Le Pacte mondial des Nations Unies (UNGC) pour l’Ukraine a récemment nommé le fabricant Imperial Tobacco comme « l’une des entreprises les plus responsables et les plus prévoyantes d’Ukraine ». Ces récompenses sont le fruit de stratégies de responsabilité sociale de la part de l’industrie, visant à améliorer son image publique, et à la réhabiliter auprès des décideurs comme un partenaire légitime[1].
Le Pacte mondial de l’Organisation, ou Global Compact (UNGC) est une initiative de l’ONU cherchant à pousser le monde de l’entreprise à s’engager dans des pratiques socialement responsables. Le Pacte mondial, juridiquement non contraignant, incite les entreprises à respecter dix principes universels liés aux droits de l’homme, à l’environnement et à la lutte contre la corruption, ou à l’application des mesures pour parvenir à la réalisation des Objectifs de développement durable de l’ONU (ODD).
L’industrie du tabac exclue du Pacte mondial des Nations unies
La récompense par le Pacte mondial de l’ONU pour l’Ukraine est contraire à la politique de cette initiative internationale. Jusque 2017, l’UNGC affirmait décourager « activement les sociétés productrices de tabac de participer à l’initiative » et ne pas accepter de financement de la part des cigarettiers[2]. Toutefois, l’industrie du tabac était libre d’adhérer à l’initiative. En septembre 2017, l’UNGC a revu sa politique officielle sur la question des fabricants de tabac, en annonçant publiquement la radiation des cigarettiers de l’initiative à partir du mois d’octobre, au même titre que les entreprises tirant des revenus de la production ou la vente de mines anti-personnelles et des bombes à fragmentation[3]. Ainsi, depuis quatre ans, l’UNGC reconnaît « un conflit d’intérêts entre ces produits et les droits de l’homme, le droit à la santé publique, à la sécurité internationale et à la paix ».
Le fléau du tabagisme en Ukraine
Cette décision de récompense est d’autant moins opportune que le tabac est un fléau humain, économique et environnemental dans le pays. Selon les chiffres de 2015 de Tobacco Atlas, plus de 40% des hommes âgés de plus de quinze ans étaient fumeurs, contre 11,5% des femmes[4]. Cette prévalence tabagique se paye au prix fort pour la santé publique, puisque près de 100 000 Ukrainiens meurent précocement chaque année en raison du tabagisme, actif ou passif. Les cigarettiers se livrent par ailleurs en Ukraine à des activités illégales, destinées à maintenir le tabagisme à un fort niveau. En février 2021, la Cour d’appel pour les affaires économiques de Pivnichny avait confirmé une décision de justice contraignant Imperial Tobacco Ukraine et Imperial Tobacco Production Ukraine à verser 260 millions d’euros pour s’être livrés à des concertations anticoncurrentielles.
Une amélioration de la situation en Ukraine
Ces stratégies de responsabilité sociale ont pour objectif d’améliorer l’image écornée des fabricants de tabac. Les pratiques RSE sont également un levier de relations publiques pour les cigarettiers, leur permettant de se promouvoir aux yeux des décideurs comme des partenaires responsables, et ainsi d’influencer la décision publique. Cette stratégie d’image du fabricant est d’autant plus essentielle que l’Ukraine se distingue par une politique de contrôle du tabac ambitieuse depuis plusieurs années. Si le prix du paquet de tabac demeure encore très bas, aux alentours de 2 dollars, les hausses de taxes successives ont permis de le multiplier par 27 en dix ans, permettant de réduire considérablement la prévalence tabagique, tout en augmentant sensiblement les recettes fiscales. Par ailleurs, en 2017, l’Ukraine a adopté un plan antitabac, impliquant notamment d’augmenter la fiscalité sur les produits de 20% par an jusqu’en 2025, dans l’objectif d’atteindre les standards européens.
Mots clés : Ukraine, RSE, Imperial Tobacco, Pacte Mondial
FT
[1] Kyiv Post, Big Tobacco tries to improve its image through « greenwashing », 04/10/2021, (consulté le 05/10/2021)
[2] Tobacco Tactics, United Nations Global Compact (UNGC), 16/03/2021, (consulté le 05/10/2021)
[3] UNGC, Who should join?, (consulté le 05/10/2021)
