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La Caisse des Dépôts exclut l’industrie du tabac de ses investissements socialement responsables

Comme Axa, le Crédit Agricole ou CNP Assurances, le groupe Caisse des Dépôts a écarté le secteur du tabac de ses investissements socialement responsables (ISR). Initiée en Australie par Tobacco Free Portfolios, cette prise de conscience s’étend progressivement dans le secteur financier mais peine à s’imposer dans le référentiel français de l’ISR.

L’investissement socialement responsable (ISR) est un label qui applique aux investissements financiers les préceptes du développement durable[1]. Il est accordé aux entreprises affichant une bonne notation de leurs critères ESG, lesquels mesurent précisément la prise en compte des enjeux environnementaux, sociaux et de bonne gouvernance. Les entreprises avec une notation ESG élevée se sont en effet affirmées comme étant celles qui affichent les meilleures performances financières à long terme et ne sont pas uniquement guidées par les profits à court terme.

Une tendance de fond chez les acteurs financiers majeurs

Depuis 2015, le groupe Caisse des Dépôts s’est engagé dans une politique d’ISR et a d’emblée écarté l’industrie du tabac afin de respecter les engagements de la France vis-à-vis de la Convention-cadre pour la lutte antitabac (CCLAT). Le bilan 2021 de cette activité, qui vient d’être publié[2], réaffirme l’exclusion de l’industrie du tabac de ses investissements, au même titre que les entreprises des énergies fossiles (pétrole, gaz, charbon), des mines antipersonnel et des bombes à sous-munition.

D’autres grands groupes financiers ont fait des choix similaires. En 2016, l’assureur Axa avait formé une coalition d’investisseurs dans un mouvement de désinvestissement de l’industrie du tabac[3]. Les filiales du Crédit Agricole et de la Société Générale dédiées à la gestion de patrimoine sont associées dans le groupe Amundi pour la gestion de leurs encours ISR et excluent également le secteur du tabac. BNP Paribas a adopté cette position en 2017 et revendu ses avoirs dans le secteur du tabac[4]. En prenant le contrôle de CNP Assurances en juin 2022, La Banque Postale participe à présent à ce mouvement[5]. Le Crédit Coopératif se distingue quant à lui en ayant aussi inscrit l’industrie des jeux d’argent dans la liste des secteurs où l’investissement serait inapproprié. La SFIL, banque publique de refinancement, a de son côté ajouté les industries de la fourrure et de la pornographie à celles du tabac, des énergies fossiles et des armes non conventionnelles, dans la liste des secteurs exclus des investissements.

Appel à instituer l’exclusion de l’industrie du tabac du label ISR

L’organisation non gouvernementale Tobacco Free Portfolios (TFP), qui a initié en Australie cette responsabilisation de la finance sur la question du tabac, a signé en mai 2020 un partenariat avec l’Alliance contre le tabac (ACT), dans le cadre du projet DETAF (Dénormalisation du Tabac en France). L’ACT a par la suite conduit, du 29 septembre au 7 octobre 2022, à l’occasion de la Semaine de la finance responsable, une campagne de sensibilisation destinée au grand public et aux décideurs pour alerter sur le label ISR[6]. De son côté, en 2021, le Comité national contre le tabagisme (CNCT) a récompensé du prix 5.3 de la transparence le cabinet de conseil Axylia, spécialisé dans la finance responsable, pour sa contribution à la dénormalisation du tabac[7].

Le CNCT et l’ACT ont plaidé à de nombreuses reprises auprès du gouvernement que l’exclusion du secteur du tabac soit expressément intégrée dans la prochaine mise à jour du référentiel ISR, prévue fin mars 2023, sans avoir pour l’instant été entendus. Décerné par le ministère de l’Economie, ce label n’exclut pas encore systématiquement les investissements dans l’industrie du tabac, les entreprises les plus sensibilisées ayant initié volontairement cette démarche. L’application réelle de la Convention-cadre pour la lutte antitabac (CCLAT) et la volonté de parvenir à une Génération sans tabac pour 2032 devraient pourtant imposer ce type de mesures.

Ces initiatives ont tout pour inquiéter l’industrie du tabac, qui cherche en permanence à rassurer ses actionnaires face à l’incertitude du marché du tabac et à sa stratégie de diversification. Malgré les discours des cigarettiers sur leurs produits non fumés (cigarettes électroniques, tabac chauffé, formes orales de nicotine), leurs rapports financiers précisent pourtant discrètement que le tabac fumé reste de loin leur première source de dividendes[8]. Les industriels du tabac multiplient également les actions de responsabilité sociale des entreprises (RSE) en espérant faire oublier que le tabagisme est la cause de 8 millions de morts annuels dans le monde, et d’un nombre encore plus important de malades atteints de pathologies de tous types.

Mots-clés : ISR, Caisse des Dépôts, Tobacco Free Portfolios

©Génération Sans Tabac

MF


[1] Qu’est-ce que l’ISR ?, Ministère de l’Economie, des finances et de la relance.

[2] Bilan investissement responsable 2021, Groupe Caisse des Dépôts, novembre 2022, 82 p.

[3] Alvarez C, Fumer peut nuire gravement à votre investissement, Novethic, publié le 21 juin 2017, consulté le 7 février 2023.

[4] AFP-Novethic, BNP Paribas renonce à financer les entreprises du tabac, Novethic, publié le 27 novembre 2017, consulté le 7 février 2023.

[5] Guegneau R, Après le succès de l’OPA sur CNP, La Banque Postale prête à accélérer, Les Echos, publié le 3 juin 2022, consulté le 7 février 2023.

[6] ACT-Alliance contre le tabac, Arrêtons de financer l’industrie du tabac, consulté le 7 février 2023.

[7] CNCT, Les prix 5.3, Pour des politiques publiques sans tabac et sans lobby, consulté le 7 février 2023.

[8] Philip Morris International, 2021 annual report, 152 p.

Comité national contre le tabagisme |

Publié le 8 février 2023