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Le gouvernement anglais envisage de taxer l’industrie du tabac pour ses déchets

Bien que la prévalence du tabagisme y soit l’une des plus basses d’Europe, le Royaume-Uni dépense chaque année 40 millions de livres (47 millions d’euros) pour nettoyer les mégots et autres détritus liés au tabac.

Le gouvernement britannique a décidé de riposter le 30 mars 2021[1] en annonçant vouloir taxer les industriels du tabac au nom de la responsabilité élargie des producteurs (REP), une législation qui oblige tous les fabricants à gérer les déchets issus de leurs produits. Dans le cas du tabac, cette responsabilité élargie des industriels est déjà prévue pour les emballages de cigarettes ; elle sera à présent étendue aux milliers de tonnes de mégots que le tabagisme génère chaque année.

Les déchets liés au tabagisme représentent la forme la plus répandue de détritus (68%) dans le pays et ont un impact direct sur l’environnement par la pollution de l’air, des rivières et des océans. De plus, les mégots sont considérés comme des objets à usage unique, thème sur lequel le gouvernement britannique a déjà engagé d’importantes actions d’interdiction.  Dans son combat contre la pollution plastique, le gouvernement britannique a déjà interdit les microbilles dans les produits de beauté, les pailles et agitateurs en plastique et les coton-tiges. La redevance sur les sacs en plastique à usage unique sera étendue à tous les détaillants et augmentée à 10 pence à partir d’avril 2021, et une taxe sur les emballages en plastique sera introduite à partir d’avril 2022 pour les produits qui n’ont pas au moins 30% de contenu recyclé.

Méfiance vis-à-vis de l’industrie

Bien qu’il ait d’abord envisagé l’autorégulation des déchets par les multinationales du tabac, le gouvernement libéral conservateur britannique a finalement préféré l’option d’une taxe directe, équivalente aux 40 millions de livres dépensés pour la seule gestion des mégots. Celui-ci a en effet estimé qu’il était plus prudent de créer une taxe que de compter sur le sens de la responsabilité de ces entreprises. Le gouvernement anglais s’est conformé aux dispositions de l’article 5.3 de la CCLAT qui prévoit qu’il n’y ait pas d’accord non contraignants ou sans force exécutoire passé avec l’industrie du tabac.

L’autre grande mesure envisagée par le gouvernement pour limiter ces déchets est d’encourager l’arrêt de toute consommation de tabac et de continuer à réduire la prévalence tabagique dans le pays, afin de devenir en 2030 un pays sans tabac.

Le seul cadre de la REP, insuffisant pour lutter contre les déchets des produits du tabac

La nécessité de faire prendre en charge par l’industrie du tabac les coûts pour l’environnement occasionnés par ses produits n’est pas contestable et le développement de l’offre de nouveaux produits du tabac et de la nicotine récréative tend à aggraver la situation. En effet, ces nouveaux produits tels que les cigarettes électroniques ou le tabac chauffé augmentent encore les déchets électroniques. Et il est difficilement envisageable de créer une cigarette électronique sans batterie, liquide toxique et métaux et plastiques[2]. A cet égard, l’industrie ne transmet que très peu de renseignements et d’options sur le recyclage de ces nouveaux produits[3].

Au-delà du principe se pose la question de la modalité d’application. La REP offre un cadre très utile pour certaines industries et certains produits, comme, par exemple, les programmes de reprise pharmaceutique. Ce dispositif ne semble cependant pas pleinement approprié pour les déchets générés par l’industrie du tabac. L’un des principes de la REP est en effet l’identification des produits devant être couverts. Ce processus implique généralement l’analyse de l’utilité du produit. En l’espèce, la production continue des produits du tabac ne présente aucun avantage social.

L’objectif de la REP est également d’inciter les entreprises à proposer des produits du tabac moins nocifs pour l’environnement. Avec plus de 11 milliards de cigarettes consommées chaque jour[4], tout nouvel éco-filtre biodégradable nécessitera toujours des apports massifs de matériaux et d’énergie pour sa production. En outre, les produits consommés contiennent par nature encore des milliers de produits toxiques. Et les nouveaux produits aggravent cette situation. En outre, certains déchets issus des produits du tabac, renvoient à des réglementations spécifiques relatives aux déchets dangereux[5][6].

Enfin, l’un des risques majeurs auxquels sont confrontés les pouvoirs publics est qu’en associant peu ou prou les industriels du tabac, ces derniers s’engouffrent dans ces dispositions en vue de communiquer pour blanchir leur image. Tel fut le cas au Royaume-Uni avec la campagne Love where you live, co-fondé par Imperial Tobacco et supervisée par l’organisme Keep Britain Tidy[7]. La décision du gouvernement britannique de vouloir taxer les industriels du tabac n’est sans doute pas étrangère à cet échec.

Mots-clés : industrie du tabac – mégots – déchets – environnement – 2030

©Génération Sans Tabac


[1] Communiqué, Government explores next steps to clean up tobacco litter in England, site du gouvernement britannique, 30 mars 2021, consulté le 1er avril 2021

[2] Hendlin, Yogi Hale. “Alert: Public Health Implications of Electronic Cigarette Waste.” American journal of public health vol. 108,11 (2018): 1489-1490. doi:10.2105/AJPH.2018.304699

[3] Staff attorneys Kyra Hill and Hudson Kingston, To End the Tobacco Industry’s Pollution, Put an End to the Tobacco Industry, Public Health law Center, 30 juin 2020, consulté le 6 avril 2021

[4] La cigarette en chiffres, France TV info, 11 octobre 2015, consulté le 1er avril 2021

[5] Disposing of E-cigarette waste, Public Health law Center, décembre 2019, consulté le 6 avril 2021

[6] Tips for Safe Disposal of E-Cigarettes and E-Liquid Waste, US Food and Drug Administration, 23 septembre 2020, consulté le 6 avril 2021

[7] Tobacco Tactics, CSR: Imperial and Love Where You Live, dernière mise à jour le 27 avril 2020, consulté le 1er avril 2021

Comité National Contre le Tabagisme |

Publié le 6 avril 2021