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La lutte en demi-teinte de l’Inde contre l’industrie du tabac

En Inde, dix ans après la promesse du gouvernement de mettre en place une stratégie afin d’empêcher l’ingérence de l’industrie du tabac dans les politiques publiques, un code de conduite à destination des fonctionnaires pour prévenir l’influence des cigarettiers vient d’être publiée. Ce dernier comporte pourtant un certain nombre de limites[1].

En 2010 s’est tenu à Bangalore le Global Tobacco Networking Forum, un événement en lien étroit avec l’industrie du tabac et de la nicotine. Le Tobacco Board, département du ministère indien du Commerce et de l’Industrie, s’était alors associé au Forum, en dépit des obligations du pays, Partie  de la Convention-cadre de l’Organisation mondiale de la santé pour la lutte antitabac (CCLAT) depuis 2004. L’Institut de la santé publique, en réponse à cette entorse, a engagé au même moment une requête auprès de la Haute Cour du Karnataka, afin d’obtenir le retrait du Tobacco Board de l’événement, ainsi qu’une stratégie gouvernementale interdisant à ses membres toute interaction inutile avec l’industrie du tabac.

Une réponse gouvernementale tardive et lacunaire

Dix ans après la promesse du gouvernement allant en ce sens, ce dernier a proposé un code de conduite succinct, à destination des fonctionnaires, pour protéger les politiques publiques de l’ingérence de l’industrie. Autrement dit, seuls les fonctionnaires affiliés au ministère de la Santé publique sont visés par ce document, sans tenir compte par exemple des stratégies d’influence des cigarettiers que subissent les différentes localités indiennes, ou l’ensemble des pouvoirs publics, comme le Ministère du commerce et de l’industrie ou des Finances, cibles clés des fabricants de tabac. Ainsi, alors qu’ils réglementent les questions liées aux taxes sur le tabac, à sa vente, son exportation, les fonctionnaires de ces ministères échappent à ce code de conduite. Les experts en santé publique déplorent par ailleurs que le gouvernement ne tienne pas compte des investissements publics dans le secteur du tabac, ainsi que de l’absence de réponse aux stratégies de responsabilité sociale des fabricants.

L’Inde, un pays ambivalent

Le pays observe une tendance positive dans sa lutte contre l’influence de l’industrie du tabac, comme le souligne l’indice d’interférence, publié en novembre 2020. Entre 2017 et 2019, l’Inde est passé de 72 à 61 points, soit une amélioration de 11 points. Toutefois, ce score demeure dans l’absolu très élevé, et révèle un certain nombre de fragilités pour les politiques publiques indiennes. Si le pays s’est récemment illustré dans la mise à distance de l’industrie du tabac et de la nicotine, les milieux décisionnaires entretiennent cependant des liens étroits avec les cigarettiers. Ainsi, par exemple, des observateurs ont relevé la présence d’anciens membres gouvernementaux dans les conseils d’administration des compagnies de tabac, à l’instar de l’ex ministre des Affaires étrangères indien, Nirupama Rao. En dépit d’un lourd tribut sanitaire avec 1,35 million de décès prématurés chaque année à cause du tabac, cette situation est la démonstration que le tabac n’est pas encore perçu en Inde dans sa dimension d’obstacle au développement économique et d’appauvrissement. L’industrie y demeure très active et influente en particulier par l’intermédiaire des organisations de planteurs de tabac.

Mots clés : Inde, ingérence

©Génération Sans Tabac


[1] India Spend, New Policy Targets Tobacco Industry Interference In Health Ministry, 21/12/2020, consulté le 04/01/2020

Comité National Contre le Tabagisme |

Publié le 4 janvier 2021