plus particulièrement les hausse des taxes. Pourtant les produits de contrebande sont en particulier ceux qui sortent de ses usines et l’implication plus globale de l’industrie dans les marchés parallèles est dorénavant largement documentée[10].  Fin février, l’OCCRP révélait que BAT alimentait le commerce illicite au Mali[11]. Les auteurs de l’étude indiquaient que les milliards de cigarettes de contrebande,  provenaient dans une large mesure de l’Afrique du sud. Ce commerce lucratif finance des groupes djihadistes et contribue aux conflits sanglants dans la région.

Pour lire les premières éditions de l’observatoire

Mots clés : STOP, COVID19, Ingérence, Industrie du tabac, RSE, Afrique du Sud, BAT

Crédit photo : ©STR/EPA/Newscom/MaxPPP

©Génération Sans Tabac


 [1] STOP est un organisme de veille à l’échelle internationale qui suit les pratiques d’interférence de  l’industrie du tabac dans les politiques publiques

[2] Génération Sans Tabac, « Durabilité » : le nouvel argument marketing de BAT, 12 mars, consulté le 30 mars 2021

[3] Tobacco sales ban was unconstitutional and unnecessary, court finds, News 24, 11 décembre 2020, consulté le 30 mars 2021

[4] Génération Sans Tabac, Afrique du Sud : Le lobby du tabac poursuit sa bataille juridique malgré la levée de l’interdiction de la vente, 18 août 2020, consulté le 30 mars 2021

[5] La Haute Cour accorde à Dlamini-Zuma l’autorisation de faire appel du jugement défavorable sur l’interdiction du tabac, Mail Guardian, 1er mars 2021, consulté le 30 mars 2021

[6] Saieva P, Jenkins LS. When people do not ‘Zol’: Reduced emergency centre attendance of patients with chronic obstructive pulmonary disease during coronavirus disease 2019 lockdown with the accompanying tobacco sales ban in South Africa. Afr J Prm Health Care Fam Med. 2021;13(1), a2750. https://doi.org/10.4102/phcfm.v13i1.2750

[7] Génération Sans Tabac, En Afrique du Sud, l’interdiction du tabac soulage les hôpitaux, 8 mars 2021, consulté le 30 mars 2021

[8] Prinesha Naidoo, South Africa Limits Tax Hikes to Virus-Hit Booze and Tobacco, Bloomberg, 24 février 2021, consulté le 30 mars 2021

[9] Alcohol, tobacco industries slam new ‘punishing’ taxes,  Letaba Herald, 25 février 2021, consulté le 30 mars 2021

[10] Génération Sans Tabac, Afrique du Sud. Un cigarettier accusé de contrebande en période de pandémie, 17 septembre 2020, consulté le 30 mars 2021

[11] Génération Sans Tabac, Industrie du tabac, contrebande, criminalité organisée et terrorisme au Mali, 2 mars 2021, consulté le 30 mars 2021

Comité National Contre le Tabagisme |

Publié le 31 mars 2021