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Le tabagisme des Amérindiens, entre trauma et approche traditionnelle

Au Canada, le tabagisme et le vapotage sont nettement plus répandus chez les Amérindiens qu’en population générale. Un médecin amérindien pointe la part de souffrance psychique dans cette addiction, liée à de multiples traumas, et propose d’allier traitements conventionnels et accompagnement spécifique à cette population.

Chez les Amérindiens du Canada, avec une prévalence globale de 53 % en 2018,  le tabagisme est en moyenne de 2 à 5 fois plus élevé que chez les individus non-indigènes (15 %). Les Amérindiens vivant en réserve affichent des prévalences légèrement supérieures à ceux n’habitant pas ces réserves. Chez les jeunes Amérindiens, cette prévalence tabagique est en baisse régulière, mais reste plus de trois fois supérieure à celles des jeunes en population générale (33 % contre 8 %, en 2018, pour les usages quotidiens et occasionnels)[1]. Les données sont cependant rares et surtout collectées au niveau provincial.

Un reportage de CBC Canada s’est penché sur le tabagisme amérindien et ses spécificités. Il donne notamment la parole au Dr James Makokis, lui-même membre de la nation Cree de Saddle Lake, en Alberta.

De l’usage traditionnel à l’usage post-traumatique

Pour le Dr Makokis, l’usage de tabac chez les populations natives doit être traité avec respect, ce que reconnaît également Health Canada. Dans ces communautés, le tabac est en effet une plante sacrée, traditionnellement considérée comme médicinale et utilisée dans les prières et pour certains rites[2]. Dans ces circonstances, le tabac n’est inhalé que de façon minimale, cet usage étant estimé très distinct de celui du « tabac commercial », déconsidéré car il répond davantage à un comportement addictif.

« Quand on regarde le nombre énorme de traumas que les peuples indigènes ont vécus à travers la violence coloniale, nous savons qu’ils sont d’autant plus prédisposés à réguler leurs émotions… par le mésusage de substances, qu’il s’agisse d’alcool ou de drogues », analyse le Dr Makokis. Des traumatismes qui, comme d’autres fragilités psychologiques, conduisent tout autant à l’usage chronique de tabac. Ces traumatismes peuvent être historiques, allant de l’extermination de ces peuples à leur cantonnement dans des réserves, mais aussi plus récents, comme l’ont montré deux vastes scandales de placements forcés d’enfants amérindiens, des années 1960 jusqu’à très récemment[3].

Un accompagnement au sevrage tabagique adapté

Les spécificités des populations amérindiennes exigent donc des approches plus adaptées du traitement du tabagisme. Le Dr Makokis indique ainsi combiner des traitements médicaux conventionnels avec des éléments de la culture traditionnelle. Les paramètres identitaires, tels que la langue traditionnelle, les cérémonies et la spiritualité sont mobilisés en tant que « facteurs protecteurs ». Le Dr Makokis attire l’attention sur le tabagisme des adultes et des jeunes seniors, plus touchés par le tabagisme, ce qui risque de priver la communauté de toute une génération de personnes âgées, traditionnellement dépositaires de la transmission culturelle.

Comme pour les autres populations indigènes inuite et métisse, ces préceptes et la nécessité de développer des approches thérapeutiques adaptées, sont l’un des axes de la Stratégie Tabac du Canada 2020-2025[4]. Celle-ci prévoit notamment le co-développement, avec les représentants des groupes indigènes, de stratégies spécifiques pour ces populations en matière de tabagisme[5].

Si les jeunes Amérindiens tendent à moins fumer que leurs aînés, ils sont aujourd’hui davantage adeptes du vapotage que les jeunes non-indigènes (31 % contre 20 %, pour un usage dans les 30 derniers jours). Ceci  exigerait de la même manière des programmes d’intervention spécifiques, à adapter en fonction des générations et de leurs modes de consommation.

Mots-clés : Amérindiens, Canada

©Génération Sans Tabac

MF

Schwientek S, Improve health of Indigenous people and culture by decolonizing tobacco, says Cree doctor, CBC Canada, publié le 18 mars 2023, consulté le 21 mars 2023.

[1] Alberta Health Service, Indigenous People in Canada and Tobacco, Tobacco, Vaping and Cannabis Information Series, novembre 2022, 6 p.

[2] First Nations Health Authority, Respecting Tobacco, consulté le 21 mars 2023.

[3] Sixties Scoop Millennium Scoop: Overview, Indigenous Studies, KPU, consulté le 21 mars 2023.

[4] Government of Canada, Canada’s Tobacco Strategy, mis à jour le 19 décembre 2022, consulté le 21 mars 2023.

[5] Canadian Partnership Against Cancer, Leading practices in first nations, inuit, and métis smoking cessation, avril 2019, 31 p.

Comité national contre le tabagisme |

Publié le 27 mars 2023