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Le rôle de la CCLAT dans la mise en place des mesures de lutte antitabac

Une revue de la littérature publiée par la Society for Research on Nicotine and Tobacco[1] a évalué si la ratification de la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac (CCLAT) était associée à des mesures de réduction de la demande de tabac. La CCLAT est le premier et unique traité mondial de santé. Il vise à réduire la demande et l’offre de produits du tabac en se concentrant, entre autres, sur les taxes sur le tabac, les interdictions de fumer, les avertissements sanitaires ou encore les interdictions de publicité. Le Traité a été ratifié par 181 pays et l’Union Européenne.

Les résultats de l’étude soulignent que la CCLAT a permis la mise en œuvre de mesures dans plusieurs domaines, lesquelles ont eu des conséquences mesurables sur la baisse de la consommation de tabac dans de nombreux pays. Cependant, selon les auteurs, la mise en œuvre de la CCLAT devrait être accélérée et les Parties devraient respecter l’ensemble de leurs obligations au titre du Traité notamment en matière de politiques fiscales efficaces et d’interdiction complète de la publicité pour les produits du tabac. Enfin, l’ingérence de l’industrie du tabac dans les politiques publiques demeure un obstacle important dans la bonne application des mesures de santé.

La CCLAT a catalysé la création de lois nationales de lutte contre le tabagisme dans des pays

Dans plusieurs pays, notamment ceux qui n’avaient jusqu’alors quasiment aucune législation de lutte contre le tabagisme, la ratification de la CCLAT leur a permis d’adopter une loi nationale de lutte antitabac [2][3]. Par exemple, le gouvernement kenyan a adopté la Tobacco Control Act (TCA) en 2007, 3 ans après être devenu partie à la CCLAT, surmontant les barrières de longue date de l’ingérence de l’industrie du tabac. L’ingérence a persisté dans les efforts visant à mettre en œuvre la loi, mais le statut du Kenya en tant que partie à la CCLAT a fourni une base juridique solide pour la réglementation complète de 2014 sur la lutte antitabac. De nombreuses parties prenantes au Kenya ont signalé que des réglementations strictes n’auraient pas été mises en place sans la ratification de la CCLAT[4].

Au Sri Lanka, la CCLAT a guidé le contenu et accéléré la promulgation de l’Autorité nationale sur le tabac et l’alcool en 2006, et a fourni la base juridique pour la législation nationale antitabac (interdictions de publicité pour le tabac,  politiques, mesures fiscales et limitation de l’accès des jeunes aux produits du tabac). Les parties prenantes à Madagascar ont déclaré que les arrêtés et décrets interministériels pour l’élaboration et la mise en œuvre d’avertissements sanitaires et d’une loi antitabac complète n’auraient pas été introduits en l’absence de la CCLAT et de ses directives d’application. La CCLAT a également guidé des politiques fiscales fortes (l’un des taux de taxation les plus élevés d’Afrique[5]) et a offert le cadre juridique approprié pour contrer l’opposition de l’industrie du tabac à l’égard des augmentations de taxes[6].

Plusieurs pays ont aussi indiqué l’importance de l’article 5.3 et de ses directives d’application pour sensibiliser à la notion d’ingérence de l’industrie du tabac qui demeure le principal obstacle à la mise en œuvre des politiques de réduction du tabac. Pour protéger ses politiques publiques, le Kenya a ainsi transposé les recommandations des directives d’application de cette mesure dans son droit interne. La législation de 2014 du pays en matière de réglementation de la lutte antitabac est ainsi la plus complète en la matière de la région Afrique[7].

La Convention-cadre de l’OMS a renforcé les politiques existantes de lutte antitabac

Dans les pays où des politiques de lutte antitabac existaient avant la ratification de la CCLAT, les parties prenantes ont décrit le rôle important de la Convention dans le renforcement des politiques existantes sur la base des bonnes pratiques (avertissements sanitaires sur les paquets) et l’adoption de nouvelles dispositions (par exemple en matière de développement des espaces sans tabac, de politique fiscale, paquet neutre, protection des politiques publiques etc.).

Le Royaume-Uni a ratifié la CCLAT en 2005. Des législations et politiques de lutte contre le tabagisme existaient déjà.  Cependant, en Écosse, des mesures plus récentes visant à interdire de fumer dans les véhicules privés et des campagnes visant à réduire le tabagisme à la maison ont été justifiées dans la mise en œuvre par une référence continue aux directives d’application de l’article 8 concernant la protection à l’égard du tabagisme passif. Les éléments clés de la stratégie de lutte antitabac du Royaume-Uni sont fermement ancrés dans la CCLAT. Le Royaume Uni tire un bénéfice du traité qui se traduit notamment par une diminution du nombre de fumeurs tout en contribuant à faciliter et améliorer l’application de ce dernier dans d’autres pays à travers les expériences partagés.

La France constitue également une illustration de cette contribution. L’expérience du pays dans le domaine de la publicité tout comme les études relatives aux avertissements sanitaires et paquets neutres sont venues en appui lors de l’adoption des directives d’application des articles correspondant à l’étiquetage et au conditionnement des produits ainsi qu’aux interdictions de toute publicité, pour les articles 11 et 13 du traité.

Au niveau européen, la directive de l’UE sur les produits du tabac de 2014 s’inscrit également dans le respect des obligations de l’Union européenne en vertu de la CCLAT. Celles-ci ont ainsi permis l’agrandissement des avertissements sanitaires conformément aux recommandations de l’article 11 ou encore la protection contre l’exposition à la fumée de tabac avec les interdictions de fumer dans les lieux publics (article 8). Les progrès les plus substantiels ont été réalisés dans les pays où la décision publique s’appuyait sur le Traité que ce soit en termes de respect des obligations, de justifications des mesures, de référence à de bonnes pratiques[8][9].

L’ingérence de l’industrie reste un défi permanent à la bonne application de la CCLAT

L’industrie du tabac utilise depuis longtemps des tactiques directes et indirectes pour entraver, retarder ou affaiblir la mise en œuvre des politiques publiques de réduction de la consommation de tabac. L’efficacité des mesures de la CCLAT a renforcé la nécessité de ces démarches pour les fabricants.  Bien qu’un nombre croissant de pays aient pris des dispositions ces dernières années pour protéger leurs politiques publiques, aucun d’entre eux n’a pleinement mis en œuvre toutes les mesures prévues dans les textes. En outre, ces mesures demeurent souvent limitées à la seule sphère des autorités sanitaires alors que les hausses de taxes, particulièrement efficaces, relèvent des ministères du budget et finances, lesquels demeurent souvent étrangers aux bonnes pratiques prescrites dans les relations avec cette industrie.

Ainsi à titre d’illustrations, l’industrie continue à participer à des événements en présence de membres de gouvernements, à faire prévaloir ses intérêts via des groupes de façade ou encore à promouvoir son image à travers des activités dite d’entreprises socialement responsables. Ce faisant l’industrie continue à s’opposer systématiquement aux augmentations de taxes (article 6) sur le tabac en commanditant des recherches alléguant des avantages du tabac sur l’économie d’un pays ou annonçant le développement du commerce illicite associé aux hausses de taxes[10]. En conséquence, l’ingérence de l’industrie du tabac continue d’être le plus grand obstacle à la mise en œuvre de la CCLAT dans le monde.

Mots clés : CCLAT, ingérence industrie du tabac, taxes, avertissements sanitaires, publicité

©Génération Sans Tabac

AE


[1] Heikki Hiilamo, PhD, Stanton Glantz, PhD, Global implementation of tobacco demand reduction measures specified in Framework Convention on Tobacco Control, Nicotine & Tobacco Research, 2021;, ntab216, https://doi.org/10.1093/ntr/ntab216

[2] McCabe Centre for Law and CancerCampaign for Tobacco-Free Kids. Report on who FCTC in legislation and litigation, 2015.

[3] Craig L, Fong GT, Chung-Hall J for the WHO FCTC Impact Assessment Expert Group, et al Impact of the WHO FCTC on tobacco control: perspectives from stakeholders in 12 countries Tobacco Control 2019;28:s129-s135.

[4] Tobacco tactics, Kenya- BAT’s Tactics to Undermine the Tobacco Control Regulations, dernière mise à jour le 5 février 2020, consulté le 20 octobre 2021

[5] Husain, Muhammad Jami & English, Lorna & Ramanandraibe, Nivo. (2016). An overview of tobacco control and prevention policy status in Africa. Preventive Medicine. 91S. 10.1016/j.ypmed.2016.02.017.

[6] van Walbeek C, Filby S Analysis of Article 6 (tax and price measures to reduce the demand for tobacco products) of the WHO Framework Convention on Tobacco Control Tobacco Control 2019;28:s97-s103.

[7] Kenya Tobacco industry interference index 2020, Kenya Tobacco Control Alliance, 14 août 2020, consulté le 20 octobre 2021

[8] Craig L, Fong GT, Chung-Hall J for the WHO FCTC Impact Assessment Expert Group, et alImpact of the WHO FCTC on tobacco control: perspectives from stakeholders in 12 countriesTobacco Control 2019;28:s129-s135.

[9] Tobacco Control, EU Tobacco Products Directive Revision, dernière mise à jour le 25 mars 2021, consulté le 20 octobre 2021

[10] CNCT, Lutter contre le commerce illicite et les marchés parallèles, 3 juin 2021, consulté le 20 octobre 2021

Comité National Contre le Tabagisme |

 

Publié le 25 octobre 2021