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Le Monténégro veut revendre le tabac issu du commerce illicite

Le ministre des Finances du Monténégro, Aleksandar Damjanovic, a annoncé souhaiter proposer une loi permettant à l’Etat de revendre les produits du tabac confisqués dans le cadre d’opérations de lutte contre le commerce illicite. Cette proposition s’inscrit dans un contexte de fragilité des finances publiques du Monténégro. Elle témoigne toutefois d’une méconnaissance des pouvoirs publics de l’impact de la consommation tabagique sur l’équilibre budgétaire. Une telle disposition s’oppose au protocole de l’OMS pour éliminer le commerce illicite des produits du tabac.

Le ministre des Finances du Monténégro a annoncé vendredi 22 juillet proposer prochainement une loi permettant la reprise des produits du tabac confisqués sur le port de Bar. Ce dernier, situé dans le sud du pays, est une plaque tournante du commerce illicite européen[1].

Une recette fiscale estimée entre 15 et 20 millions d’euros par an pour le Monténégro

La proposition de loi permettra d’établir des délais de reprise des produits du tabac, et de faire des offres aux anciens propriétaires des produits saisis. Si les anciens propriétaires ne reprennent pas leurs produits, ceux-ci pourraient être revendus dans le cadre d’une vente aux enchères. Ainsi, selon le ministre des Finances, cette mesure pourrait engendrer entre 15 et 20 millions d’euros de recettes fiscales.

Une proposition non conforme à la lutte contre le commerce illicite des produits du tabac

Une telle proposition suscite toutefois de nombreux problèmes. Pour Karen Maddocks, ambassadrice britannique, celle-ci s’oppose aux bonnes pratiques et aux protocoles internationaux. Selon elle, les marchandises pouvant poser problème en raison de leur qualité, du respect des normes sanitaires et des droits de propriété intellectuelle doivent être détruits, et non vendus. Le protocole de l’OMS pour éliminer le commerce illicite des produits du tabac, ratifié par le Monténégro, rappelle cette nécessité de détruire les produits du tabac. Ainsi, le protocole stipule en effet que « tout le tabac, tous les produits du tabac et tout le matériel de fabrication confisqués sont détruits au moyen de méthodes écologiques dans toute la mesure possible, ou éliminés conformément au droit national ». (Article 18).[2].

Une proposition qui évacue le rôle des fabricants dans le commerce illicite

Dans le cas de la contrebande, cette mesure évacue le rôle des fabricants, responsables des deux-tiers de la contrebande mondiale. Pour cette raison, un accord de 2004 entre la Commission européenne et Philip Morris International contraint le cigarettier à effectuer des paiements en cas de saisies importantes de ses produits dans les réseaux de contrebande. Un tel accord repose sur le principe que le fabricant a une responsabilité dans le bon contrôle de ses propres produits. Ici, le Monténégro, ne faisant pas partie de l’Union européenne, propose aux fabricants de revendre ses propres produits, alors qu’ils pourraient avoir contribué à faire sortir ces derniers du réseau légal.

Le retard du Monténégro en matière de lutte contre le tabagisme

Le commerce illicite constitue de fait un manque à gagner fiscal pour les pouvoirs publics. Toutefois, la proposition du ministre des Finances revient à considérer la vente de tabac comme une solution pour générer des recettes fiscales. Or, la consommation de tabac représente un véritable fardeau pour les pouvoirs publics. Cette affirmation est vérifiée y compris dans les pays appliquant de hauts niveaux de taxation. La lutte contre le commerce illicite du tabac passe par la lutte contre le tabagisme lui-même. A ce titre, le Monténégro accuse un certain retard. En effet, 36% des hommes et 27% des femmes étaient fumeurs quotidiens dans le pays en 2016[3].

Mots-clés : Monténégro, Contrebande, Commerce illicite

©Génération Sans Tabac

FT


[1] Balkan Insight, Montenegro Mulls Filling Budget by Selling Confiscated Tobacco, 22/07/2022, (consulté le 26/07/2022)

[2] Organisation mondiale de la santé, Protocole pour éliminer le commerce illicite des produits du tabac, (consulté le 26/07/2022)

[3] Organisation mondiale de la santé, Tobacco control fact sheet : Montenegro, 2016, (consulté le 26/07/2022)

Comité national contre le tabagisme |

Publié le 27 juillet 2022