Le non-respect des interdictions de fumer, la faible taxation des produits du tabac, mais aussi l’absence d’interdiction de la publicité pour ces produits comptent parmi les insuffisances majeures du Népal en matière de lutte contre le tabagisme. Des efforts restent à accomplir pour réduire la prévalence tabagique et ses conséquences sanitaires.
Bien qu’il ait ratifié la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac (CCLAT) en 2006 et adopté un Tobacco Product (Control and Regulatory) Act en 2011, le Népal ne progresse que doucement dans sa lutte contre le tabagisme. Deux aspects devraient être plus particulièrement améliorés : le respect des interdictions de fumer dans les lieux clos et l’augmentation des taxes sur les produits du tabac. Le Népal accuse également un retard en matière d’interdiction de la publicité sur les produits du tabac, volet sur lequel il était dans l’obligation d’adopter des dispositions nettement plus restrictives dans les trois années ayant suivi la ratification de la CCLAT.
Des interdictions de fumer peu respectées au Népal
Faire respecter les interdictions de fumer dans les lieux clos semble être une gageure au Népal : bien que la législation de 2011 interdise de fumer sur tous les lieux de travail et dans les lieux publics, elle semble très peu observée. Cette interdiction a fait, en 2020, l’objet d’un rappel à l’ordre des pouvoirs publics auprès des services déconcentrés, resté sans effet.
La métropole de Katmandou a elle-même réaffirmé localement cette interdiction le 17 septembre 2022, l’assortissant d’une pénalité de 100 roupies (0,70 cts) en cas d’infraction, mais cela n’a été guère plus suivi que celles déjà prononcées en 2016 et en 2019. Les acteurs de santé publique appellent ici à montrer plus de fermeté afin de mieux faire respecter cette interdiction de fumer.
Cette question de l’inapplication des lois n’est pas spécifique au Népal et se rencontre dans de très nombreux pays. Elle renvoie au thème fondamental des contrôles, qui ne sont pas assurés, pour vérifier l’application effective de ces lois et sanctionner de manière dissuasive les éventuels manquements.
Une taxation encore insuffisante
L’autre point faible désigné par les acteurs de santé est la modeste taxation des produits du tabac, dont le taux n’avoisine que 41 %. « En tenant compte du taux d’inflation estimé pour l’année fiscale à venir, le pourcentage global de taxes baissera même de 41 % à 39 %, loin des 75 % recommandés par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) pour parvenir à réguler la consommation de tabac. », a estimé Anjana Lamichhane, chercheuse associée au Nepal Development Research Institute[1]. « Si nous sommes attentifs à la santé de la population, le gouvernement doit fixer un taux minimum de 65 % pour réduire la consommation. », a-t-elle poursuivi. Les fortes hausses de taxes sur les produits du tabac ont en effet été démontrées comme étant la mesure la plus efficace pour réduire la prévalence tabagique[2].
Un pays encore très consommateur de divers produits du tabac
Avec une prévalence tabagique globale de 28,9 % (48,3 % pour les hommes et 11,6 % pour les femmes), le Népal reste un pays fortement consommateur de produits du tabac[3]. Ceux-ci se partagent entre les produits fumés (cigarettes, chicha et bidis[4] : 17 %, dont 13,3 % de fumeurs quotidiens) et les produits non fumés (guthka[5], khaini[6], noix et feuilles de betel, tabac à priser : 18,3 %, dont 15,3 % d’usagers quotidiens), 6,5 % des adultes consommant ces deux catégories de produits. L’usage de cigarettes électroniques s’observe essentiellement chez les jeunes et, comme dans d’autres pays, a connu une forte croissance ces dernières années ; ces produits ne sont pas couverts par la loi sur les produits du tabac.
Si le Népal se distingue en étant le pays ayant à ce jour les avertissements sanitaires graphiques les plus larges, puisqu’ils couvrent 90 % de la surface des paquets de cigarettes, il reste cependant très en retard sur le plan de la publicité pour les produits du tabac, qui est notamment encore autorisée à la radio et à la télévision. D’importants efforts doivent ainsi encore être accomplis pour réduire la mortalité et les nombreuses maladies causées par les diverses formes de tabagisme.
Mots-clés : Népal, interdiction de fumer, taxation, produits oraux.
MF
[1] Dhakal S, Nepal’s failed approach to controlling tobacco use, The Annapurna Express, publié le 28 juin 2023, consulté le même jour.
[2] Chaloupka FJ, Straif K, Leon ME; Working Group, International Agency for Research on Cancer. Effectiveness of tax and price policies in tobacco control. Tob Control. 2011 May;20(3):235-8.
[3] Dhimal M, Bista B, Bhattarai S, et al. Report on Non Communicable Disease Risk Factors: STEPS Survey Nepal 2019, Nepal Health Research Council, 2020, 394 p.
[4] Bâtonnet composé d’une feuille de tabac roulée.
[5] Mélange à mâcher, composé de tabac, d’arômes sucrés et de noix d’areca.
[6] Mélange à mâcher, composé de tabac aromatisé, d’épices et de tilleul.