Une étude étatsunienne estime que la plus forte exposition au harcèlement et à la violence scolaire des jeunes se déclarant d’une minorité sexuelle constituerait l’un des déterminants de leur tabagisme élevé. Plusieurs pistes sont envisagées pour faire évoluer cette situation.
Une prévalence tabagique plus élevée est régulièrement observée parmi les personnes lesbiennes, gay, bisexuelles ou trans (LGBT), tant parmi les adultes que parmi les jeunes. Une équipe de chercheurs de l’Université de l’Illinois à Chicago s’est penchée sur certains déterminants psychosociaux de cette disparité chez les adolescents[1].
L’exposition aux violences scolaires amplifierait la consommation de tabac
Les travaux de cette équipe s’appuient sur l’exploitation des résultats de l’étude Youth Risk Behavior Surveillance System (YRBSS), qui explore tous les deux ans au niveau national les conduites à risques des jeunes scolarisés. En se concentrant sur la ville de Chicago, les réponses déclaratives de 13 872 adolescents de 15 à 18 ans ont fait l’objet d’analyses bivariées.
Ces analyses ont permis de confirmer que les adolescents déclarant une orientation sexuelle minoritaire (homosexuelle, bisexuelle ou incertaine, soit 21,1 % de l’échantillon) sont nettement plus consommateurs de produits du tabac et de la nicotine que les jeunes hétérosexuels, de 2,3 à 4,4 fois plus selon les types de produits. Il est aussi confirmé que les adolescents exposés au harcèlement (incluant le cyberharcèlement) et aux violences scolaires sont à la fois davantage sujets aux conduites à risques et plus souvent consommateurs de produits du tabac et de la nicotine. D’autres travaux ont auparavant documenté les liens entre usages de substances et exposition à la violence et aux évènements traumatiques, dans une optique de régulation de l’anxiété et des affects négatifs[2].
Si les adolescents hétérosexuels exposés au harcèlement et aux violences scolaires sont globalement nombreux (28,1 %), cette proportion augmente significativement chez ceux se déclarant d’une minorité sexuelle (41,2 %). Par ailleurs, parmi les jeunes se déclarant d’une minorité sexuelle, ceux ayant été exposés au harcèlement et aux violences scolaires sont plus souvent consommateurs de produits du tabac et de la nicotine que ceux n’y ayant pas été exposés. Les auteurs estiment ainsi que 34 % des usages de tabac chez les jeunes de minorité sexuelle seraient dus au harcèlement et aux violences scolaires, d’autres facteurs de consommation étant également à l’œuvre dans cette population.
Deux axes de réponse à cette situation
Parmi les pistes imaginées pour résorber cette situation, deux axes sont mis en avant. Le premier concerne les actions de prévention, qui pourraient être conduites sur trois niveaux : en menant des actions globales de prévention du harcèlement et des violences scolaires ; en développant des actions ciblées sur l’exposition à ces violences auprès jeunes se déclarant d’une minorité sexuelle, sachant que les messages peuvent différer de ceux habituellement adressés aux adultes ; en encourageant l’implantation d’organisations étudiantes favorisant l’alliance gays/hétérosexuels, lesquelles renforcent l’intégration des minorités sexuelles et réduisent leur victimisation.
L’autre axe d’intervention recommandé par les auteurs est d’agir en parallèle avec les leviers de lutte contre le tabagisme qui ont fait leur preuve. L’augmentation des taxes sur les produits du tabac et de la nicotine, l’interdiction de l’utilisation d’arômes dans ces produits, le recul de l’âge légal d’achat – et de vente – des produits du tabac à 21 ans, ainsi que l’abolition des remises et des rabais sont présentés comme autant de mesures permettant de réduire la consommation de ces produits chez tous les jeunes. Les auteurs ajoutent que d’autres efforts devraient être déployés afin de réduire la consommation de cigarettes électroniques, qui a nettement supplanté celle des produits du tabac chez les jeunes étatsuniens. Ils omettent cependant de prendre en compte le ciblage spécifique des minorités sexuelles par l’industrie du tabac aux Etats-Unis, tout particulièrement dans le marketing des produits du tabac et de la nicotine mentholés.
Pour mieux comprendre les autres déterminants des consommations de tabac et de nicotine chez les publics LGBT, consultez notre fiche d’information.
Mots-clés : LGBT, violences scolaires, harcèlement, conduites à risques
MF
[1] Duangchan C, Matthews A, Smith A, Steffen A, Sexual minority status, school-based violence, and current tobacco use among youth, Tob. Prev. Cessation 2022;8(December):46. https://doi.org/10.18332/tpc/156110
[2] Khanhkham A, Williams RD Jr, Housman JM, et al. Sexual dating violence, school-based violence, and risky behaviors among U.S. high school students. J Community Health. 2020;45(5):932-942.
