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Indexer la fiscalité du tabac sur le pouvoir d’achat : quelles conséquences en Europe ?

Faire correspondre la fiscalité du tabac au pouvoir d’achat des pays en Europe pourrait contribuer à augmenter les prix des produits du tabac, en particulier dans les États-membres cumulant hauts niveaux de revenus et faibles prix du tabac. C’est ce qu’indique une étude publiée dans la revue Tobacco Control, dans le contexte de la révision de la directive européenne sur la fiscalité sur les produits du tabac.

La question de l’élasticité-prix est un paramètre déterminant dans la mise en place de politiques fiscales efficaces sur les produits du tabac. Dans une perspective de santé publique, les hausses de prix sur le tabac doivent être au-delà d’un certain seuil pour déclencher une diminution de la consommation. En deçà de ce seuil, les hausses de prix n’ont pas d’effet sur la consommation, et pénalisent uniquement le pouvoir d’achat des fumeurs.

Toutefois, les recherches montrent que la prise en compte de l’abordabilité des produits du tabac est nécessaire à la mise en place d’une politique de santé publique effective. En d’autres termes, il s’agit de mesurer la sensibilité des consommateurs aux variations du prix du tabac, en fonction de l’évolution du pouvoir d’achat (variations de revenus, inflation)[1]. Intégrer la question de l’abordabilité des produits du tabac poursuit une double intention. D’abord, ce critère vise à faire en sorte que la fiscalité des produits du tabac corresponde à l’évolution du pouvoir d’achat.  D’autre part, l’objectif poursuivi est d’assurer une fiscalité suffisamment dissuasive dans les pays à hauts niveaux de revenus[2].

Prix du tabac : des situations disparates en Europe

Les auteurs de l’étude proposent de faire correspondre la fiscalité minimale des produits du tabac à une fraction du revenu de chaque pays en parité de pouvoir d’achat. Les différents pays de l’Union européenne ayant des niveaux de revenus très différents, le ratio entre la fiscalité minimale des produits du tabac et les niveaux de revenus varient énormément : si en Irlande, il est de 2%, il n’est que de 0,36% au Luxembourg, pays caractérisé par sa faible fiscalité et ses hauts niveaux de revenus. Autrement dit, en Irlande, la fiscalité appliquée pour 1000 cigarettes équivaut à 2% du revenu par habitant en parité de pouvoir d’achat.

La fiscalité de 1000 cigarettes équivalente à 0,83% du revenu national en parité de pouvoir d’achat

A titre d’illustration, parce qu’il s’agit de l’État-membre le plus pauvre de l’Union européenne, les chercheurs prennent le cas de la Bulgarie comme taux de référence. Le ratio entre la fiscalité minimale des produits du tabac et le revenu en parité de pouvoir d’achat y est de 0,85%, soit légèrement au-dessus de la moyenne européenne (0,83%). Partant de ce taux de référence, l’étude a cherché à calculer quels seraient les prix des produits du tabac dans l’ensemble des États-membres, si chacun devait faire en sorte que la fiscalité sur 1000 cigarettes corresponde à au moins 0,83% de son propre revenu national en parité de pouvoir d’achat.

Une hausse générale des prix du tabac en Europe

En mettant en place une telle mesure, le prix moyen du paquet de cigarettes augmenterait sensiblement dans la plupart des pays en Europe. Les estimations réalisées par les chercheurs montrent qu’en moyenne, le prix moyen du paquet de 20 cigarettes augmenterait de 43 centimes, passant de 5,27 à 5,70.  L’Allemagne connaîtrait la plus forte hausse, avec un paquet passant de 5,90 à 7,45 euros, tandis que l’Autriche et la Suède seraient les deux autres pays enregistrant une augmentation supérieure à un euro par paquet. Toutefois, l’application d’un tel taux ne permettrait pas de hausse de prix dans huit pays de l’Union européenne, dont la France. De la même manière, cette politique se traduirait par une hausse significative du prix du tabac à rouler en Europe. Ainsi, en moyenne, le prix de 20 cigarettes roulées augmenterait de 54 centimes. L’Allemagne connaîtrait une augmentation supérieure à deux euros, tandis que l’Autriche et la Belgique enregistreraient une augmentation de plus d’un euro.

Les conditions et les limites d’un tel mécanisme

Une telle mesure pourrait permettre une augmentation sensible de la fiscalité, et donc du prix du tabac, notamment dans certains pays riches ayant une fiscalité limitée. Cependant, selon les auteurs de l’étude, elle ne résoudrait pas la question de l’harmonisation du prix du tabac entre les États-membres.  Par ailleurs, le calcul du revenu par parité de pouvoir d’achat ne permet pas de tenir compte des disparités pouvant exister au sein d’un même pays. Pour les chercheurs, l’objectif de ce mécanisme doit être bien compris : il s’agirait uniquement de garantir que les produits du tabac ne deviennent pas trop abordables. Autrement dit, ce taux de référence ne doit selon eux pas remplacer ou empêcher la mise en place de hausses de taxes dissuasives. Enfin, les auteurs insistent sur la nécessité d’inclure à ce dispositif un mécanisme de non-régression, afin de bloquer la possibilité de diminuer les taxes en cas de baisse des revenus nationaux. Cette mesure serait l’un des aspects visant à améliorer le fonctionnement du marché intérieur européen, et à assurer le respect des objectifs de santé du traité.

Mots clés : Suisse, Publicité

©Génération Sans Tabac

FT


[1] Nigar Nargis, PhD, Michal Stoklosa, PhD, Ce Shang, PhD, Jeffrey Drope, PhD, Price, Income, and Affordability as the Determinants of Tobacco Consumption: A Practitioner’s Guide to Tobacco Taxation, Nicotine & Tobacco Research, Volume 23, Issue 1, January 2021, Pages 40–47, https://doi.org/10.1093/ntr/ntaa134

[2] Branston JR, López-Nicolás Á, Promoting convergence and closing gaps using affordability-based minimum taxes: an illustration using the European Union Tobacco Tax Directive,Tobacco Control Published Online First: 11 February 2022. doi: 10.1136/tobaccocontrol-2021-056960

Comité National Contre le Tabagisme |

Publié le 15 février 2022