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Des niveaux de goudrons quinze fois supérieurs aux limites légales dans les cigarettes : une prochaine décision de justice très attendue aux Pays-Bas

Aux Pays-Bas, une prochaine décision de justice pourrait conduire à la mise en place d’une nouvelle méthode permettant de mieux analyser les niveaux de goudron, de nicotine et de monoxyde de carbone (TNCO) dans les cigarettes, mais aussi à une modification de la composition des cigarettes, ou encore à repenser voire interdire le filtre des cigarettes.

En juillet 2023, une étude de l’Institut néerlandais de Santé publique a montré que l’intégralité des cigarettes en vente aux Pays-Bas contenaient des niveaux de goudron, de nicotine et de monoxyde de carbone jusqu’à quinze fois supérieurs à ceux indiqués[1]. Seules trois marques avaient des niveaux de nicotine respectueuses des niveaux légaux. Ces résultats ont pu être trouvés en testant les cigarettes selon une méthode issue de l’Organisation mondiale de la santé, plutôt que selon un protocole hérité de l’industrie du tabac[2].

Une méthode d’évaluation contestée par la santé publique et contournée par l’industrie du tabac

A la fin des années soixante, la Fédéral Trade Commission américaine a adopté un protocole de test visant à analyser les niveaux de goudron, de nicotine et de monoxyde de carbone. Ce protocole, appelé méthode ISO, a été développé par des chercheurs de l’American Tobacco Company en 1936 et a été généralisé dans l’ensemble des pays. Il consiste à faire aspirer par une machine l’équivalent de 35 centimètres cubes de fumée, une fois par minute, sur un laps de temps de 2 secondes. Toutefois, cette méthode ne permet pas de reproduire le tabagisme en conditions réelles. Les recherches disponibles montrent que les fumeurs aspirent davantage que 35 centimètres cubes, et tirent sur leur cigarette plus fréquemment qu’une fois par minute. Par ailleurs, ce protocole de test a été contourné par l’industrie du tabac, perforant de petits trous le filtre sur les côtés, loin de l’endroit où la machine tient la cigarette. Ainsi, en conditions de test, ces trous permettent de faire venir un flux d’air diluant la fumée et diminuant artificiellement les niveaux de goudron, de nicotine et de monoxyde de carbone. Toutefois, en condition réelle, ces micro-perforations sont bouchées par les doigts du fumeur tenant la cigarette, et les niveaux de goudron, de nicotine et de monoxyde de carbone ingérés bien supérieurs à ceux indiqués en laboratoire. Les limites du protocole de test ISO sont connues par l’industrie du tabac de longue date : dans les années 70, Philip Morris International avait créé son propre test, enregistrant des niveaux de goudron trois fois supérieurs à ceux trouvés par le protocole en vigueur.

La méthode Intense de l’OMS plus fiable pour évaluer les niveaux de goudron, de nicotine et de monoxyde de carbone

Suite au scandale des micro-perforations dans les filtres de cigarettes, une action civile a été engagée en 2018 à Rotterdam pour exiger que l’Autorité néerlandaise de sécurité des aliments et des produits de consommation (NVWA) fasse respecter les niveaux maximums légaux avec un nouveau protocole de mesure. Mandaté par le secrétaire d’Etat néerlandais à la Santé, l’Institut néerlandais de la Santé publique a cherché à tester 100 marques de cigarette selon la méthode Intense, adoptée par l’Organisation mondiale de la santé, et censée se rapprocher davantage des conditions réelles de tabagisme. Les résultats de l’étude montrent que la quasi-totalité des cigarettes dépassaient de deux à trois fois les niveaux légaux de goudron, de nicotine et de monoxyde de carbone. En février 2022, la Cour de justice de l’Union européenne a statué qu’un protocole plus précis devait être mis en place, permettant au tribunal de Rotterdam d’ordonner à la NVWA d’adopter un nouveau protocole de mesure. Les principaux fabricants de tabac ont fait appel de la décision rendue à Rotterdam.

Des conséquences considérables pour l’industrie du tabac et la santé publique

La décision définitive du tribunal des Pays-Bas devrait être rendue en novembre 2023. Toutefois, l’affaire pourrait être renvoyée devant la Cour européenne de justice, pouvant potentiellement se traduire par l’adoption de la méthode Intense dans toute l’Europe. En devant se conformer au protocole de l’OMS, l’industrie du tabac pourrait être amenée à revoir le filtre de ses cigarettes, mettre fin à la pratique consistant à faire des micro-perforations de ventilation sur ses filtres, ou encore réduire les niveaux de goudron, de nicotine et de monoxyde de carbone dans ses produits. Jusqu’à présent, treize pays de l’Union européenne ont appelé à adopter la méthode de l’OMS, dont le Danemark, le Luxembourg, la Suède et le Portugal.

©Génération Sans Tabac

FT

[1] National Institute for Public Health and the Environment, Smokers inhale more tar, nicotine and carbon monoxide when measured with WHO method, 07/07/2023, (consulté le 19/07/2023)

[2] Karen Evans-Reeves, Dutch court in position to end Low Tar Lie, Tobacco Control, 17/07/2023, (consulté le 19/07/2023)

Comité national contre le tabagisme |

Publié le 23 juillet 2023