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L’industrie du tabac derrière la contrebande

Le commerce illicite ou contrebande des cigarettes est une industrie mondiale qui représente un manque à gagner considérable pour les gouvernements du monde entier : les cigarettes, vendues en dehors des circuits légaux, échappent à l’imposition. Ainsi, on estime que le commerce illicite des produits du tabac représente 40 milliards de dollars de perte de revenus par an[1].

Le tabac est aujourd’hui considéré comme la substance légale la plus répandue dans le monde par les réseaux de contrebande. Ainsi, selon la Banque Mondiale, un paquet de cigarettes sur dix se retrouve sur le marché noir. Pourtant, cette situation est loin d’affecter l’industrie du tabac. En effet, comme le montre un rapport du Tobacco Control Research Group, 60 à 70% des produits du tabac commercialisés illégalement sont produits par les cigarettiers eux-mêmes.

Malgré ses déclarations publiques, l’industrie du tabac est très complaisante à l’égard de la contrebande, qui reste un débouché économique pour elle. Big Tobacco a notamment été accusée par l’Union européenne de gérer un « programme mondial (…) visant à faire passer des cigarettes en contrebande, à blanchir les produits du trafic de stupéfiants, à entraver la surveillance gouvernementale de l’industrie du tabac, à fixer les prix de manière déloyale , à soudoyer des fonctionnaires étrangers, à conduire un commerce illégal avec des groupes terroristes et des Etats qui soutiennent le terrorisme ».

En 2004, lors d’un règlement anti-contrebande de 1,25 milliards de dollars avec l’Union européenne, Philip Morris International a accepté d’installer un système visant à offrir davantage de transparence quant à sa chaîne d’approvisionnement. Le logiciel, Codentify, permet en principe de tracer n’importe quel paquet, depuis sa sortie de l’usine jusqu’à son achat par le consommateur.

Pourtant, l’ensemble des experts affirment que le logiciel, loin d’être efficace, apparaît davantage comme une boîte noire pour l’industrie du tabac, permettant à cette dernière de manipuler et cacher des données clefs sur leur activité aux autorités légales.

Les cigarettiers cherchent d’ailleurs à faire de ce logiciel la norme de l’industrie du tabac. Ainsi en 2010, Philip Morris a concédé gratuitement sa solution technologique à ses trois principaux concurrents, tandis que des documents internes démontraient leur volonté commune de vendre le logiciel aux gouvernements et décideurs, par l’entremise  d’organismes tiers présentés comme indépendants. Aujourd’hui, l’Union Européenne a mis en place un dispositif de suivi et de traçabilité des produits du tabac qui confie cependant nombre des opérations clés aux fabricants de tabac ou à des tiers qui leur sont liés [2]. Dans ce contexte le rôle de l’industrie du tabac dans les marchés parallèles de contrebande et de sur-approvisionnement des marchés frontaliers subsiste pleinement.

L’enjeu aujourd’hui est donc de parvenir à mettre en place une solution internationale qui prévoit, comme l’impose le protocole de l’OMS, de lutte contre le commerce illicite des produits du tabac[3], d’avoir un dispositif pleinement indépendant des fabricants.

©Génération Sans Tabac


[1] DOWN Aisha, OCCRP, « The EU’s Tracks & Trace Smokescreen », 11/03/2020

https://www.occrp.org/en/loosetobacco/without-a-trace/the-eus-track-trace-smokescreen

[2]    Framework Convention Alliance, FCA, Policy Briefieng novembre 2019 Why the EU tracking and tracing system works only for the EU  https://www.fctc.org/wp-content/uploads/2019/07/FCA-Policy-Briefing_Why-the-EU-tracking-and-tracing-systems-works-only-for-the-EU.pdf

[3] Protocole de lutte contre le commerce illicite des produits du tabac, https://www.who.int/fctc/protocol/Protocol-to-Eliminate-Illicit-Trade-in-Tobacco-Products-FR.pdf

| ©Comité National Contre le Tabagisme |

Publié le 16 mars 2020