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France : le tabagisme des populations immigrées décroît moins vite que celui de la population générale

Une étude de l’INSERM montre que les populations immigrées sont davantage désireuses d’arrêter de fumer mais y parviennent moins facilement, dans un contexte de politique antitabac volontaire et de baisse générale du tabagisme. Des actions d’accompagnement et d’incitation à l’arrêt du tabac, plus ciblées et adaptées, sont préconisées pour y remédier.

Différentes études ont montré qu’en matière de santé et de tabagisme, les populations immigrées présentent, en Europe Occidentale, certaines particularités. Ces populations sont notamment plus souvent touchées par les inégalités de santé, indépendamment des niveaux d’éducation et de revenu ; être immigré ou descendant d’immigré est aujourd’hui considéré comme un déterminant social de santé[1].

Les populations immigrées souffrent ainsi plus souvent de problèmes de santé, d’une moins bonne santé mentale, et sont exposées au stress acculturatif[2] et à davantage de discrimination. Leur situation socioéconomique est globalement moins bonne, ce qui les éloigne des professionnels de santé. Dans les pays à haut revenu, les mesures de lutte contre le tabagisme semblent par ailleurs moins efficaces auprès des populations immigrées qu’en population générale[3], notamment pour des questions de normes sociales et de différences culturelles.

Inégalité face au tabagisme selon l’origine géographique

Une équipe de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) s’est penchée sur l’effet des politiques publiques de lutte contre le tabagisme sur les comportements tabagiques des populations immigrées en France[4].  Elle a mené une étude DePICT (Description des Perceptions, Images, et Comportements liés au Tabagisme) par téléphone en deux vagues, à un an d’intervalle en 2016 et en 2017, en isolant quatre régions d’origine géographique : personnes originaires de France, d’un autre pays européen, d’un pays d’Afrique ou du Moyen-Orient et enfin originaire d’une autre région du monde).

De précédentes études ont montré que la plupart des immigrés provenant d’Afrique affichent à leur arrivée en Europe des prévalences tabagiques nettement inférieures à celle observée en France. Cette prévalence tend à augmenter avec le temps, notamment chez les hommes migrants, dont la prévalence dépasse au fil du temps la prévalence générale, alors qu’elle tend à rester inférieure à la prévalence générale chez les femmes migrantes[5].

Les résultats de l’étude INSERM confirment quant à eux une baisse significative de la prévalence tabagique pour l’ensemble de la population sous l’effet des politiques publiques menées à l’époque (paquet neutre, élargissement des avertissements sanitaires, augmentation planifiée du prix, campagnes incitant au sevrage). Cette baisse en population générale contraste avec l’augmentation de 6,2 % de la prévalence tabagique parmi les individus provenant d’Afrique ou du Moyen-Orient. De plus, le souhait d’arrêt du tabac et les tentatives d’arrêt du tabac étaient plus présents chez les individus originaires de ces régions, mais ceux-ci ont moins souvent réussi à s’affranchir du tabac.

Rapprocher les populations immigrées du système de santé

Les auteurs reconnaissent que les politiques de lutte contre le tabagisme ont un effet protecteur pour l’ensemble de la population, y compris pour les populations immigrées, et sont donc indispensables. Ils estiment cependant que certaines politiques de santé publique peuvent renforcer les inégalités sociales entre population générale et population immigrée, sans que leur étude permette d’identifier quels types de politiques publiques auraient un tel effet. Une étude de 2013 avait de son côté mis en évidence que les campagnes de communication grand public tendraient à aggraver les inégalités socioéconomiques ; la mise à disposition de ressources sanitaires et les incitations fiscales comme l’augmentation du prix du tabac auraient au contraire pour effet de les réduire[6].

Les auteurs de l’étude considèrent également que le faible succès dans les tentatives d’arrêt du tabac serait dû à un moindre accès des populations immigrées aux structures de soins, tant pour des raisons linguistiques que socioéconomiques. Ils préconisent ainsi de renforcer les mesures spécifiques d’accompagnement au sevrage tabagique auprès des populations marginalisées. Ils recommandent également de déployer des interventions ciblées et adaptées aux différentes générations de population immigrées, dont les profils de consommation et les comportements de santé peuvent fortement varier. Les auteurs admettent enfin que la taille de leur échantillon de population immigrée reste réduite, ne permettant notamment pas d’analyse par sexe ni par sous-groupes de populations.

Mots-clés : population immigrée, origine géographique, politiques publiques, sevrage tabagique.

©Génération Sans Tabac

MF

[1] Castañeda H, Holmes SM, Madrigal DS, Young M‐ED, Beyeler N, Quesada J. Immigration as a Social Determinant of Health. Annu Rev Public Health. 2015;36:375–92.

[2] Stress produit par l’acculturation, c’est-à-dire l’adaptation à une autre culture.

[3] Thomson K, Hillier-Brown F, Todd A, McNamara C, Huijts T, Bambra C. The effects of public health policies on health inequalities in high-income countries: an umbrella review. BMC Public Health. 2018 Jul 13;18(1):869.

[4] Mahdjoub S, Héron M, Gomajee R, et al. Evolution of smoking rates among immigrants in France in the context of comprehensive tobacco control measures, and a decrease in the overall prevalence. BMC Public Health 23, 500 (2023). https://doi.org/10.1186/s12889-023-15339-x

[5] Khlat M, Legleye S, Bricard D. Migration-related changes in smoking among non-Western immigrants in France. Eur J Public Health. 2019 Jun 1;29(3):453-457.

[6] Lorenc T, Petticrew M, Welch V, Tugwell P. What types of interventions generate inequalities? Evidence from systematic reviews. J Epidemiol Community Health. 2013;67:190–3.

Comité national contre le tabagisme |

Publié le 22 mars 2023