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La place de la femme dans la lutte contre le tabagisme en Europe

Un rapport de l’Organisation mondiale de la santé pointe la situation sanitaire problématique de l’Europe en matière de tabagisme féminin. De la même manière que l’industrie du tabac développe des stratégies marketing spécifiques pour cibler les femmes, le rapport souligne la nécessité pour la lutte antitabac de mieux tenir compte de la question du genre[1].

L’Europe est la région mondiale dans laquelle les femmes fument le plus, avec une prévalence tabagique estimée à 19%. Pour les 13-15 ans, cette proportion est une fois et demie supérieure à la moyenne mondiale (12% contre 8%). En vingt ans, la prévalence tabagique des femmes n’a que très modestement reculé, passant de 23 à 19%. Dans le même intervalle de temps, le taux de fumeurs parmi les hommes a considérablement diminué, passant de 46% à 34%. D’ici 2025, la prévalence tabagique féminin ne devrait diminuer que d’un point supplémentaire.

Le tabagisme des femmes : un enjeu sanitaire européen majeur

En tant qu’épidémie industrielle, le tabagisme, dans ses niveaux de consommation comme dans ses effets sanitaires suit une courbe, observant le modèle suivant : phase initiale, développement rapide, plateau, déclin[2]. Compte tenu des effets de long terme de la consommation de tabac, on estime qu’il existe un délai de trente ans entre la courbe de la consommation de tabac, et la courbe de mortalité associée au tabagisme. Ainsi, en France, entre 1980 et 2010, le nombre de décès liés à la consommation de tabac chez les femmes a été multiplié par 7, passant de 2700 à 19 000[3]. Cependant, le pic de consommation tabagique des femmes ayant été atteint à la fin des années 80 et au début des années 90, les pleines conséquences sanitaires du tabagisme féminin sont encore à venir, posant un problème de santé publique majeur.

Les femmes : « une mine d’or dans notre jardin[4] »

L’industrie du tabac a déployé un marketing protéiforme pour propager l’épidémie tabagique auprès des femmes. En particulier, à travers les placements de produits dans les films ou le design des paquets et des cigarettes, les fabricants ont cherché à faire de la cigarette un véritable accessoire de féminité. Plus récemment, les cigarettiers ont investi le marketing digital, afin de s’adresser aux femmes, notamment à travers les réseau d’influenceurs web. Si le phénomène n’épargne pas les hommes, il demeure toutefois très majoritairement féminin : on estime que 85% des influenceurs sont des femmes. Enfin, les fabricants, dans un souci d’image publique, cherchent régulièrement à se présenter comme des entreprises progressistes, alliées de la cause des femmes, en finançant diverses organisations (associations de lutte contre les violences faites aux femmes, associations locales, sportives, etc).

L’invisibilisation des femmes dans le discours antitabac

Selon le rapport, les réponses apportées par la lutte antitabac ne s’adressent pas assez spécifiquement aux femmes pour être pleinement efficaces. Ainsi, alors que l’ensemble des paquets de cigarettes vendus dans toute l’Union européenne doivent faire figurer des images de prévention, on observe de fortes disparités entre hommes et femmes. En effet, 91% des images illustrant les risques graves et mortels du tabagisme sur les paquets sont incarnées par des hommes. Lorsque les hommes sont mis en scène, ils le sont très majoritairement dans le rôle du malade, de la victime directe du tabagisme (81%). Dans 19% des cas, ils représentent un proche de la victime, ou le soignant. En revanche, lorsque les femmes sont mises en scènes, elles n’incarnent la malade que dans 31% des cas. Dans 38% des cas, les femmes sont dans un rôle de soignante, et dans 31% placées dans des situations de risques pour l’enfant ou d’infertilité.

Adapter les politiques antitabac aux questions de genre

Comme le soulignent les auteurs de ce rapport, un certain nombre de progrès peuvent être réalisés. Sur le plan de la prévention d’abord, des campagnes médiatiques adaptées aux genres peuvent être une piste de réflexion. Les femmes étant en Europe plus susceptibles que les hommes de rester au domicile, en raison d’une répartition encore genrée des tâches domestiques, une réglementation plus volontariste en matière d’interdiction tabagique peut être bénéfique pour les femmes. Il est estimé que 64% des victimes de tabagisme passif dans le monde sont des femmes. De la même manière, les auteurs avancent l’importance d’avoir une offre d’accompagnement à l’arrêt plus accessible et plus adapté aux femmes. Par ailleurs, le rapport insiste sur la nécessité pour les pouvoirs publics de chercher à systématiquement associer des dirigeantes, des organisations de femmes aux décisions antitabac et à la mise en place de politiques de contrôle.

Mots clés : Femmes, Genre

©Génération Sans Tabac


[1] Organisation mondiale de la santé, Through a gender lenswomen and tobacco in the WHO european region, février 2021, (en anglais)

[2] Lopez AD, Collishaw NE, Piha T. A descriptive model of the cigarette epidemic in developed countries. Tob Control. 1994;3(3):242-247.

[3] Laureen Ribassin-Majed, Catherine Hill; Trends in tobacco-attributable mortality in France, European Journal of Public Health, Volume 25, Issue 5, 1 October 2015, Pages 824–828, https://doi.org/10.1093/eurpub/ckv078

[4] Cette citation est issue d’une déclaration d’un dirigeant d’une firme de tabac, en 1928, quand les cigarettiers voient dans le marché féminin un potentiel gigantesque de développement économique (Les femmes, cibles de choix de l’industrie du tabac, La Croix, 24/05/2010, consulté le 15/02/2021)

Comité National Contre le Tabagisme |

Publié le 16 février 2021