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Dépistage massif du cancer du poumon : « il nous manque le feu vert des autorités »

Dans un entretien accordé au Quotidien du médecin publié le 12 novembre, le Pr Marie Wislez, qui exerce au service de pneumologie de l’hôpital Cochin à Paris, lance un nouvel appel aux autorités de santé en faveur de la mise en place d’un dépistage massif et organisé du cancer du poumon en France, en s’appuyant sur les résultats d’une étude dont les résultats ont été publiés en janvier 2020.

Imputable dans 90 % des cas au tabagisme, le cancer du poumon est actuellement le cancer le plus meurtrier en France, où il est responsable de plus de 30 000 décès par an [1]. En dépit de cela, il n’existe aujourd’hui encore pas de dépistage organisé et massif de ce cancer en France, alors même qu’un tel dispositif est déjà en place dans trois pays anglo-saxons notamment : les États-Unis, le Canada et l’Australie [2]. Dans le premier des trois, le dépistage du cancer du poumon est préconisé et pris en charge dès l’âge de 55 ans [3].

L’étude américaine NLST n’avait pas convaincu la Haute autorité de santé

Depuis une dizaine d’années au moins, les appels de médecins aux autorités de santé pour la création d’un dispositif de dépistage massif du cancer du poumon en France se multiplient, en particulier depuis la publication en 2011 des résultats d’une importante étude américaine, le NLST (National Lung Screening Trial), dans le New England Journal of Medicine [4]. Conduite sur 53 000 individus, cette étude avait démontré « une réduction de la mortalité par cancer du poumon de 20 % chez des fumeurs ou anciens fumeurs (depuis moins de quinze ans), dépistés tous les ans par un scanner faiblement dosé » [5].

Suite à la parution de cette étude, plusieurs sociétés savantes avaient saisi la Haute autorité de santé (HAS), « l’instance publique chargée de faire des recommandations et des évaluations en matière de santé » [6], pour défendre la mise en place d’un dépistage massif du cancer du poumon en France. En 2016, dans un dossier de presse intitulé Cancer du poumon : conditions non réunies pour un dépistage chez les fumeurs, la HAS avait toutefois émis un avis défavorable vis-à-vis de cette requête, en argumentant qu’ « il y [avait] trop de risques et d’inconvénients associés à ce dépistage pour des bénéfices très incertains » [7].

Une nouvelle étude néerlando-belge pourrait changer la donne

Cependant, les résultats définitifs de l’étude néerlando-belge Nelson publiés dans le New England Journal of Medicine en janvier 2020 pourraient bien faire changer d’avis les autorités de santé françaises. Dans le cadre de cette étude, 13 195 hommes et 2 594 femmes âgés de 50 à 74 ans, fumeurs et anciens fumeurs, ont été régulièrement dépistés par scanner sur une période de dix ans, tandis que d’autres personnes, formant un groupe témoin, n’ont pas été dépistées sur ce même intervalle de temps. Dans l’entretien qu’elle a accordé au Quotidien du médecin, le Pr Marie Wislez indique que les données fournies par cette étude montrent chez les sujets régulièrement dépistés « une diminution de la mortalité de 24 % chez les hommes et de 33 % chez les femmes à dix ans » [8].

En plus de confirmer les résultats de l’étude NLST, l’étude Nelson innove par rapport à celle-ci dans sa méthodologie. En effet, dans le cadre de l’étude néerlando-belge, « La positivité du scanner est basée sur le volume du nodule [9] et sa vitesse de doublement et non pas sur son diamètre » [10], paramètre qui était pris en compte par l’étude NLST. Cette innovation a permis de diminuer nettement le nombre de scanners faussement considérés comme positifs : l’étude Nelson affiche un taux de faux positifs d’1 % seulement, contre 24 % pour l’étude NLST.

Selon le Pr Wislez, cette nette diminution pourrait convaincre la Haute autorité de santé de revenir sur son avis défavorable émis en 2016 : « Ce qui se justifiait avec l’étude NLST (à l’origine de nombreux faux positifs et donc de chirurgies inutiles, d’une morbimortalité [11] et d’un coût plus important) n’est plus d’actualité avec l’étude Nelson » [12]. « Pour le moment, il nous manque le feu vert des autorités pour mettre en place ce dépistage », poursuit l’onco-pneumologue, qui souligne que « dans d’autres pays d’Europe, il y a des études de faisabilité et des initiatives ».

©Génération Sans Tabac


[1] Cancer du poumon : conditions non réunies pour un dépistage chez les fumeurs, has-sante.fr (le 19 mai 2016, consulté le 17 novembre 2020).

[2] Sandrine Cabut, Plaidoyer pour le dépistage du cancer du poumon, Le Monde (le 21 novembre 2018, consulté le 17 novembre 2020).

[3] Le dépistage du cancer par scanner confirme son efficacité chez les sujets à haut risque, Le Quotidien du médecin (le 30 mars 2020, consulté le 17 novembre 2020).

[4] Sandrine Cabut, Plaidoyer pour le dépistage du cancer du poumon, Le Monde (le 21 novembre 2018, consulté le 17 novembre 2020).

[5] Anne Prigent, Faut-il un dépistage organisé du cancer du poumon ?, Le Figaro (le 14 octobre 2018, consulté le 17 novembre 2020).

[6] Ibid.

[7] Cancer du poumon : conditions non réunies pour un dépistage chez les fumeurs, has-sante.fr (le 19 mai 2016, consulté le 17 novembre 2020).

[8] Pr Marie Wislez : « Les conditions d’un dépistage de masse du cancer sont bientôt réunies », Le Quotidien du médecin (le 12 novembre 2020, consulté le 17 novembre 2020).

[9] « Petite tumeur en forme de boule, dure et bien délimitée, renflement. », Encyclopædia Universalis (consulté le 17 novembre 2020).

[10] Le dépistage du cancer par scanner confirme son efficacité chez les sujets à haut risque, Le Quotidien du médecin (le 30 mars 2020, consulté le 17 novembre 2020).

[11] « Mortalité due à des maladies, taux de mortalité pour une maladie donnée. », Encyclopædia Universalis (consulté le 17 novembre 2020).

[12] Pr Marie Wislez : « Les conditions d’un dépistage de masse du cancer sont bientôt réunies », Le Quotidien du médecin (le 12 novembre 2020, consulté le 17 novembre 2020).

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Publié le 18 novembre 2020