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L’industrie du tabac, ou la fabrique du doute

La connaissance de la dangerosité du tabac est ancienne. En effet, dès le début des années vingt, le lien entre tabac et cancer est pointé du doigt par des médecins allemands[1].

Mais c’est surtout   en 1953, le Time et le New York Times, publient les résultats d’une étude scientifique de Richard Doll[2], médecin épidémiologiste britannique, pointant le potentiel cancérigène de la cigarette sur les souris, et la responsabilité du tabagisme dans la hausse des cancers du poumon.  Rapidement, l’industrie du tabac va tout faire pour nier l’évidence et ce, à l’aide de petits groupes scientifiques influents, souvent composés d’éminences en déclin et corrompues. Les principales firmes du tabac se réunissent la même année pour décider d’une stratégie commune : rassurer les consommateurs en leur affirmant que si les produits étaient démontrés comme dangereux, l’industrie du tabac ne les vendrait pas, et instaurer le doute auprès du public, à travers des études partielles, inexactes, ou délibérément mensongères, sur la dangerosité du tabac[3].

Selon la chercheuse Naomi Oreskes, cette méthode est très efficace[4]. Elle permet de « répandre la suspicion en niant en bloc le consensus apporté par des preuves scientifiques avérées ». En fait, cette stratégie vise à retourner la méthodologie scientifique contre elle-même, en poussant le doute cartésien jusqu’à l’absurde. Le but étant de créer une pseudo-controverse, laissant entendre l’existence de plusieurs camps scientifiques, également légitimes.

C’est ce que formalise dès 1969 un dirigeant de l’industrie du tabac ayant mené une campagne soutenant l’idée que le lien entre cigarette et cancer n’était pas prouvé. Dans son mémoire, il résume : « Notre produit, c’est le doute[5] ».

Distiller le doute auprès de l’opinion publique sur la nocivité de la cigarette permet de protéger les intérêts financiers des industries du tabac en empêchant l’adoption de mesures de protection et en gagnant ainsi du temps : la controverse retarde considérablement la capacité des pouvoirs publics à légiférer.

Ayant fait ses preuves, cette méthode est consubstantielle à la stratégie de l’industrie du tabac. Les cigarettiers prétendront ainsi que les filtres préservent les poumons des consommateurs ou que les cigarettes légères ou mentholées sont plus sûres. Aujourd’hui les nouveaux produits dits sans fumée participent de cette stratégie de manipulation des consommateurs et des pouvoirs publics.

Cette organisation du doute concerne dorénavant d’autres domaines, à tel point que Robert Proctor, historien des sciences, en a fait une discipline universitaire : l’agnotologie, l’étude de la production de l’ignorance[6].

©Génération Sans Tabac


Source image :

Fig 1 : https://www.unairneuf.org/2011/05/m%C3%A9decin-fumeur-tabacologie.html

[1] https://www.dailymotion.com/video/xpfi14

[2] https://www.who.int/bulletin/volumes/88/7/09-075325/en/

[3] https://www.liberation.fr/societe/2014/03/17/comment-les-cigarettiers-ont-roule-le-monde-entier_987837

[4] https://www.refletsdelaphysique.fr/articles/refdp/pdf/2014/01/refdp201438p32.pdf

[5] https://www.20minutes.fr/planete/907367-20120329-tabac-climat-comment-marchands-doute-enfument

[6] https://www.nytimes.com/2006/08/22/business/22mistakes.html?ex=1313899200&en=e687ef6c5786717f&ei=5088&partner=rssnyt&emc=rss

| ©Comité National Contre le Tabagisme |

Publié le 6 janvier 2020