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Les multinationales du tabac dénoncées pour leurs activités d’écoblanchiment

Les activités d’écoblanchiment et de responsabilité sociale des entreprises sont épinglées par un rapport commun de STOP et de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) comme de pures opérations de communication censées masquer le profond impact environnemental de l’industrie du tabac. Philip Morris International (PMI) et British American Tobacco (BAT) sont visées en premier lieu pour ces types de pratiques, qui concernent également leurs concurrents.

La préservation de l’environnement est l’un des arguments majeurs de la communication des multinationales du tabac, qu’elles mettent fortement en avant au travers de la responsabilité sociale des entreprises (RSE). Un rapport[1] émis conjointement par l’Organisation Mondiale de la Santé et l’organisation STOP fait le point sur ces pratiques, présentées comme une opération globale d’écoblanchiment (greenwashing, en anglais[2]).

Des critères d’évaluation évasifs

Projet Waterfall sur l’approvisionnement en eau en Afrique de l’Ouest par PMI, soutien à la préservation des forêts de la côte sud du Brésil par BAT, financement de programmes d’éducation environnementale et d’assainissement en Inde par Imperial Brands… La liste de ces projets à visée sociale et environnementale soutenus financièrement par les industriels du tabac est très longue. Autant d’opérations que font valoir les industriels pour communiquer sur leur engagement responsable envers la planète et ses habitants, et qui ont permis à PMI et BAT d’être récompensées en temps qu’entreprises exemplaires depuis maintenant vingt ans par l’indice mondial de durabilité Dow Jones (DJSI).

Cet indice s’appuie sur une notification ESG – environnement, société et gouvernance – qui est pourtant mal définie : aucun protocole unique n’est fixé pour l’établir et on dénombre plus de 600 méthodes distinctes d’évaluation ESG. Aucune exigence n’étant posée, les industriels du tabac peuvent ainsi fournir les informations qu’ils souhaitent faire apparaître et occulter celles qu’ils ne veulent pas dévoiler. Ils peuvent ainsi établir leurs propres objectifs de durabilité, sans que le caractère nocif ou polluant d’un produit  soit pris en compte. Les auteurs du rapport STOP/OMS estiment ici que l’argument de la durabilité, souvent repris par toutes les multinationales du tabac, consiste le plus souvent à envisager la pérennité de leur modèle économique et de leur propre entreprise. Les actions de RSE déployées par les industriels servent alors d’illustrations de leur engagement environnemental et social, mais aussi à masquer les conséquences considérables de la culture, de la commercialisation et de la consommation du tabac sur l’environnement. Ces actions de RSE visent surtout, bien que de manière non exclusive, les pays à revenu faible ou moyen, qui sont plus sensibles aux arguments sociétaux de l’industrie et dont les réglementations antitabac sont moins exigeantes.

Le coût environnemental exorbitant du tabac

Les chiffres sont pourtant éloquents : 6 000 milliards de cigarettes sont produites par an, dont 4 500 milliards de mégots sont jetés au sol et constituent le déchet le plus répandu sur la planète. Les produire nécessite chaque année l’utilisation de 22 milliards de mètres cubes d’eau et a entraîné, depuis les années 1970, le sacrifice de 1,5 milliard d’hectares de forêts, notamment tropicales, participant ainsi à la déforestation mondiale. Chaque cigarette émet elle-même 14 grammes d’équivalent CO2 au cours de son cycle de vie, soit un total d’environ 80 millions de tonnes de CO2 pour l’ensemble des cigarettes consumées. Malgré ces données, le coût environnemental réel et complet du tabac reste inconnu, faute d’études exhaustives de référence ; on estime néanmoins que la seule déforestation causée par le tabac contribue chaque année à augmenter de 20% les gaz à effet de serre[3].

Les nouveaux produits du tabac et de la nicotine promus par l’industrie sont de leur côté tout particulièrement néfastes pour l’environnement : les piles et batteries des dispositifs électroniques utilisent des métaux rares qui sont obtenus par une extraction minière très préjudiciable à l’environnement, tandis que les plastiques et les métaux de ces appareils requièrent des processus de production extrêmement polluants. Les déchets, électroniques ou autres, de ces produits sont donc très persistants et pèsent encore plus lourdement dans la facture environnementale que les cigarettes classiques[4]. Les émissions chimiques de ces appareils sont non seulement néfastes pour leurs utilisateurs, mais également pour l’environnement. L’utilisation des appareils électroniques implique par ailleurs des piles au lithium ou de l’électricité pour recharger les batteries. Les utilisateurs de cigarettes électroniques semblent enfin souffrir d’un défaut d’information sur le traitement à réserver aux déchets de ces dispositifs, lequel devrait normalement être renseigné et indiqué par le fabricant[5].

Une nécessaire étanchéité vis-à-vis des politiques publiques

Evoquer et faire prendre conscience du coût environnemental de l’industrie du tabac sera, le 31 mai prochain, le thème de la Journée mondial sans tabac. Ceci offrira une occasion de rappeler que, pour respecter l’article 5.3 de la Convention-cadre pour la lutte antitabac (CCLAT), les gouvernements et les organisations de la société civile ne devraient en aucun cas s’associer aux actions de communication financées par l’industrie du tabac, et qu’il est indispensable de tenir ces entreprises à l’écart de toutes les politiques publiques.

Mots-clés : environnement, RSE, ESG, DJSI

Pour aller plus loin sur les conséquences de l’industrie du tabac sur l’environnement, voir notre décryptage.

©Génération Sans Tabac

MF


[1] Dans les coulisses de l’écoblanchiment : L’industrie du tabac et la protection de l’environnement, STOP/WHO, mai 2022.

[2] Le terme « greenwashing » est répertorié par l’Oxford English Dictionary depuis 2002 avec cette définition : « Désinformation diffusée par une organisation qui cherche à se donner une image responsable concernant l’environnement. »

[3] Tobacco and its environmental impact: an overview, WHO, publié le 30 mai 2017, consulté le 16 mai 2022.

[4] Hendlin YH, Alert: Public Health Implications of Electronic Cigarette Waste, Am J Public Health. 2018 November; 108(11): 1489–1490.

[5] A toxic, plastic problem: E-cigarette waste and the environment. Truth Initiative, février 2021.

Comité national contre le tabagisme |

Publié le 17 mai 2022