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Le Parlement suisse s’oppose à la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac

Le projet de loi sur les produits du tabac (LPTab), transmis au Parlement fédéral suisse en 2015 et en cours de discussion au Parlement, n’est pas conforme aux exigences de la Convention-cadre de l’Organisation mondiale de la santé pour la lutte antitabac (CCLAT). C’est ce que conclut un avis de droit rédigé à la demande d’organisations helvètes de santé[1].

Si la nouvelle loi devrait permettre d’interdire la vente de produits du tabac aux mineurs de moins de 18 ans dans l’ensemble du pays, elle se révèle cependant insuffisante sur la question de la publicité. Selon cinq organisations antitabac et de santé publique, cette lacune réglementaire s’explique par une volonté politique de « ne pas porter atteinte aux intérêts de l’industrie du tabac »[2].

La Suisse, signataire de la CCLAT depuis 2004

Dans son article 13, la CCLAT exige de ses Parties d’instaurer « une interdiction globale de toute publicité en faveur du tabac, de toute promotion et de tout parrainage ». Si la Suisse a signé le Traité dès 2004, elle demeure un des derniers pays du monde à ne pas l’avoir encore ratifié. La pierre d’achoppement est la non-conformité de sa loi avec cet article 13. La Suisse a une pratique établie de ne pas ratifier une convention qu’après avoir adapté sa législation nationale.  Le projet de loi en cours d’élaboration ne permettra qu’une restriction partielle, laissant la publicité, la promotion et le parrainage encore possibles, et visibles pour les enfants et adolescents, et ne sera donc pas conforme aux dispositions de la CCLAT, empêchant la Suisse de la ratifier.

La proximité entre décideurs et fabricants

Alors que l’interdiction générale de la publicité est soutenue par la grande majorité de la population, elle se heurte à l’opposition d’une partie des décideurs politiques. Dans un article publié par Le Temps en décembre 2020[3], Philippe Nantermod, membre de la commission du Conseil national s’occupant de la santé publique (CSSS), indiquait n’être « personnellement pas favorable à l’interdiction de la publicité pour le tabac », pointant le caractère « hypocrite » d’une telle mesure, qui empêcherait le financement de « beaucoup de grandes manifestations ». Les détracteurs de l’interdiction générale, majoritairement d’obédience libérale, évoquent l’atteinte potentielle d’une telle mesure à certains droits fondamentaux, comme la liberté économique, ou la liberté d’opinion et d’information. Toutefois, comme le rappelle l’avis de droit, les « limitations du droit de faire de la publicité pour certains produits [sont] conformes à la Constitution », et déjà en vigueur, notamment vis-à-vis des médicaments sur ordonnance et des médicaments pouvant être achetés sans ordonnance « qui peuvent engendrer une accoutumance ou une dépendance »[4].

« Une place attractive pour l’industrie du tabac »

La Suisse est aujourd’hui le pays le plus laxiste en matière de lutte contre le tabagisme. Par sa structure fédérale, elle attire les multinationales du tabac, dont deux des plus grandes (PMI et JTI) y ont installé leur siège social. Le pays, accordant un fort pouvoir décisionnaire à de petites entités politiques (les cantons) facilite ainsi les stratégies d’ingérence et de lobbying des fabricants de tabac. Par ailleurs, en 2003, le Conseil fédéral répétait son ambition de faire de la Suisse une « place attractive pour l’industrie du tabac »[5].

Un enjeu majeur de santé publique en Suisse

Au-delà de la question publicitaire, les organisations de santé pointent la nécessité de la mise en œuvre de mesures supplémentaires, comme l’instauration du paquet neutre, ou l’augmentation des taxes. En effet, depuis 2017, la décision de la hausse de la fiscalité sur les produits du tabac ne relève plus de la compétence du Conseil fédéral helvète. Celles-ci n’ont d’ailleurs pas évolué depuis 2013. Avec 27% de fumeurs, la Suisse n’a pas enregistré de baisse de sa prévalence tabagique en une décennie[6]. Cette forte influence des cigarettiers dans la vie politique se paye au prix fort : le tabagisme est le responsable direct de 9 500 morts chaque année en Suisse.

Mots clés : Suisse, CCLAT, publicité, lobbying

©Génération Sans Tabac


[1] R&Associés avocats, Avis de droit. Conformité du projet de loi fédérale sur les produits du tabac au droit supérieur, 16 décembre 2020

[2] Association suisse pour la prévention du tabagisme, Le parlement planche sur un projet de loi non conforme à la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac, 25 janvier 2021 (consulté le 27/01/2021)

[3] Le Temps, La Suisse face à sa réglementation sur le tabac, 6 décembre 2020, (consulté le 27 janvier 2020)

[4] Confédération suisse. Loi fédérale sur les médicaments et les dispositifs médicaux (LPTh). 812.21, article 32

[5] Temps Présent, Attention, ce parlement peut nuire à votre santé, 7 septembre 2018 (Vidéo)

[6] The Tobacco control scale 2019 in Europe, 19 février 2020

Comité National Contre le Tabagisme |

Publié le 28 janvier 2021