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Évaluation économique de l’interdiction de fumer dans les prisons d’Écosse

Une étude des différents coûts et bénéfices de l’implantation d’une politique non-fumeur en milieu pénitentiaire en Écosse indique des bénéfices à court et à long terme, pour les détenus et pour les personnels.

La population des détenus est l’une de celles qui fument le plus, les personnes qui la composent provenant essentiellement de milieux très modestes. Evaluée entre deux et huit fois supérieure à celle de la population générale, la prévalence tabagique dans les prisons écossaises était de 68% en 2017, soit quatre fois supérieure à celle de la région. Le tabagisme en milieu pénitentiaire a cependant un retentissement important sur la santé tant des détenus que des personnels, dû à l’omniprésence de la fumée de tabac[1].

Une première étude de ce genre en milieu carcéral

A l’occasion d’une interdiction de fumer dans les établissements pénitentiaires d’Écosse en novembre 2018 , une étude évaluant les différents coûts et bénéfices de cette politique a été conduite par une équipe de chercheurs à partir de données collectées avant et après la mise en œuvre de cette interdiction[2]. Trois niveaux d’analyse ont été déterminés : une analyse coût-conséquence, qui évalue un large champ des conséquences de cette mesure, une analyse coût-efficacité, notamment en matière de qualité de l’air, et une analyse coût-utilité, en termes de qualité de vie. Si des études de coût-efficacité de telles mesures ont pu être conduites dans d’autres milieux, celle-ci, conduite sur douze mois, est la première du genre en milieu pénitentiaire fermé.

Parmi les indicateurs de coût-conséquence, étaient pris en compte des critères de santé (évalués par le questionnaire Euro-Qol-5D) et d’autres non sanitaires (nombre d’agressions sur les personnels ou entre détenus, nombre d’incendies, nombre de décès en détention, nombre d’incidents liés à l’usage de substances). Au-delà des mesures de la qualité de l’air, les analyses de coût-efficacité et de coût-utilité ont pris en compte, pour le personnel intervenant en détention comme pour les détenus, le coût d’implantation des mesures et les coûts de l’étude elle-même. Des projections à long terme ont par ailleurs été effectuées.

Des bénéfices supérieurs pour les personnels pénitentiaires que pour les détenus

Les résultats montrent une baisse notable de la plupart des coûts médicaux (hospitalisations en urgence ou en psychiatrie, accidents, visites de médecins, traitements des pathologies du tabac) et une augmentation de certains autres (transports en ambulance, traitements nicotiniques, visites médicales). L’exposition à la fumée de tabac a fortement chuté. Les personnels sont les premiers à bénéficier de cette politique d’interdiction de fumer, . Les détenus semblent avoir moins bien vécu cette mesure et les bénéfices qu’ils en tirent sont plus mitigés à court terme ; les gains en termes de santé sont contrebalancés par les scores d’anxiété et de dépression, et les économies sur le tabac sont en partie reversées en matériel de cigarette électronique.

Sur l’ensemble de la vie, les bénéfices devraient néanmoins être plus importants pour les détenus, pour peu que leur abstinence tabagique perdure à la sortie de la détention ; un impact indirect sur le comportement tabagique de l’entourage des détenus est également attendu, sous réserve de confirmation. Les économies globales réalisées sur la vie entière (soins, achat de tabac) par les détenus et par les personnels sont estimées à 200 millions de livres sterling, sur la base d’une espérance de vie de 70 ans. Si les coûts des cigarettes électroniques ont été intégrés, les bénéfices sur la vie entière n’ont pas été inclus par les auteurs, les conséquences de l’usage à long terme de ces dispositifs n’étant pas encore connues ; par ailleurs, les modes de consommation intensifs des cigarettes électroniques par la population des détenus laissent supposer des conséquences à long terme plus importantes que pour d’autres groupes. Enfin, les coûts et bénéfices généraux pour l’administration pénitentiaire (assurances, maintenance des bâtiments, dégâts par incendie…) n’ont pas non plus été intégrés.

Au final, il apparaît que l’instauration d’une interdiction de fumer dans les prisons est globalement bénéficiaire à court comme à long terme, les personnels en profitant davantage que les détenus à court terme. L’étude montre l’intérêt économique de ce type de mesure et souligne qu’il est indispensable de prendre en compte un grand nombre de paramètres au moment de l’évaluer. Le rapport coût-utilité, qui estime la pertinence et la rentabilité d’une mesure, semble notamment plus fiable lorsqu’il est complété par un rapport coût-conséquence, qui évalue les répercussions de cette mesure sur la qualité de vie des personnes concernées.

Mots-clés : Écosse, prisons, détenus, personnel pénitentiaire, coût-efficacité, politique non-fumeur.

©Génération Sans Tabac

MF


[1] Le tabagisme passif en prison, Génération sans tabac, publié le 27 décembre 2019, consulté le 8 mars 2022.

[2] McMeekin N, Wu O, Boyd K, Brown A, Tweed E, Best C, Craig P, Leyland A, Demou A, Byrne T, Pell J, Semple S, Sweeting H, Graham L, Hunt K, Implementation of a national smoke-free prison policy: an economic evaluation within the Tobacco in Prisons (TIPs) study, Tob Control, Epub ahead of print: 8 mars 2022, doi:10.1136/tobaccocontrol-2021-056991.

Comité National Contre le Tabagisme |

Publié le 11 mars 2022