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L’industrie du tabac a intensifié ses efforts d’influence pendant la pandémie de Covid19

Les efforts de gouvernements et pouvoirs publics dans le monde pour limiter l’influence de l’industrie du tabac se sont affaiblis pendant la pandémie de coronavirus, selon l’indice d’interférence de l’industrie du tabac publié ce 2 novembre 2021 par l’organisme de surveillance de l’industrie mondiale du tabac STOP[1]. L’année 2020 a été marquée globalement par une recrudescence du lobby du tabac et de son influence dans les décisions politiques. Les auteurs recommandent de transposer dans les législations nationales l’ensemble des mesures protectrices de la CCLAT dans ce domaine.

L’Indice général de l’interférence de l’industrie du tabac, Global TII, a été initié en 2015 en Asie du Sud Est par la coalition STOP. Pour l’année 2020, 80 pays dans le monde ont évalué leurs politiques publiques à l’égard de l’interférence de l’industrie du tabac soit 23 pays supplémentaire par rapport à l’édition précédente. L’évaluation s’appuie sur les dispositions prévues à mettre en œuvre par toutes les parties au traité de la CCLAT et trouve sa traduction dans cet indice de l’interférence de l’industrie du tabac : plus le score est faible, plus le pays a mis en place des dispositions protectrices en la matière.

La pandémie de Covid19 a favorisé le retour de l’industrie du tabac dans les politiques publiques

Le rapport indique que l’industrie du tabac a exploité la pandémie de COVID-19 et les besoins financiers de la crise sanitaire pour s’imposer comme un interlocuteur pour de nombreux gouvernements. Les modalités ont été diverses : dons financiers ou en nature avec des équipements de protection individuelle ou de soin. De nombreux gouvernements, rendus vulnérables par la pandémie, ont accepté ces dons de l’industrie du tabac qui n’ont pas été faits sans contreparties. Ainsi les politiques fiscales sur le tabac s’en sont trouvées affaiblies tandis que des mesures de lutte antitabac ont été différées voire des législations favorables aux intérêts de l’industrie ont été adoptées.

En Malaisie, au Pakistan, en Tanzanie et en Zambie, par exemple, où les activités de RSE liées à l’industrie du tabac étaient soutenues, il a été observé que ces pays n’avaient imposé aucune augmentation de taxe sur le tabac en 2020.

Dans d’autres pays, comme en Afrique du Sud ou au Botswana, l’industrie du tabac ou des tierces parties affiliées à l’industrie ont fait pression sur les gouvernements voire ont engagé des actions en justice à l’encontre de gouvernements qui avaient interdit la production de tabac pendant les confinements.

En Turquie et Géorgie, le gouvernement a retardé la mise en œuvre du paquet neutre suite aux pressions de l’industrie. En Ethiopie et en Bolivie, l’instauration de nouveaux avertissements sanitaires sur les paquets a été retardée pour les mêmes raisons.

Vigilance autour des nouveaux produits du tabac et de la nicotine

L’industrie du tabac a également intensifié son lobby pour promouvoir ses nouveaux produits à base de nicotine, notamment le tabac à chauffer/griller. Le 7 juillet 2020, Philip Morris International (PMI) s’est vu octroyer, pour son produit phare IQOS, le statut de « produit à risque modifié » par la Food and Drug Administration (FDA) des Etats-Unis[2]. Suite à cette décision PMI a fait pression sur plusieurs gouvernements pour empêcher que ses produits soient classés dans les catégories de tabac conventionnelles et bénéficier de dispositions dérogatoires. Tel fut le cas au Kenya, au Liban, en Israël, en Egypte et en Espagne. Le lobbying a souvent été mené auprès des parlementaires ou s’est déroulé dans le cadre d’auditions parlementaires.

L’industrie du tabac a également été active pour obtenir des décisions favorables à l’égard d’autres produits nouvellement mis sur le marché. Au Kenya, le fabricant British American Tobacco a ainsi enregistré son nouveau produit oral (sachet de nicotine), Lyft, auprès du Kenyan Pharmacy and Poisons Board, le classant comme un médicament pour empêcher Lyft d’être réglementé en tant que produit du tabac et de la nicotine[3].

Renforcer l’application de l’article 5.3 de la Convention-Cadre

Bien que les gouvernements aient identifié l’ingérence de l’industrie du tabac comme le principal obstacle à leurs efforts pour mettre en œuvre des mesures de lutte antitabac, beaucoup sont devenus vulnérables aux tactiques de l’industrie et ont compromis leurs politiques visant à protéger la santé publique des intérêts commerciaux.

Le rapport signale que les pays non-signataires de la Convention-Cadre tels que l’Argentine, la République Dominicaine, la Suisse, l’Indonésie et les USA ont été confrontés à des niveaux très élevés d’interférence de l’industrie du tabac qui ont compromis les résultats de la lutte antitabac.

L’étude souligne aussi qu’aucun pays n’a été épargné par l’ingérence de l’industrie du tabac, malgré la pandémie, mais plusieurs gouvernements ont néanmoins progressé en matière de protection à l’égard de cette ingérence de l’industrie du tabac. Pour y parvenir, ces pays ont en particulier adopté des dispositions de nature législative ou / et ont défini des codes de conduite. Dix-huit pays ont amélioré la protection de leurs politiques de santé, notamment en appliquant de manière efficace les lignes directrices de l’article 5.3 de la CCLAT qui prévoient une plus grande transparence et une limitation des relations avec l’industrie du tabac au strict nécessaire.

Selon les auteurs du rapport global, la transposition de l’article 5.3 et de ses directives dans les lois nationales est essentielle et plus urgente que jamais étant donné le renforcement des activités de l’industrie du tabac pendant la crise sanitaire. Sont particulièrement pointées les dispositions suivantes : empêcher la participation de l’industrie du tabac à l’élaboration des politiques, éviter les interactions inutiles avec l’industrie et assurer la transparence des réunions qui ont lieu ; enfin supprimer les avantages dont bénéficient les fabricants.

Mots clés : Indice d’ingérence, rapport, industrie du tabac, CCLAT, 5.3

©Génération Sans Tabac

AE


[1] Mary Assunta. Global Tobacco Industry Interference Index 2021. Global Center for Good Governance in Tobacco Control (GGTC). Bangkok, Thailand. Nov 2021.

[2] Génération Sans Tabac, Stratégies de commercialisation d’IQOS avant et après l’octroi du statut « produit à risque modifié » par la FDA américaine, 28 octobre 2021, consulté le 3 novembre 2021

[3] Génération Sans Tabac, BAT utilise ses nouveaux produits pour affaiblir la lutte anti-tabac au Kenya, 8 octobre 2020, consulté le 3 novembre 2021

Comité National Contre le Tabagisme |

Publié le 4 novembre 2021