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Face au tabagisme des seniors, les professionnels de santé franciliens manquent d’assurance

Une étude indique que les professionnels de santé libéraux disposent des connaissances nécessaires, mais les attitudes et les pratiques varient fortement selon les professions. Un complément de formation suffirait à les rendre plus incitatifs et soutenants pour l’arrêt du tabac chez les séniors.

La prévalence tabagique a baissé en France au cours des années 2010, mais est restée stable, à environ 10 %, dans la catégorie des 65-75 ans (10,4 % chez les hommes, 9 % chez les femmes). 70 % des décès liés au tabac survenant après 60 ans, une équipe de chercheurs s’est penchée sur les représentations liées au tabagisme des seniors chez les professionnels de santé libéraux d’Ile-de-France[1].

Une étude explorant les représentations et les pratiques des professionnels de santé

Reprenant une méthode d’enquête utilisée en Angleterre, des médecins (51 % de généralistes, 49 % de spécialistes), des pharmaciens et des infirmiers libéraux franciliens ont été interrogés par téléphone. Les 29 items du questionnaire ont notamment exploré les connaissances de ces professionnels en matière de tabagisme des personnes âgées (10 propositions « vrai/faux »), leurs attitudes vis-à-vis de cette population (12 affirmations) et leurs pratiques professionnelles (7 questions).

Les résultats font apparaître que 23 % de ces professionnels ont suivi au moins une formation complémentaire, soit en gérontologie (46 %), soit en tabacologie (33 %), une minorité seulement étant formée sur ces deux thèmes (20 %). Si les pharmaciens détiennent le plus de connaissances précises sur le thème du tabagisme des seniors, les médecins sont ceux qui affichent les meilleures attitudes et les meilleures pratiques.

Une sous-estimation de la nécessité d’intervenir auprès des seniors

Les représentations associées au tabagisme des seniors pointent un certain nombre d’insuffisances dans l’incitation à l’arrêt du tabac. Près de 67 % des professionnels de santé considèrent que les seniors fumeurs seraient moins disposés que les jeunes à  arrêter leur tabagisme, alors que la littérature ne note pas de difficulté particulière du sevrage tabagique dans cette population. Ces professionnels ne sont que 64 % à savoir qu’il n’existe pas de risques à proposer des substituts nicotiniques aux seniors, et 43 % à savoir qu’un bref conseil de sevrage est aussi efficace que des conseils plus intensifs. Plus inquiétant, ils sont près de 38 % à estimer que le tabagisme est l’un des rares plaisirs des personnes âgées, alors qu’une étude étatsunienne indique que près de la moitié des fumeurs âgés de 65 ans et plus présentent une pathologie chronique, et pour un quart des cancers, liés au tabagisme[2].

83 % des professionnels interrogés considèrent détenir des connaissances suffisantes en matière d’arrêt du tabac chez les personnes âgées et 74 % d’entre eux déclarent aborder facilement ce sujet avec celles-ci, mais ils ne sont que 44 % à s’informer du statut tabagique de ces personnes et 35 % à le reporter dans le dossier clinique. D’autre part, seuls 68 % de ces professionnels s’estiment disposer de connaissances suffisantes sur les propositions thérapeutiques adaptées aux seniors. Ils sont encore 61 % à penser que le soutien à l’arrêt du tabac passe par un spécialiste et ne sont que 48 % à apporter un soutien régulier aux personnes âgées lors de leur sevrage tabagique. Autant de situations qui apparaissent, aux yeux des auteurs, comme des « occasions manquées », alors que l’arrêt du tabac améliore significativement la qualité de vie et la fonction respiratoire des personnes âgées.

Renforcer la confiance des professionnels à intervenir

Relevant un manque d’assurance des professionnels de santé, les auteurs de cette recherche estiment nécessaire de consolider leurs compétences pour leur donner davantage confiance en leur capacité à intervenir auprès des fumeurs âgés. Ils préconisent de renforcer d’une part la communication sur ce thème, et d’autre part la formation initiale et continue des professionnels de santé.

Les limites de cette étude résident principalement dans son faible échantillonnage (100 personnes par type de profession) et dans l’aspect déclaratif des réponses recueillies. Elle a cependant le mérite de mettre l’accent sur une population qui est rarement perçue comme prioritaire en tabacologie et de pointer une des faiblesses du système de santé.

Mots-clés : seniors, tabagisme, professionnels de santé, formation, Ile-de-France

©Génération Sans Tabac

MF


[1] Mir S, Cloppet A, Gautier S, Duville C, Morvillers JM, Simzac AB, Miliani K, Josseran L, Les professionnels de santé de soins primaires en Île- de-France face à la prise en charge du tabagisme de la personne âgée. Bull Epidémiol Hebd. 2022;(12):212-20.

[2] Henley SJ, Asman K, Momin B, Gallaway MS, Culp MB, Ragan KR, et al. Smoking cessation behaviors among older U.S. adults. Prev Med Rep. 2019;17(16):100978.

Comité national contre le tabagisme |

Publié le 15 juin 2022