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Malgré l’interdiction des cigarettes électroniques, le vapotage persiste à Singapour

Quatre ans après l’interdiction de l’usage des cigarettes électroniques à Singapour, la consommation perdure et semblerait s’étendre. Les autorités envisagent de renforcer le dispositif répressif et de le compléter par des actions d’éducation auprès des jeunes et des parents.  

Comme le Japon, la Thaïlande, le Cambodge, Taïwan et l’Inde, Singapour fait partie des 48 pays à avoir interdit le commerce et l’importation des cigarettes électroniques[1]. En 2018, Singapour a consolidé sa législation en interdisant également l’achat, l’usage ou la possession d’une cigarette électronique, les contrevenants risquant jusqu’à 2000 $S (1360 €) d’amende. La vente de produits de vapotage peut quant à elle exposer à une amende de 10 000 $S (6800 €) et six mois de prison, et l’importation de ces produits double les sanctions encourues.

Ces mesures, des saisies record de matériel et la multiplication par quatre des interpellations pour usage ne semblent pourtant pas freiner l’attirance des jeunes Singapouriens pour les cigarettes électroniques. Les statistiques officielles sur ce phénomène font défaut mais le ministère de la Santé a déclaré observer une « tendance inquiétante ».

L’attrait pour le vapotage semble plus fort que les sanctions

En interviewant une dizaine de vapoteurs de 20 à 28 ans, le média Today met en lumière les motivations de ces jeunes à vapoter[2] : l’absence d’odeur persistante, qui rend le vapotage plus discret que le tabagisme ; un coût qui a baissé et est moins élevé que celui des cigarettes, entre autres car il échappe aux taxes ; la valorisation de ces produits sur les réseaux sociaux et leur acceptation générale ; des arômes et des designs attractifs, conçus pour plaire aux jeunes ; la difficulté d’acheter des cigarettes avant 21 ans (âge légal à Singapour), du fait des contrôles de l’âge des acheteurs.

Malgré leur sévérité, les sanctions semblent peu dissuasives et conduisent à des attitudes de dissimulation, pour les plus prudents, ou à des comportements plus ostentatoires. La question de la nocivité des cigarettes électroniques ne fait pas l’unanimité chez les jeunes vapoteurs, mais tous s’accordent pour reconnaître qu’elles peuvent être dommageables pour la santé. Le vapotage n’est en revanche pas évoqué comme une méthode d’arrêt du tabac.

La crainte d’un effet passerelle vers les produits du tabac

Les autorités redoutent de leur côté un effet passerelle entre les produits du vapotage et ceux du tabac, ou la persistance d’un usage duel de ces produits. Les experts de santé publique soulignent pour leur part que les conséquences du vapotage à long terme restent peu documentées, mais qu’elles commencent à être établies sur les plans respiratoire et cardiovasculaire, ainsi que sur celui de la santé mentale. Ils pointent aussi le fait que l’absorption de nicotine peut être supérieure à celle des cigarettes classiques, ce qui favorise le développement d’une addiction, et que les aérosols de ces produits contiennent de nombreux composants chimiques, dont certains inconnus.

Les adeptes du vapotage font valoir qu’une légalisation des cigarettes électroniques permettrait de connaître exactement le contenu des e-liquides. La protection des mineurs serait assurée par le contrôle de l’âge d’achat, ce qui n’est jamais réalisé sur le marché noir. Le contraste entre la situation à Singapour et les incitations du gouvernement britannique à pousser les fumeurs vers le vapotage les convainc d’un nécessaire assouplissement de la législation.

Singapour entend renforcer l’interdiction des cigarettes électroniques

Le Dr Lambert Low, consultant sur les addictions pour l’Institute of Mental Health (IMH) estime pour sa part que Singapour a pris « la bonne direction en réduisant le taux de tabagisme par l’élévation de l’âge légal pour fumer, l’interdiction des étals dans les points de vente et par l’instauration du paquet neutre standardisé pour les produits du tabac ». Avec d’autres experts de santé, il alerte sur le caractère irréversible de la légalisation d’un produit toxique, une fois celle-ci accordée. M. Saktiandi, un parlementaire du groupe Bishan-Toa Payoh, considère quant à lui que l’interdiction des cigarettes électroniques doit être maintenue, sans céder aux pressions des industriels ni aux attentes des usagers.

En mars 2023, le ministère de l’Education, la Health Sciences Authority (HSA) et la National Environment Agency (NEA) ont annoncé travailler à la conception d’un programme renforçant l’interdiction des cigarettes électroniques. Plusieurs parlementaires ont demandé que ce programme soit l’occasion d’une coopération interministérielle. Au-delà des actions répressives, des sessions de sensibilisation aux risques du vapotage pourraient ainsi être déployées dans les établissements scolaires et auprès des parents. Des consultations d’aide à l’arrêt du vapotage pourraient également être mises en place.

MF

Mots-clés : Singapour, cigarettes électroniques, sanctions, effet passerelle.

[1] Recensement au 30 novembre 2021, auquel peut s’ajouter Taïwan : Glantz SA, 47 countries have banned e-cigarettes.

[2] Ong J, With vaping increasingly rampant among youths despite ban, what more can authorities do?, Today, mis à jour le 15 avril 2023, consulté le 20 avril 2023.

Publié le 29 avril 2023