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Les écologistes fumeurs confrontés à leurs contradictions

Faisant écho à un livre publié par Olivier Milleron, le site Reporterre questionne les militants écologistes fumeurs sur leur rapport à une industrie du tabac terriblement néfaste à l’environnement.

Les actions des militants écologistes visent souvent des entreprises multinationales, mais portent très rarement sur celles de l’industrie du tabac. « Pourquoi les mouvements écolos ne s’emparent-ils pas davantage de cette problématique ? » s’interroge dans un article le site d’information Reporterre à propos de l’industrie du tabac, en se tournant vers des militants écologistes fumeurs[1].

Le poids environnemental du marché du tabac

Les conséquences environnementales de l’industrie du tabac sont pourtant largement documentées. Déforestation massive, épuisement des ressources en eau, usages importants de pesticides pour l’agriculture et d’hydrocarbures pour le transport des marchandises, utilisation de papier et de plastiques pour la confection des cigarettes et de leurs paquets, rejets de polluants chimiques, déchets considérables par les mégots et les emballages, la liste des atteintes environnementales est longue. Ces conséquences viennent s’ajouter aux coûts sanitaires et à leurs propres incidences. L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a d’ailleurs placé cette année la Journée mondiale sans tabac sous le signe de l’environnement, afin de sensibiliser davantage à cet aspect trop méconnu du marché du tabac.

Ces nombreux impacts environnementaux n’empêchent cependant pas nombre de militants écologistes de fumer, alors qu’ils ont pour une grande partie d’entre eux déjà modifié leur mode de vie sur d’autres plans : abandon de la viande et des moyens de transports carbonés, alimentation biologique, mode de vie plus sobre et respectueux des ressources… « Pour le tabac, c’est plus compliqué : ça n’est pas une pratique comme les autres, c’est une addiction », déclare une des militantes écologistes interrogées. L’argument de l’addiction à la nicotine pèse d’autant plus dans le cas des cigarettes électroniques, dont le coût environnemental est particulièrement élevé du fait de l’utilisation de batteries, plastiques, métaux et produits chimiques, et de leur consommation d’électricité.

L’argumentaire politique pour pallier celui des motifs de santé

« Il est plus stratégique pour nous de nous attaquer à Total qu’à l’industrie du tabac », confesse un autre militant. C’est justement pour mettre en question cette stratégie que le cardiologue Olivier Milleron vient de publier un ouvrage qui interpelle les militants de gauche sur leur tabagisme[2]. Constatant que ses amis fumeurs sont peu sensibles aux arguments de santé, Milleron a préféré jouer sur les arguments politiques. Il rappelle ainsi l’historique du commerce du tabac, à l’origine lié à la colonisation et à l’esclavage. Il pointe également la « stratégie du doute », mise au point dès les années 1950 par les cigarettiers et reprise depuis par l’industrie pétrolière et celle de l’agro-chimie, et en souligne les nombreuses conséquences environnementales.

Le questionnement de leur pratique addictive n’épargne pourtant pas les militants écologistes fumeurs, qui se sentent parfois tiraillés entre leurs convictions et leurs comportements de santé. « Au bout d’un moment, j’ai commencé à me sentir mal avec le fait de fumer : d’un côté, je m’interdisais plein de choses, et, de l’autre, je continuais à acheter des clopes alors que cela finance les pires capitalistes du monde », confie ainsi une autre militante. La prise de conscience étant l’une des premières étapes de l’abandon du tabac par les fumeurs, il reste à espérer que cet argumentaire puisse largement porter ses fruits. La simple application du principe pollueur-payeur serait quant à elle une première réponse efficace aux atteintes environnementales causées par l’industrie du tabac.

Mots-clés : Environnement, écologistes, Milleron, fumeurs, tabac

©Génération Sans Tabac

MF


[1] Quentel A, Le tabac pollue : écolos et fumeurs, ils témoignent, Reporterre, publié le 7 septembre 2022, consulté le 9 septembre 2022.

[2] Milleron O, Pourquoi fumer, c’est de droite, Paris, Textuel, 2022.

Comité national contre le tabagisme |

Publié le 12 septembre 2022