Actualités

Malawi-travail-force-tabac

Deux géants du tabac accusés de travail forcé par des cultivateurs et des enfants du Malawi

British American Tobacco et Imperial Brands tentent d’invalider la plainte dont ils font l’objet au Royaume-Uni par un collectif de fermiers du Malawi.

Plusieurs milliers de cultivateurs de tabac malawiens ont déposé une plainte collective pour travail forcé contre deux multinationales du tabac, British American Tobacco (BAT) et Imperial Brands (IB). Le cabinet Leigh Day, qui défend ces cultivateurs, entend démontrer que les conditions de travail auxquelles ils sont soumis relèvent du travail forcé, du travail contraint et de l’exploitation, tels que définis par la loi malawienne.

« Heureusement, les deux entreprises mises en cause sont basées ici, au Royaume-Uni, ce qui permet à nos juridictions de les poursuivre », a déclaré Martyn Day, à la tête de Leigh Day [1]. Celui-ci compte se référer au UK Modern Slavery Act, à la Convention Européenne des Droits de l’homme et à la définition du travail forcé selon l’Organisation Internationale du Travail. De leur côté, BAT et IB enjoignent les cultivateurs de démontrer que le tabac qu’ils ont récolté leur était bien destiné.

Des conditions de travail difficiles pour les cultivateurs

Les conditions de travail dénoncées impliquent notamment le déplacement de milliers de familles de cultivateurs du Sud du Malawi vers les exploitations du Nord du pays. Sur place, ces familles doivent construire leur propre habitation avec des branchages et des feuilles. Les cultivateurs travaillent sept jours par semaine et ne sont payés à prix fixe qu’en fin de saison, en fonction de leur production. Les propriétaires d’exploitations leur louent un terrain et leur accordent sous forme de prêt des engrais, des pesticides et des outils. Les familles ne reçoivent chaque jour pour subsister qu’une petite portion de maïs, qu’elles doivent moudre à leur frais. Le bilan en fin de saison est souvent négatif, contraignant les cultivateurs à renouveler leur contrat dans un cycle d’endettement et d’appauvrissement sans fin [1, 2].

Le manque de rentabilité de ces exploitations pousse les familles à utiliser leurs enfants comme main-d’œuvre gratuite [3]. Les enfants sont ainsi extraits de leur scolarité, mis au travail bien avant 14 ans et exposés sans protection à de nombreuses substances chimiques ; leur jeune âge les rend aussi plus vulnérables à la « maladie du tabac vert », en absorbant par voie cutanée des taux excessifs de nicotine.

Le cynisme de l’industrie du tabac

L’exploitation des enfants dans les plantations de tabac est une accusation récurrente portée contre l’industrie du tabac. Pour s’en défendre, celle-ci a conçu, dès 2000, le programme ECLT, censé lutter précisément contre le travail infantile dans ses exploitations mais dont l’inefficacité manifeste a été démontrée [3, 4]. On retrouve ici le discours vertueux de l’industrie, qui prétend réhabiliter son image par la responsabilité sociale des entreprises (RSE) mais dont le comportement, objectivement, est à l’inverse de ses déclarations.

Ainsi, au Malawi, la vente des feuilles de tabac ne peut s’opérer qu’auprès de trois entreprises, qui les revendent ensuite aux multinationales. Une simple augmentation des tarifs d’achat du tabac aux cultivateurs entraînerait pourtant une amélioration des conditions de vie et de scolarité des enfants malawiens bien plus importante que des actions humanitaires symboliques [3]. Toujours soucieuse de préserver ses importantes marges, l’industrie du tabac préfère au contraire jouer l’opacité en demandant aux familles de cultivateurs de prouver que telle compagnie a bien acheté leur production, tout en refusant de fournir les documents internes qui permettraient de l’établir. L’accès public aux documents internes de l’industrie, rendu possible par d’autres condamnations, permet bien souvent – mais a posteriori – de mettre en évidence son attitude préjudiciable.

Mots-clés :  Malawi, cultivateurs, enfants, travail forcé, droits humains, BAT, Imperial Brands

Crédit photo : © Crozet M. – Organisation internationale du Travail (OIT)

©Génération Sans Tabac


[1] Sarah Boseley, The Guardian, Tobacco firms in move to strike out Malawi exploitation case. Publié le 19 mai 2021, consulté le 19 mai 2021.

[2] Génération Sans Tabac, Décryptage, Le tabac comme obstacle au développement : le cas du Malawi. Publié le 21 janvier 2020, consulté le 19 mai 2021.

[3] Sarah Boseley, The Guardian, Child labour rampant in tobacco industry. Publié le 25 juin 2018, consulté le 19 mai 2021.

[4] Génération Sans Tabac, Travail des enfants : le Pacte mondial de l’ONU interpellé sur les pratiques de l’industrie du tabac. Publié le 4 mai 2021, consulté le 19 mai 2021.

Comité National Contre le Tabagisme |

Publié le 20 mai 2021