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Les cigarettes électroniques, outils de marketing pour cibler les jeunes en Corée du Sud

Echappant à la législation sur les produits du tabac, le matériel utilisé pour les cigarettes électroniques est à présent exploité comme support de marketing par les industriels. Dans un courrier adressé à la revue Tobacco Prevention & Cessation, deux membres du National Tobacco Control Centre coréen pointent la façon dont les industriels du vapotage utilisent le matériel des cigarettes électroniques comme support de marketing en Corée du Sud[1].

En Corée du Sud, les restrictions concernant le marketing et la publicité des produits de tabac englobent les autres produits de la nicotine et du tabac chauffé, mais ne s’appliquent pas aux cigarettes électroniques elles-mêmes ; les fabricants de ces dernières réactualisent donc des stratégies autrefois mises à profit par les industriels du tabac.

Une stratégie de normalisation des cigarettes électroniques

Deux méthodes de marketing sont mises en lumière dans ce courrier. La première concerne l’utilisation de marques de luxe (Lamborghini, Louis Vuitton) par des autocollants destinés à être apposés sur les cigarettes électroniques en vue de les personnaliser, selon le principe de la « customisation ». Des boitiers et des porte-clés sont aussi déclinés avec ces marques. L’association produite entre ces marques prestigieuses et les cigarettes électroniques permet ainsi de valoriser ces dernières dans l’esprit des consommateurs et de favoriser l’identification aux produits. Un procédé similaire utilisant déjà la marque Lamborghini sur des paquets de cigarettes avait été employé par le passé par KT&G, le cigarettier leader en Corée du Sud. Ce même cigarettier avait également noué un partenariat avec la marque de vêtements Plac Jean, prisée des jeunes publics, en vue d’associer l’univers de la mode à celui des cigarettes.

L’autre méthode utilisée consiste à produire des cigarettes électroniques ressemblant à des objets de la vie courante : montre, clé de voiture, souris d’ordinateur, manette de jeu vidéo, etc. L’objectif serait alors d’assimiler la cigarette électronique à une sorte de jouet, afin de l’intégrer à la vie quotidienne et de promouvoir son usage. Cette stratégie de normalisation semble ici très proche des efforts déployés au milieu du XXème siècle par l’industrie du tabac, lorsqu’elle encourageait la diffusion tous azimuts de briquets et de cendriers et l’intégration de ces objets dans de nombreuses situations de la vie courante (cendriers dans les automobiles, les accoudoirs d’avions et les fauteuils de cinéma, briquets empruntant les formes les plus diverses)[2].

Des méthodes marketing qui évoquent celles de l’industrie du tabac

Ces procédés rappellent que l’utilisation de paquets de cigarettes comme supports de marketing a longtemps constitué une activité essentielle de l’industrie du tabac, et qu’elle reste encore à l’œuvre dans de nombreux pays, dont les Etats-Unis. Afin de contrer cette tendance, la Convention-cadre pour la lutte antitabac (CCLAT) a, dès 2004, encouragé l’apposition de photos et d’avertissements sanitaires sur les paquets de cigarettes, aujourd’hui présents dans 90 % des pays signataires. L’instauration du paquet neutre, actuellement mis en place dans 17 pays, vise tout particulièrement à neutraliser le marketing porté par les paquets de cigarettes. En Europe, l’extension de cette mesure aux e-liquides et aux produits de tabac chauffé représente l’un des prochains défis à relever.

Les industriels du tabac tentent également de distinguer les dispositifs électroniques des produits contenant du tabac ou de la nicotine. En France, dans un procès opposant le Comité national contre le tabagisme (CNCT) à Philip Morris France (PMF), cette dernière avait prétendu que le dispositif IQOS ne pouvait être assimilé à un produit du tabac, puisque seuls ses produits HEETS (bâtonnets de tabac pouvant être utilisés par IQOS, mais d’une marque différente) contenaient du tabac. Le 3 décembre 2021, la 31ème Chambre correctionnelle du Tribunal judiciaire de Paris a donné raison au CNCT en estimant que le dispositif IQOS n’avait d’autre fonction que de consommer du tabac, déniant ainsi toute possibilité de publicité à l’IQOS[3], alors que PMF estimait que celui-ci pouvait également servir d’accessoire de mode.

Mots-clés : Corée du Sud, cigarette électronique, marketing, publicité, IQOS

©Génération Sans Tabac

MF


[1] Chu S, Kong J, Electronic cigarette devices targeting youth in Korea, Tobacco Prevention & Cessation, 2022;8(August):30.

[2] Proctor R, Golden Holocaust, La conspiration des industriels du tabac, Paris, Ed. Equateurs, 2014, p. 162-167.

[3] Le CNCT fait condamner Philip Morris pour publicité illicite de son dispositif IQOS, CNCT, publié le 3 décembre 2021, consulté le 9 août 2021.

Comité national contre le tabagisme |

Publié le 10 août 2022