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Diffusion et confusion autour des sachets de nicotine en France

Abusivement présentés comme des « snus » par les médias, les sachets de nicotine (ou « pouches ») profitent du flou autour des produits de la nicotine pour se développer  progressivement le marché français. Promus par des célébrités du sport, ces sachets de nicotine séduisent le public des jeunes et sont déjà vendus sur des sites Internet, des réseaux sociaux ainsi que dans certains débits de tabac.

Depuis plusieurs semaines, les signalements de présence de sachets de nicotine sur le marché français se multiplient. Les médias présentent presque systématiquement ces sachets de nicotine comme des « snus », alors qu’une différence de taille existe : si les deux produits s’utilisent de la même manière, en plaçant le sachet entre la gencive et la lèvre, le snus est un sachet contenant du tabac, alors que les sachets de nicotine (« pouches » en anglais) contiennent une poudre à base de nicotine.

A l’exception de la Suède, qui a obtenu une dérogation spécifique, les snus restent interdits dans l’ensemble de l’Union Européenne (UE). Ils sont cependant commercialisés en Suisse et en Norvège, qui ne font pas partie de l’UE, mais sont interdits en Islande et au Royaume-Uni. Comme les cigarettes électroniques et les puffs, les sachets de nicotine profitent en revanche du flou juridique entourant les produits de la nicotine sans tabac. Les teneurs en nicotine proposées sont de 2 à 20 mg par sachet. Le type de nicotine contenue dans ces sachets peut être sous forme, soit freebase (extraite du tabac), soit de sels de nicotine (traitement par un acide), soit de nicotine de synthèse.

Un secteur déjà devenu très concurrentiel

De nombreux industriels se sont engouffrés dans la production et la commercialisation des sachets de nicotine. Parmi les industriels du tabac, British American Tobacco (BAT), avec sa marque Velo (anciennement Lyft), ainsi que Japan Tobacco International (JTI), avec la marque Nordic Spirit, ont déjà investi ce segment dans plusieurs pays depuis 2019. Jusqu’ici absent sur ce marché, Philip Morris International (PMI) y entre en position de force après avoir concrétisé, le 28 novembre 2022, son rachat de l’entreprise suédoise Swedish Match, leader mondial des snus et des sachets de nicotine (marques Zyn, Longhorn, XR, Wolf, Thunder), au terme d’une OPA de 15 milliards d’euros. A l’écart du marché étatsunien depuis sa scission avec Altria en 2008, PMI y reprend pied, tout en devenant un concurrent de la marque de pouches On! produite par ce même Altria[1].

Les publicités et les sites commerciaux ne manquent pas de souligner le « caractère discret » des sachets de nicotine, qui pourraient se consommer « n’importe où, n’importe quand » (site Velo/BAT). Comme pour d’autres produits de la nicotine dépourvus de tabac, les fabricants présentent aussi les sachets de nicotine comme des produits de réduction des risques permettant de réduire la prévalence de fumeurs[2]. La déclinaison de ces produits dans une large gamme d’arômes fruités et sucrés rappelle toutefois la stratégie des industriels du tabac pour cibler les consommateurs les plus jeunes, ce qui a par exemple contribué au succès des cigarettes électroniques.

Des produits présents dans le secteur sportif

L’argument de la discrétion semble avoir porté dans certains sports de haut niveau, où les snus semblent très consommés et soupçonnés depuis une dizaine d’années de fournir un effet dopant. Ce constat a été tout particulièrement dressé dans le milieu du ski de compétition, mais de nombreux sportifs d’autres disciplines ont également été testés positifs à la nicotine[3]. Les sachets de nicotine paraissent aujourd’hui se diffuser à leur tour dans le monde du sport. Un incident médiatisé récemment montrait ainsi le footballeur français Marcus Thuram tenant à la main une boîte de sachets de nicotine de marque Velo, laissant craindre un possible effet d’influence sur les jeunes[4]. La diffusion des sachets de nicotine, déjà signalée chez de jeunes sportifs non-fumeurs, toucherait à présent plus largement les jeunes et les étudiants[5].

L’absence de tabac dans les sachets de nicotine a déjà permis aux industriels de contourner les lois antitabac de nombreux pays, même si elle ne les autorise pas pour autant à mettre en vente des produits toxiques sans déclaration. Si la directive européenne sur les produits du tabac[6] réglemente les produits du tabac et du vapotage, elle est en revanche muette sur les produits de la nicotine qui échapperaient à ces définitions et ne constitueraient pas des traitements nicotiniques de substitution (TSN).

Une « alternative légale » au snus

En France, le site Web de Nico Pouches présente par exemple les sachets de nicotine comme « une alternative légale », tout en rappelant que le snus est interdit à la vente. Bien qu’il tente de démêler la confusion entre snus et sachets de nicotine, le site l’entretient toutefois en parlant de ces derniers comme des « snus sans tabac », le terme de « snus » semblant déjà répandu en France[7]. Dans une nuance assez subtile, le site précise que si « Les Nicotine Pouches ne permettent pas d’arrêter de fumer, ils représentent une alternative sérieuse à la cigarette traditionnelle », alors que d’autres sites expliquent que les pouches permettraient d’arrêter de fumer. Le site de Nico Pouches comprend également une gamme de sachets sans tabac ni nicotine baptisée « energy pouches », qui propose des pouches contenant de la caféine, de la théine ou du guarana, ainsi que des vitamines et des sels minéraux, indiquant une volonté de diversification de cet univers de produits.

Plusieurs débits de tabac parisiens proposent à la vente des sachets de nicotine de la marque polonaise Aroma King, déjà très installée sur le segment des puffs. Des reventes illégales de sachets de nicotine de diverses marques ont aussi été repérées sur certains réseaux sociaux comme Instagram ou TikTok. La diffusion de masse des sachets de nicotine en France semble donc amplement amorcée.

Mots-clés : pouches, sachets de nicotine, snus, BAT, JTI, PMI, Velo. 

©Génération Sans Tabac

MF


[1] Tabac, Philip Morris, Swedish Match, Altria : duel de cow-boys, Les Echos, publié le 28 novembre 2022, consulté le 26 décembre 2022.

[2] Swedish Match, Improve public health, consulté le 26 décembre 2022.

[3] Oudit P, Tabac sans fumée : dopage ou conduite dopante ?, Le Monde, publié le 23 novembre 2022, consulté le 26 décembre 2022.

[4] Baudier L, Qu’est-ce que le snus, ce tabac illégal prisé des sportifs ?, Le Télégramme, publié le 2 décembre 2022, consulté le 26 décembre 2022.

[5] Valognes T, Loisy F, « Ça rend accro rapidement » : alerte au snus, ce tabac à sucer interdit, populaire chez les ados, Le Parisien, publié le 26 décembre 2022, consulté le 26 décembre 2022.

[6] Directive 2014/40/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014, Journal officiel de l’Union européenne, art. 5 et 39.

[7] Snus sans tabac ou nicopods : une solution pour les snusers français ?, Nico Pouches, consulté le 26 décembre 2022.

Comité national contre le tabagisme |

Publié le 28 décembre 2022