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De nouvelles pistes pour la prévention du tabagisme dans les petites entreprises

Une étude qualitative indique que les politiques antitabac complètes au sein des entreprises, une gestion plus équitable des pauses, la « non-stigmatisation » des fumeurs et la concertation avec les salariés sur les actions envisagées sont des leviers à privilégier dans les petites entreprises.

Selon les pays et les modes de calcul, 90 à 95 % des entreprises sont de petite taille (moins de 250 salariés). Pourtant, c’est essentiellement dans les grandes entreprises que sont déployées l’essentiel des actions de prévention du tabagisme. Les entreprises de plus de 500 salariés ont en effet des budgets de prévention plus conséquents et concentrent par exemple, aux Etats-Unis, 74 % des interventions d’aide à l’arrêt du tabac, contre 16 à 35 % pour les entreprises de 10 à 249 salariés. De fait, les études scientifiques sur le sujet reflètent surtout ce qui se passe dans les grandes entreprises. Afin d’identifier les freins et les leviers de la prévention du tabagisme dans les petites entreprises, une étude qualitative étatsunienne a exploré les attentes des employeurs ainsi que celles des salariés[1].

Une attente d’égalité de traitement entre salariés

Douze entretiens ont été conduits auprès d’employeurs et quatre focus groups ont été menés auprès de salariés fumeurs et non-fumeurs, dans des secteurs d’activité diversifiés. Il apparaît que les employeurs ont l’impression que la proportion de fumeurs parmi leurs effectifs est très réduite, ce qui ne les incite pas à considérer les actions de prévention du tabagisme comme une priorité. Une perception qui peut être biaisée, puisque les salariés fumeurs interrogés déclarent fréquemment masquer leur consommation de tabac aux yeux de leurs collègues et de leurs employeurs par crainte d’être « stigmatisés », ce dont certains employeurs sont conscients. Une situation spécifique aux Etats-Unis, qui conduit les salariés fumeurs à diverses stratégies de dissimulation, que ce soit en s’absentant de l’entreprise pour fumer, en utilisant des produits alternatifs (cigarette électronique, produits oraux) ou en utilisant des parfums pour camoufler l’odeur de tabac. Ne souhaitant pas être interpellés sur leur consommation, les salariés fumeurs préconisent des actions antitabac intégrées au sein d’autres thèmes de promotion de la santé.

Fumeurs ou non-fumeurs, les salariés paraissaient davantage ouverts que les employeurs à la prévention du tabagisme sur le lieu de travail, mais tendaient à considérer que l’employeur se souciait davantage de leur productivité que de leur santé. Dans un souci d’équité, les salariés préféreraient également que les pauses ne soient pas accordées qu’aux seuls fumeurs, qui en prennent davantage et de façon peu contrôlée. Ce constat rejoint celui d’autres études en milieu professionnel, ayant déjà pointé les pauses non régulées des fumeurs comme des sources à la fois de moindre productivité et de tensions au sein des équipes de travail[2].

Toujours par souci d’équité, les salariés estiment que l’interdiction de fumer au travail, très généralisée, devrait être complétée par une interdiction de vapoter, ce qui n’est pas encore systématique aux Etats-Unis. Le vapotage était globalement perçu par les salariés comme une cause de pollution de l’environnement de travail, induisant une consommation plus importante de nicotine et étant faiblement adapté au sevrage tabagique. Les cigarettes électroniques auraient néanmoins pour avantages d’être plus discrètes, mieux acceptées socialement que le tabac fumé et nettement moins odorantes. Globalement, les salariés et plus encore les employeurs estiment qu’il est plus simple et plus évident d’adopter une mesure de protection sur le lieu de travail si elle est déjà en vigueur dans l’état ou le reste de la société.

Une préférence pour les actions démontrées comme étant efficaces

Concernant les types d’actions de prévention souhaitées, les salariés préconisent principalement les incitations financières ou matérielles (chèques-cadeaux) et les séances de coaching sur le lieu de travail. Plus marginalement, ils suggèrent des politiques d’entreprise totalement non-fumeurs et englobant le vapotage, et préconisent le soutien de la part des collègues, ainsi qu’une application de suivi pour téléphone mobile. Les courriels et l’Intranet sont les modes de communication qui leur paraissent les plus adaptés pour annoncer les actions de prévention. Ces propositions sont cohérentes avec les interventions de prévention basées sur la preuve scientifique, qui recommandent d’utiliser des messages textuels personnalisés pour l’arrêt du tabac, des incitations matérielles ou financière, la prise en charge des traitements de substitution ou de l’assurance complémentaire santé.

Les employeurs affichaient de leur côté un intérêt plus marqué pour les actions de prévention « clé-en-main », et plus globalement pour les actions éprouvées, adaptées à leur structure et dotées de matériel graphique incitatif (affichage, par exemple). Certains de ces employeurs se disaient prêt à mettre en place des actions de prévention si suffisamment de demandes étaient exprimées – ce qui paraît difficile au regard de la stigmatisation feutrée dont feraient l’objet les salariés fumeurs. Si la perception de ces actions par les employeurs reflétait surtout la culture de leur entreprise sur les questions de santé, le statut tabagique des managers et son évolution peuvent aussi influencer cette perception.

L’étude ayant été réalisée en pleine pandémie, l’impact de la COVID-19 sur la consommation des salariés fumeurs a été spontanément évoquée. L’impression des salariés était que la consommation de tabac avait augmenté durant cette période, et avait notamment été favorisée tant par le télétravail que par le stress. Le télétravail était aussi perçu comme favorisant le vapotage durant les heures ouvrées, voire le passage à une forme de tabac sans fumée (cité une fois, en vue ne pas déranger les colocataires). Seule une minorité des employeurs interrogés reconnaissait que la pandémie avait réduit l’intérêt pour la prévention du tabagisme, les autres estimant qu’elle n’avait pas eu d’influence particulière.

Deux principales limites de cette étude ont été identifiées. La première était l’attitude générale vis-à-vis de la prévention du tabagisme, les personnes ayant répondu pouvant s’y révéler davantage favorables que celles ayant décliné la participation à l’étude. La seconde tenait au milieu social des salariés étudiés. Ceux interrogés dans le cadre de l’étude avaient des niveaux de salaire relativement élevés, alors que les salariés des petites entreprises ont statistiquement des salaires moins élevés. Il resterait donc à vérifier que les salariés aux salaires les plus bas, qui sont aussi les plus fumeurs, montrent le même niveau d’acceptation des actions de prévention du tabagisme. Leur forte présence dans les petites entreprises suggère néanmoins que ces lieux de travail constituent un terrain propice pour réduire les disparités sociales en matière de santé.

Les résultats de cette étude restent par ailleurs très liés au contexte étatsunien, notamment en ce qui concerne les incitations matérielles et financières ou la faible acceptation sociale du tabagisme.

Mots-clés : petites entreprises, prévention, tabagisme, employeurs, salariés

©Génération Sans Tabac

MF


[1] Kava C, Ruiz R, Harris J, Hannon P, Worksite tobacco control – a qualitative

study on perspectives from employers and employees at small worksites, BMC Public Health (2022) 22:904, https://doi.org/10.1186/s12889-022-13346-y.

[2] Petersen AB, Sarna L, Rezk-Hanna M, Wells M, Nohavova I, Bialous S. “Everyone needs a breath of fresh air”: Workplace impact on nurses’ smoking behaviors. Cancer Nurs. 2020;43(4):319–30.

Comité national contre le tabagisme |

Publié le 23 mai 2022