Actualités

inde-bollywood-tabagisme-cinema

Le cinéma indien continue de faire l’apologie du tabagisme

En Inde, le film d’action K.G.F. Chapter 2 dont la bande annonce diffusée le 7 janvier 2021 sur Youtube a recueilli plus de 130 millions de vues fait l’objet de critiques de la part du ministère de la santé qui considère que l’acteur principal y fait l’apologie du tabagisme[1].

Suite à l’annonce du film « K.G.F. Chapter 2 » en Inde marquée par une forte présence du tabac, la cellule anti-tabac du département de la santé de l’Etat de Karnataka a émis une demande de justification à l’acteur principal du film, au réalisateur et au producteur. Selon les responsables publics, les images montrant l’acteur fumant une cigarette encouragent le tabagisme et enfreignent l’article 5 de la Loi de 2003 sur les cigarettes et autres produits du tabac (également connue sous le nom de COTPA 2003).

Une demande de suppression du teaser des plateformes en ligne ainsi que des affiches du film assurant une promotion du tabagisme est intervenue. Les textes prévoient d’apposer un avertissement à l’écran avec la mention « Fumer nuit à la santé » en cas de d’existence de scènes tabagiques incitatrices à la consommation. Mais ni le teaser, ni les affiches publicitaires n’ont apposé un tel message. Le teaser dépeint l’acteur qui fait exploser une rangée de voitures avec une mitrailleuse et allume une cigarette avec le canon chauffé de l’arme.

Bollywood a une longue histoire de représentations de héros et de méchants avec des cigarettes ou des bidis roulés à la main. L’Inde produit plus de 1 000 films par an dans plusieurs langues, qui sont distribués dans plusieurs pays, au Moyen-Orient, en Asie du Sud-Est, aux États-Unis et en Europe. L’audience mondiale des films de Bollywood a été estimée à environ 3 milliards.

Des réglementations fragiles et peu respectées dans le pays

Selon une étude de l’OMS[2] de 2002, le tabac était alors présent dans 76% des films de Bollywood. Une étude de 2020[3] qui a analysé 300 films indiens souligne que 70% de ces derniers contenaient au moins une scène de tabagisme. Cette légère baisse s’expliquerait pas la mise en œuvre des dispositions de la convention-cadre de l’OMS dans le domaine de la publicité et de la promotion.

Proposée par le ministère de la Santé en mai 2005, une interdiction de montrer des acteurs fumer dans les films et émissions de télévision est entrée en vigueur le 2 octobre 2005 mais La Haute Cour de Delhi a par la suite annulé l’interdiction en janvier 2009, affirmant que l’interdiction était une forme de censure qui restreignait le droit à la liberté d’expression. En octobre 2012[4], l’Inde a mis en œuvre de nouvelles règles sur la présentation des produits du tabac, des marques de tabac et de l’usage du tabac dans les films et programmes de télévision nationaux et étrangers. Un film ou une émission de télévision avec des images sur le tabac doit désormais diffuser pendant 100 secondes un message sanitaire à l’écran conçu par les autorités publiques auxquels s’ajoutent des avertissements sanitaires sous les scènes de tabagisme. Malgré ces interdictions, des procédés de contournement ont été mis en place et l’usage du tabac était toujours impliqué dans les films et la télévision, même s’il n’était pas explicitement montré.

Le tabagisme au cinéma influence directement les taux de tabagisme chez les jeunes

Des études ont révélé qu’il y avait une forte relation entre l’exposition au tabac au cinéma et l’initiation au tabagisme chez les adolescents. Les jeunes âgés de 10 à 14 ans, souvent exposés à des films contenant des scènes de consommation de tabac, ont 2,6 fois plus de risques[5] de commencer à fumer que des jeunes peu exposés. La vue de scènes tabagiques dans les films sont associées à des attitudes plus positives à l’égard du tabagisme et à la perception que la plupart des adultes fument[6]. Les placements de produits sont mémorisés par les personnes exposées aux scènes et influencent par la suite leur rapport à la marque et les intentions d’achat de consommateurs. Le placement produit (comportemental) est le plus efficace lorsque la marque joue un rôle actif dans le film, par exemple lorsque le fumeur sort sa cigarette à un moment particulièrement critique du film.

Mots clés : Inde, Bollywood, Tabac, Cinéma

©Génération Sans Tabac


[1] Laiqh A. Khan, Objection to smoking visuals in K.G.F Chapter 2 teaser, 12 janvier 2021 consulté le 14 janvier 2021

[2] Bollywood victim or ally : a study on the portrayal of tobacco in Indian cinema, Organisation Mondiale de la Santé, 2003

[3] Ailsa J. McKay,Nalin Singh Negi,Nandita Murukutla, and al., Trends in tobacco, alcohol and branded fast-food imagery in Bollywood films, 1994-2013, PLOS One Journal,  29 mai 2020, https://doi.org/10.1371/journal.pone.0230050

[4] Stanton Glantz, India’s strong policy to protect the public from onscreen smoking is under attack, University of California San Francisco, 4 août 2016, consulté le 14 janvier 2021

[5] Sargent J.D., Beach M.L. Adachi-Mejia A.M., Gibson J.J., Titus-Ernstoff L.T., Carusi C.P., Swain S.D., Heatherton T.F., Dalton M.A. (2005), Exposure to movie smoking: its relation to smoking initiation among US adolescents, Pediatrics, 116(5), 1183-91.

[6] Sargent JD, Beach ML, Dalton MA, Mott LA, Tickle JJ, Ahrens MB, Heatherton TF. Effect of seeing tobacco use in films on trying smoking among adolescents: cross sectional study. BMJ. 2001 Dec 15;323(7326):1394-7. doi: 10.1136/bmj.323.7326.1394. PMID: 11744562; PMCID: PMC60983.

Comité National Contre le Tabagisme |

Publié le 15 janvier 2021