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L’interdiction de fumer dans les lieux publics très peu respectée en Ethiopie

Une étude éthiopienne a évalué l’effectivité de l’interdiction de fumer dans les lieux publics, et a constaté que la disposition n’est respectée que dans 12,3 % de ces lieux, y compris les établissements administratifs, médicaux ou scolaires. Cette étude a l’intérêt de poser un premier jalon, en vue d’autres évaluations ultérieures. Les auteurs appellent à une meilleure application de cette interdiction de fumer dans les lieux publics en Ethiopie.

Avec une prévalence tabagique de 3,7 % en 2016, l’Ethiopie compte parmi les pays les moins fumeurs du monde. Pour le rester, ce pays s’est doté en 2019 d’une des plus fortes législations antitabac du continent africain[1]. Cette loi a notamment interdit le commerce du tabac chauffé, des cigarettes électroniques et des produits du tabac aromatisés. Elle a aussi interdit de fumer dans tous les lieux publics et tous les lieux de travail, ainsi que dans un périmètre de 10 mètres autour de ces bâtiments, et ne prévoit aucun espace dédié aux fumeurs.

Cette interdiction de fumer dans les lieux publics semble pourtant mal appliquée. Pour évaluer précisément à quel point, une équipe de chercheurs éthiopiens a conduit une étude observationnelle et qualitative sur 12 villes, couvrant les 4 régions administratives du pays[2].

Un protocole élaboré d’observation et de recueil des données

Au total, 1282 sites ont été visités et analysés par des observateurs entraînés et armés de critères et de grilles d’observation. 7 catégories de lieux publics ont été définies, incluant les bâtiments administratifs, les lieux de soin, les centres d’éducation, les zones de transit (gares routières, stations de taxis), les hôtels, les lieux de restauration, et les bars et cafés. En plus des entretiens réalisés, les critères d’observation impliquaient, quant à eux, de relever la présence d’une signalétique d’interdiction de fumer, l’existence éventuelle d’un espace dédié aux fumeurs, la visibilité de mégots de cigarettes dans ou autour du lieu, les odeurs de fumée de cigarette, la présence de cendriers ou de briquets, et le repérage d’au moins un fumeur actif dans le lieu visité.

L’interdiction totale de fumer très mal respectée en Ethiopie

Les résultats montrent que l’interdiction de fumer n’est pas respectée dans la plupart des lieux visités. Elle n’est notamment pas appliquée dans 97,1 % des bâtiments administratifs, dans 92,5 % des établissements d’enseignement, dans 89.8 % des bars et cafés, dans 88,4 % des lieux de restauration, dans 84 % des hôtels et dans l’intégralité des lieux de transit. Les structures de soins sont les moins touchées, avec « seulement » 70,8 % d’établissements ne respectant pas l’interdiction totale de fumer. Un bilan qui semble loin de l’objectif qui prévoyait que tous ces lieux deviennent 100 % non-fumeurs. Au final, seuls 12,3 % des lieux visités respectaient la loi sur le tabac.

L’analyse détaillée indique que 80 % des sites observés ne comportaient aucune signalétique d’interdiction de fumer ; lorsque celle-ci était présente, elle était en revanche apposée dans les endroits les plus appropriés dans 76 % des cas, et était présentée dans une langue compréhensible par les habitants dans 96 % des situations. La région de Harari, déjà pointée dans d’autres études pour sa plus forte prévalence tabagique, était celle où l’interdiction de fumer était la moins bien respectée. L’odeur de fumée de tabac a été constatée dans la plupart des lieux, exceptés les lieux de soin et d’enseignement mais s’est finalement révélée être une donnée trop subjective et trop imprécise pour être complètement validée.

Une étude aux nombreux mérites

Parmi les mérites de cette étude, la quantification et l’identification précises des lieux publics sont ses principales forces, en apportant des données fiables là où des études similaires situaient l’exposition à la fumée de tabac dans seulement 10 % à 60 % des lieux publics. La rigueur méthodologique et le recours à des critères précis d’évaluation permettent, quant à eux, de répliquer ces observations dans l’avenir. Cette étude est donc utile à plus d’un titre, en évaluant le niveau réel d’application de la loi, en se présentant comme une base de référence pour des études ultérieures, et enfin en ce qu’elle permet d’identifier certains des leviers sur lesquels agir. Autant d’informations précieuses qui font souvent défaut dans les pays africains, où le manque de données fiables empêche d’évaluer correctement les mesures mises en œuvre et les progrès réalisés.

Les auteurs concluent qu’une meilleure application de l’interdiction de fumer est nécessaire en Ethiopie, et préconisent deux axes pour l’améliorer : d’une part en sensibilisant le grand public à l’importance de cette réglementation, d’autre part en renforçant significativement les contrôles pour la faire appliquer. Parmi les améliorations à apporter au protocole d’étude, les auteurs suggèrent, bien que cela soit plus coûteux, de mesurer les particules présentes dans l’air intérieur afin d’en vérifier la qualité.

Mots-clés : Ethiopie, interdiction de fumer, lieux publics, évaluation

©Génération Sans Tabac

MF


[1] FCTC, Ethiopia: parliament passing one of the strongest tobacco control legislations in Africa, publié le 13 février 2019, consulté le 2 mars 2023.

[2] Mengesha SD, Shimeles B, Zewdie B, et al. Smoke-free law compliance and predictive factors in Ethiopia: observational assessment of public places and workplaces, Tob Control Epub ahead of print: 2 march 2023. doi:10.1136/tc-2022-057750

Comité national contre le tabagisme |

Publié le 5 mars 2023