Actualités

Impact du tabagisme sur la santé oculaire

Une synthèse éditée par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) fait le point sur les incidences du tabagisme, mais aussi du tabagisme passif et de l’usage de cigarette électronique, sur la santé oculaire (cataracte, le glaucome et la dégénérescence maculaire liée à l’âge). Un encouragement de plus à stopper le tabagisme le plus tôt possible et à adopter un mode de vie sain.

La perte de la vue est l’une des infirmités les plus handicapantes. Elle a été pointée comme la deuxième affection la plus redoutée aux Etats-Unis, derrière l’incapacité mentale[1]. C’est également l’un des nombreuses conséquences du tabagisme sur la santé, bien qu’elle soit rarement présente à l’esprit. Dans une note de synthèse, l’OMS récapitule les différents points reliant le tabagisme à des affections oculaires[2].

Effets directs ou indirects du tabagisme sur les troubles oculaires

Trois types d’affections oculaires sont passées en revue : la cataracte, la dégénérescence maculaire liée à l’âge et le glaucome.

La plupart des cataractes se développent avec l’âge, mais le diabète, l’usage de tabac et l’usage de stéroïdes comptent parmi les facteurs de risques pouvant influer sur leur développement. Le tabagisme est notamment lié au développement de la cataracte nucléaire, la forme la plus commune, en ce qu’il libère des radicaux libres qui élèvent le stress oxydatif dans le cristallin. L’intensité du tabagisme et les doses de toxiques cumulées augmentent l’intervention chirurgicale, ces interventions pouvant à leur tour être compliquées par le tabagisme. Une consommation quotidienne de 15 cigarettes par jour augmente de 42 % le risque d’intervention sur une cataracte, en comparaison des personnes n’ayant jamais fumé[3]. Une étude indienne a par ailleurs montré que l’usage de formes non fumées du tabac, comme le tabac à mâcher, était également significativement associé à l’apparition d’une cataracte nucléaire[4].

Le tabagisme est d’autre part identifié comme l’un des premiers facteurs de risque modifiables dans l’installation et le développement de la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA), ici encore pour son action sur le stress oxydatif. Une méta-analyse a notamment mis en évidence, chez les fumeurs, un risque quatre fois supérieur de DMLA néovasculaire et de deux à trois fois supérieur de DMLA atrophique[5]. Une relation dose-réponse a par ailleurs été soulignée dans une autre étude, entre le nombre de paquets-années et l’apparition d’une DMLA[6]. Les fumeurs ont également plus de risques de développer une DMLA plus jeune, soit 5,5 ans avant les personnes n’ayant jamais fumé, cet écart se réduisant à 4,4 ans pour les ex-fumeurs[7]. Le tabagisme passif constitue lui aussi un facteur de risque, une exposition au tabagisme passif durant 5 ans suffisant à doubler la probabilité de développer une DMLA. Les enfants exposés au tabagisme de leur mère durant la grossesse ont par ailleurs cinq fois plus de risques de développer une méningite bactérienne, qui peut entraîner de sérieux problèmes de vision.

Une étude de cohorte a quant à elle montré que le tabagisme pourrait augmenter l’incidence du glaucome. Elle a notamment pointé une relation dose-réponse entre le nombre de paquets-années et l’incidence du glaucome, que l’on ne retrouve pas chez les ex-fumeurs, ni chez les personnes exposées au tabagisme passif[8]. Le tabagisme a aussi pour conséquence d’augmenter la sécheresse des yeux, ce qui  risque de développer un glaucome. La sécheresse des yeux peut également résulter de l’usage d’une cigarette électronique, en particulier en cas d’utilisation d’un voltage important, lequel a pour conséquence la libération de radicaux libres et d’aldéhydes.

L’usage d’une cigarette électronique peut par ailleurs exposer à des effets indésirables comme une vision floue ou une perte de la vue pouvant nécessiter une intervention chirurgicale. Dans les cas d’accidents où la batterie de la cigarette électronique explose dans la bouche du consommateur, des traumas oculaires importants, tels qu’une lacération de la cornée ou un endommagement des tissus oculaires, peuvent altérer l’acuité visuelle[9].

Des pistes de prévention individuelles et collectives

Les actions de prévention de ces pathologies peuvent se situer à deux niveaux, individuel ou collectif. Les actions individuelles privilégient l’arrêt du tabagisme, dont l’effet bénéfique sur les systèmes respiratoire et cardiovasculaire peut significativement réduire le risque de DMLA. Le risque accru de DMLA ne s’estompe cependant complètement qu’après vingt ans d’arrêt du tabac, sachant qu’il n’existe aucun traitement connu pour la DMLA. L’évitement de l’exposition aux fumées secondaire et tertiaire constitue aussi un axe de prévention de la DMLA, tout comme d’adopter un mode de vie sain (pratiquer des activités physiques, adopter une alimentation équilibrée accordant une large place aux légumes verts et aux fruits, se protéger des rayons ultra-violets…). Pour la prévention des différents troubles oculaires, des examens ophtalmologiques réguliers sont recommandés. Enfin, pour prévenir les accidents liés à l’usage des cigarettes électroniques, des actions de formation au maniement correct de ces appareils sont fortement conseillées.

En termes d’actions collectives, l’OMS recommande d’appliquer les principales mesures énoncées dans la Convention-cadre pour la lutte antitabac (CCLAT) et pouvant influer sur la demande, en particulier les augmentations des taxes et des droits d’accises, ainsi que l’interdiction de la publicité, de la promotion et des actions de parrainage pour les produits du tabac. L’OMS préconise également de mettre l’accent sur les espaces et environnements non-fumeurs, sur les avertissements sanitaires graphiques et sur la généralisation du paquet neutre standardisé pour les différents produits du tabac.

Mots-clés : Vision, troubles oculaires, DMLA, santé oculaire, cataracte, glaucome, OMS.

©Génération Sans Tabac

MF


[1] United States Department of Health and Human Services. The health consequences of smoking: a report of the Surgeon General. Atlanta, GA: United States Department of Health and Human Services, Centers for Disease Control and Prevention, National Center for Chronic Disease Prevention and Health Promotion, Office on Smoking and Health; 2004.

[2] WHO, Tobacco and vision loss, publié le 12 octobre 2022, consulté le 14 octobre 2022.

[3] Lindblad BE, Håkansson N, Wolk A. Smoking cessation and the risk of cataract. JAMA Ophthalmol. 2014;132(3):253–7.

[4] Raju P, George R, Ramesh SV, Arvind H, Baskaran M, Vijaya L. Influence of tobacco use on cataract development. Br J Ophthalmol. 2006;90(11):1374–7.

[5] Age-related macular degeneration (AMD). In: National Eye Institute. Bethesda, MD: National Eye Institute; 2021.

[6] United States Department of Health and Human Services. The health consequences of smoking: 50 years of progress. A report of the Surgeon General. Atlanta, GA: United States Department of Health and Human Services, Centers for Disease Control and Prevention, National Center for Chronic Disease Prevention and Health Promotion, Office on Smoking and Health, 2014.

[7] Vittorio AF, Nguyen V, Barthelmes D, Arnold JJ, Cheung CMG. Murray N et al.

Smoking status and treatment outcomes of vascular endothelial growth factor inhibitors for neovascular age-related macular degeneration. Retina. 2020;40(9):1696–1703.

[8] Pérez-De-Arcelus M, Toledo E, Martinez-González MÁ, Martin-Calvo N, Fernández-Montero A, Moreno-Montañés J. Smoking and incidence of glaucoma: the SUN cohort. Medicine. 2017;96(1):e5761.

[9] Chen IL. FDA summary of adverse events on electronic cigarettes. Nicotine Tob Res. 2013;15(2):615–6.

Comité national contre le tabagisme |

Publié le 21 octobre 2022