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Le développement des cigarettes à capsules aromatisées, indicateur des intentions de l’industrie du tabac

Malgré les déclarations de certaines multinationales du tabac d’en finir avec le tabac fumé, leurs stratégies de développement, d’innovation et de marketing en matière de cigarettes à capsules aromatisées suggèrent au contraire une volonté de faire perdurer ce marché. Les contournements des législations interdisant les arômes caractéristiques témoignent de cette tendance.

Impulsé au début des années 2000, le marché des cigarettes à capsules aromatisées est en plein essor depuis 2007. Le filtre de ces cigarettes contient une ou plusieurs capsules qui, sous la pression des doigts et des lèvres, peuvent libérer un liquide, un gel ou une poudre contenant un ou plusieurs arômes au goût très prononcé.

Ces produits, développés pour parer à l’effritement des ventes de tabac et vendus plus chers que les autres cigarettes, ont connu un vif succès dans certaines régions du monde, tout particulièrement en Amérique Latine, ainsi qu’en Russie et dans les pays limitrophes. Parmi les dix pays les plus consommateurs de cigarettes à capsules, on dénombre pas moins de quatre pays d’Amérique latine (Chili, Pérou, Guatemala, Mexique), où les ventes de ces produits ont progressé de 50 % depuis 2015.

Le rythme des innovations touchant ces cigarettes à capsules indique qu’elles sont un segment très valorisé pour l’industrie du tabac, laquelle, malgré les déclarations solennelles sur la réduction des risques liés au tabagisme, ne semble nullement renoncer aux produits du tabac fumé. Une étude rassemblant des chercheurs écossais, guatémaltèques, péruvien, mexicain et étatsuniens fait le point sur ce marché florissant[1].

Les arômes, un hameçon pour piéger les jeunes et les femmes

Comme la plupart des produits du tabac aromatisés, les cigarettes à capsules sont avant tout des vecteurs d’expérimentation et d’initiation au tabagisme[2]. Agressivement marketés vers les jeunes, très prisés par les femmes, ces produits dissimulent l’âpreté du goût du tabac et permettent d’aspirer des bouffées plus profondes, ce qui facilite l’installation de la dépendance à la nicotine. Principalement centrés sur la menthe et le menthol, les arômes des capsules sont aussi déclinés en de nombreuses références. 80 variétés d’arômes ont ainsi été comptées en Chine, alors que ce type de cigarettes n’y existe que depuis 2014.

Pour contourner la législation des pays ayant interdit la publicité, les efforts de marketing se sont essentiellement appuyés sur le design de l’emballage et sur les étals des lieux de vente. Une signalétique propre à chaque marque indique sur le paquet que les filtres des cigarettes contiennent une capsule. La présence de cette capsule peut aussi être visible sur le filtre, hors de l’emballage, lorsque les cigarettes sont données, comme c’est fréquent chez les adolescents, ou vendues à l’unité, notamment dans les pays à revenu faible ou intermédiaire.

Contournements des législations sur les arômes et sur le paquet neutre

Les arômes caractéristiques ont beau avoir été déjà interdits dans au moins 35 pays, les industriels du tabac ont mis en place différentes parades afin que le marché des cigarettes à capsules entretienne celui des cigarettes. En Europe, Japan Tobacco International (JTI) a ainsi reconnu avoir ajouté du menthol à ses Silk Cut Choice Green mais estime ne pas contrevenir à la loi sur les arômes caractéristiques car ces cigarettes auraient un goût et une odeur de tabac. Certaines marques de cigarettes à capsules ont changé, mais les produits ont été maintenus sur le marché, parfois dans de nouvelles déclinaisons. Au Brésil, l’interdiction des arômes n’a, pour sa part, été effective qu’à partir de 2020, après huit ans de procédures judiciaires de l’industrie du tabac.

Les industriels du tabac rivalisent d’ingéniosité pour s’engouffrer dans toutes les brèches réglementaires. Au Canada, des cigarillos à capsules ont ainsi été commercialisés car échappant aux lois portant sur les cigarettes. Des capsules séparées ont également été mises en vente, destinées au tabac à rouler ou à insérer dans un filtre de cigarette adapté pour l’occasion[3]. Les pays ayant mis en place le paquet neutre standardisé bénéficient d’un effet protecteur relatif vis-à-vis de la communication par l’emballage, mais la législation est contournée par le changement de nom des marques de cigarettes à capsules. En 2019, soit deux ans après l’instauration du paquet neutre au Pays de Galles, les adolescents fumeurs réguliers de 11 à 16 ans étaient ainsi 42 % à consommer des cigarettes à capsules.

Le discours de l’industrie du tabac sur la réduction des risques mis en question

Ce passage en revue des agissements de l’industrie du tabac en matière de cigarettes à capsules permet aux auteurs de douter des intentions réelles de celle-ci pour mettre un terme aux ventes de tabac fumé.

Malgré les discours sur la réduction des risques tenus par la Fondation pour un monde sans fumée (exclusivement financée par Philip Morris International) ou par la campagne de British American Tobacco intitulée « A Better Tomorrow » (« Des lendemains meilleurs »), les faits montrent que les multinationales du tabac n’ont cessé de renforcer et de renouveler ces dernières années le segment des cigarettes à capsules. Le marketing de ces produits, manifestement orienté vers les jeunes, témoigne que les industriels continuent de rechercher des fumeurs « de remplacement » pour perpétuer le marché des cigarettes fumées, qui compose encore au moins 70% de leur chiffre d’affaires. Les manœuvres judiciaires visant à empêcher ou à retarder l’instauration de législations contre les arômes du tabac sont autant d’indicateurs de leur manque d’intérêt pour un monde sans tabac fumé.

Pour contrer cette stratégie industrielle, les auteurs de l’étude réclament l’arrêt du développement et du marketing de toutes les innovations destinées aux produits du tabac combustibles. Ils préconisent les approches visant à rendre les cigarettes « dissuasives », par exemple avec la mise en place d’avertissements sanitaires sur le papier des cigarettes.

Mots-clés : cigarettes à capsules, JTI, PMI, BAT, Amérique latine

©Génération Sans Tabac

MF


[1] Moodie C, Thrasher J, Barnoya J, Mejia R, Barrientos-Gutierrez I, Zavaleta A, Chaloupka F, Tobacco industry claims about transformation are inconsistent with combustible cigarette innovations: The case of flavour capsule cigarettes, Nicotine & Tobacco Research, 2022; ntac224. https://doi.org/10.1093/ntr/ntac224

[2] Villanti AC, Collins LK, Niaura RS, Gagosian SY, Abrams DB. Menthol cigarettes and the public health standard: a systematic review. BMC Pub Health 2017;17(1):983.

[3] van der Eijk Y, Teo KW, Tan GPP, Chua WM. Tobacco industry strategies for flavour capsule cigarettes: analysis of patents and internal industry documents. Tob Control, Epub ahead of print: 27/09/2022. doi:10.1136/tobaccocontrol-2021-056792

Comité national contre le tabagisme |

Publié le 3 octobre 2022