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Covid 19, tabagisme et cancer : les liaisons dangereuses

Un article publié le 16 août dans The Lancet Respiratory Medicine souligne une hausse inquiétante du nombre d’incidences et de décès dus à des cancers de la trachée, des bronches, du poumon et du larynx. Dans un éditorial paru dans la même revue médicale, des chercheurs insistent sur la nécessité de lutter plus intensément contre le tabagisme mondial[1].

L’article rapporte les dernières données mondiales sur l’incidence et la mortalité des cancers de la trachée, du larynx, des bronches et des poumons entre 1990 et 2009. Au niveau mondial, 2,26 millions de nouveaux cas ont été recensés, 2,04 millions de morts et 45,9 millions d’années d’espérance de vie corrigée de l’incapacité (EVCI), c’est-à-dire le nombre d’années en bonne santé perdues[2].

Les catégories défavorisées et les femmes en première ligne

Ces chiffres ont notamment augmenté auprès des catégories socio-économiques défavorisées et des femmes, suivant la trajectoire des schémas et des niveaux de consommation tabagique mondiaux. Sans surprise, le tabagisme est la première charge mondiale de morbidité[3], en étant à l’origine de 76,2% des décès par cancer de la trachée, des bronches et du poumon chez les hommes, et 38,9% chez les femmes. Ces dernières sont également particulièrement exposées à cette catégorie de cancers, notamment en raison de la pollution de l’air domestique et de la pollution par les particules ambiantes. Ces facteurs de risque ont été classés comme la première cause de charge de morbidité dans certaines régions d’Afrique et d’Asie. Toutefois, les chiffres présentés sont antérieurs à la Covid-19, alors qu’il est désormais établi que la pandémie a eu un impact négatif sur le diagnostic et le traitement précoces des cancers, comme celui du poumon. Par ailleurs, la recherche montre que les catégories socio-économiques défavorisées ont été affectées de manière disproportionnée en matière de risque de maladie pulmonaire et dans l’accès aux structures de santé.

Covid-19, tabagisme et industrie du tabac

L’infection au coronavirus et les cancers du poumon partageant un certain nombre de symptômes (toux persistante, essoufflement, etc), les diagnostics de ces cancers ont pu en être encore davantage retardés. Comme le souligne The Lancet, la pandémie de Covid-19 aurait pu être saisie comme une opportunité de réduire la prévalence tabagique dans le monde, par des campagnes concertées de sensibilisation, un meilleur accompagnement et l’utilisation de la technologie numérique. Pourtant, selon les chiffres de l’Action on Smoking and Health, si les premiers mois de la pandémie se sont traduits par une baisse de la consommation au Royaume-Uni, cette dernière semble avoir augmenté au cours de 2021.

Parmi les éléments d’explication de cette hausse, les chercheurs avancent notamment les effets du stress, d’un sentiment d’ennui et d’isolement associé aux périodes de confinement. Par ailleurs, la controverse sur le rôle soi-disant protecteur de la nicotine a contribué à semer une certaine confusion et à affaiblir les politiques de contrôle du tabac. Enfin, les compagnies de tabac ont rapidement vu dans la pandémie une opportunité mercantile, faisant pression pour que leurs produits soient considérés comme « essentiels » et fournissant à plusieurs pays à forte prévalence tabagique du matériel de protection, faisant valoir la responsabilité sociale des entreprises. Ces stratégies ont également contribué à retarder l’adoption de mesures essentielles de luttes contre le tabagisme, reportées en raison du contexte de pandémie et des opérations de communication pour améliorer leur image publique.

Répondre à une urgence sanitaire mondiale

Plusieurs organismes de santé ont proposé des stratégies pour répondre à la situation actuelle. L’European Respiratory Society et 27 autres organisations ont ainsi interpellé la Commission spéciale du Parlement européen sur la lutte contre le cancer. L’objectif est de permettre une augmentation de 20% du diagnostic précoce du cancer du poumon, de mettre en place des campagnes de sensibilisation, de promouvoir des programmes européens et de relier les expertises entre elles grâce à des centres multidisciplinaires d’excellence.

La situation sanitaire en matière de cancer est pourtant particulièrement problématique en Europe, avec un million de cas de cancer non diagnostiqués, 100 millions de tests de dépistage non effectués, une personne sur deux présentant des symptômes non hospitalisée en urgence, et une personne sur cinq ne recevant pas le traitement nécessaire. Comme l’avance The Lancet, les chiffres dans les pays à faibles et moyens niveaux de revenus seront probablement pires.

La pandémie de Covid-19, en plus d’aggraver la charge mondiale de morbidité pour les cancers respiratoires, a mis en évidence l’importance des inégalités sanitaires dans le monde, qui continuent aujourd’hui à croître. Selon les auteurs, l’explosion des technologies numériques auraient pu être davantage mise à profit en cherchant à atteindre les personnes à hauts risques et servant d’outil de lutte contre le tabagisme mondial.

Mots clés : Cancer, COVID, Etude

©Génération Sans Tabac

FT


[1] The Lancet Respiratory Medicine, COVID-19, smoking, and cancer: a dangerous liaison, 16/08/2021, (consulté le 01/09/2021)

[2] The Lancet Respiratory Medicine, Global, regional, and national burden of respiratory tract cancers and associated risk factors from 1990 to 2019: a systematic analysis for the Global Burden of Disease Study 2019, 16/08.2021, (consulté le 01/09/2021)

[3] Mobilisé par l’Organisation mondiale de la santé, la charge de morbidité est un concept visant à évaluer l’impact des problèmes de santé en quantifiant la perte de vie en bonne santé d’une population.

Comité National Contre le Tabagisme |

Publié le 1 septembre 2021