Actualités

Eclairage sur les tactiques de l’industrie du tabac pour contourner l’interdiction européenne

A la veille de l’interdiction des ventes de cigarettes et tabac à rouler mentholés au Royaume-Uni, des chercheurs de l’Université de Bath ont analysé les réactions de l’industrie du tabac. Leur étude publiée dans le Journal BJM Tobacco Control le 17 mai 2020 se dénomme « les tactiques de l’industrie du tabac pour contourner et saper l’interdiction des cigarettes mentholées au Royaume-Uni »[1] et ne saurait être plus explicite.

Pour rappel, cette interdiction est l’application de la révision de la Directive européenne en 2014 que le Royaume-Uni a transposé dans son système législatif. Entrée en vigueur en 2016 au Royaume-Uni, quatre années ont été accordées aux fabricants et vendeurs pour préparer la transition. A compter du 20 mai 2020, les cigarettes et tabac à rouler mentholés ne pourront plus être vendus. Cette interdiction ne s’applique pas aux autres produits du tabac tels que les cigarillos, les cigares, le tabac à shisha ou les accessoires vendus séparément – une échappatoire que se sont empressés de saisir les industriels du tabac.

L’analyse effectuée par les chercheurs identifie deux axes majeurs dans la stratégie des industriels : la mise à profit de la période transitoire et la commercialisation de nouveaux produits. Le résultat serait tout particulièrement alarmant en ce qu’il sape réellement les bénéfices de santé publique de l’interdiction.

Pensée pour réduire l’initiation tabagique chez les jeunes attirés par la présentation et l’utilisation des capsules à écraser et ainsi non rebutés par l’odeur ou le goût du tabac ou encore pour faciliter le sevrage des consommateurs de tabac, l’interdiction s’inscrivait dans une réelle politique de réduction de la prévalence tabagique qui, on le rappelle, tue 8 millions de personnes chaque année dans le monde. Plus grave encore, les propriétés du menthol, à l’instar des propriétés anesthésiques qui peuvent masquer les premiers symptômes de maladies respiratoires ou des propriétés qui favorisent l’admission de la nicotine, ont pour effet d’ancrer les consommateurs dans la dépendance nicotinique et par conséquent, dans le tabagisme.

Or, la croissance du marché des cigarettes mentholées entre 2014 et 2018, passant de 14% à 21% des parts du marché montrent que l’industrie du tabac a mis à profit la période de transition accordée par le Royaume-Uni pour rebondir sur les pertes en termes de bénéfices. L’étude précise que 16% des consommateurs affirmaient vouloir arrêter après l’interdiction des ventes, ce qui aurait représenté une perte de 3% des parts du marché pour les fabricants.

La solution trouvée par l’industrie du tabac a été la conception de nouveaux produits s’engouffrant dans les lacunes législatives et complétée par une promotion intense. En 2017, Imperial Brands lançait les premiers accessoires mentholés pouvant être ultérieurement ajoutés aux produits du tabac. Il a depuis été imité par d’autres fabricants. En outre, l’industrie du tabac a mis en ligne des plateformes à destination des vendeurs et des consommateurs pour assurer d’une part la rentabilité des nouveaux produits et inciter, d’autre part, à une adaptation de la consommation plutôt qu’à un arrêt du tabac.

Cette réaction des industriels du tabac, similaire à celle utilisée pour le paquet neutre en 2016[2], montre une nouvelle fois que leur intérêt est exclusivement financier et qu’il nécessite le sacrifice de la santé de leurs consommateurs., Ils sont très créatifs en matière de tactiques toujours plus discutable au fur et à mesure des avancées législatives.

©Génération Sans Tabac


[1] https://tobaccocontrol.bmj.com/content/early/2020/05/14/tobaccocontrol-2020-055769

[2] https://www.dailymail.co.uk/sciencetech/article-8330845/Tobacco-companies-developing-accessories-circumvent-menthol-ban.html

 ©DNF – Pour un Monde ZeroTabac |

Publié le 20 mai 2020