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Le coût économique du tabagisme estimé à $1 400 milliards dans le monde

Selon le nouveau manuel technique de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) sur la politique et l’administration des taxes sur le tabac[1], le coût économique global du tabagisme (y compris les coûts médicaux et les pertes de productivité dues aux décès et à l’invalidité) a été estimé à plus de $1 400 milliards par an, soit 1,8% du produit intérieur brut (PIB) annuel mondial.  

Le tabagisme est la principale cause de décès évitables dans le monde avec 8 millions de décès chaque année. Bien qu’elle soit la mesure de lutte antitabac la plus efficace, la taxation du tabac est largement sous-utilisée dans les politiques publiques. En 2018, seuls 38 pays, couvrant 14% de la population mondiale, avaient des niveaux de taxation sur le tabac suffisamment élevés (c’est-à-dire que les taxes représentent au moins 70% du prix de détail du produit)[2]. Cette incapacité à faire progresser la taxation du tabac pour conduire à des hausses de prix significatives, induit des maladies et des morts prématurées évitables ainsi qu’une perte de revenus pour les gouvernements. Seuls les fabricants de tabac en tirent profit.

Ce rapport vient en appui des dispositions de la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac (CCLAT) demandant aux gouvernements d’accroître les taxes sur le tabac pour réduire la consommation de ces produits et atteindre leurs objectifs de santé. À mesure que les pays sont devenus Parties au traité, plusieurs d’entre eux ont adopté des augmentations significatives des taxes sur le tabac afin de réduire le tabagisme et les décès, maladies et coûts économiques qu’il entraîne[3].

Les arguments de l’industrie du tabac pour affaiblir les politiques fiscales

L’OMS indique dans son rapport que l’ingérence de l’industrie du tabac reste un obstacle majeur aux augmentations fiscales importantes dans de très nombreux pays. Les fabricants de tabac utilisent plusieurs arguments pour s’opposer et affaiblir les politiques fiscales :

– L’industrie du tabac et ses alliés affirment que les augmentations des taxes sur le tabac entraîneront inévitablement une augmentation du commerce illicite des produits du tabac, ce qui nuira aux recettes fiscales. Cet argument a en fait été largement réfuté. Les taxes sur le tabac ne sont pas le principal moteur de la contrebande de cigarettes et les avantages d’une augmentation des taxes sur le tabac pour la santé publique et les augmentations de recettes fiscales sont bien démontrés. De nombreux pays ont augmenté les taxes sur le tabac sans constater une hausse du commerce illicite. Les recherches montrent que le commerce illicite est positivement corrélé à de nombreux autres facteurs qui prévalent : le degré de corruption dans un pays, l’absence de contrôle de la chaîne d’approvisionnement, ou encore la tolérance des pouvoirs publics à l’égard du commerce illicite[4].

– L’industrie du tabac et ses alliés affirment souvent que les augmentations des taxes sur le tabac auront un impact négatif global sur l’économie d’un pays[5]. Or, la culture et la fabrication du tabac représentent une part très faible de l’activité économique d’un pays et, dans la plupart de ceux-ci, cette part diminue. En général, l’emploi dans la culture du tabac est très limité par rapport aux autres activités agricoles. Les données relatives à ce secteur d’activité agricole ont montré que les planteurs de tabac enregistrent plus de pertes que de profits. De plus, la situation financière des cultivateurs de tabac est beaucoup altérée par des décisions commerciales défavorables de l’industrie que par toute mesure de lutte antitabac. La fabrication manufacturée de produits du tabac génère, quant à elle, très peu d’emplois et ces emplois sont également en baisse en raison de l’automatisation et de la mécanisation du processus et également en raison des nombreuses fusions intervenues dans le secteur.

– Un autre argument objecté par l’industrie est que la hausse des taxes nuira aux populations les plus précaires. De nombreuses études démontrent qu’augmenter les taxes sur les produits du tabac est une mesure très efficace pour réduire la consommation de tabac et améliorer la santé des personnes mais aussi réduire le taux de pauvreté[6][7]. L’OMS évalue à 100 millions le nombre de personnes qui tombent chaque année dans la pauvreté extrême en raison des dépenses destinées au traitement des maladies dites non transmissibles imputables au tabagisme[8] à la charge des ménages.

L’intérêt des politiques fiscales efficaces sur le développement et les revenus dans certains pays

La Gambie a considérablement réduit la consommation de cigarettes grâce à sa politique fiscale du tabac. En 2012, les prix des cigarettes en Gambie étaient parmi les plus bas de la région africaine[9]. Avec le soutien de l’OMS, le pays a élaboré un plan pour augmenter le prix des cigarettes[10] via des hausses de taxes. Cette stratégie a été un succès et a conduit à un plan encore plus ambitieux d’augmentation des taxes sur le tabac dans les années suivantes. Ainsi, les revenus générés en 2018 ont été près de trois fois plus élevés qu’en 2011. Parallèlement, l’importation de cigarettes a été réduite de plus de 60%, permettant au pays de dégager des marges d’action pour se développer.

En Colombie, l’augmentation des prix des cigarettes a entraîné une importante baisse de la consommation. En 2016, la Colombie était le deuxième pays des Amériques (après le Paraguay) à avoir les cigarettes les plus abordables. Dans le cadre d’une réforme fiscale globale en 2016, le taux d’imposition spécifique des cigarettes a été triplé entre 2016 et 2018, avec une augmentation du prix réel de 4% par an après 2019. Résultats : la consommation de cigarettes a chuté de 34% en 2018 et les recettes issues des taxes, qui sont destinées au financement de la couverture sanitaire universelle (CSU), ont presque doublé[11].

Du côté des Philippines, la réforme de 2012 «Sin Tax» a conduit à des réductions substantielles de la consommation de tabac et à une augmentation des revenus utilisés pour la CSU[12]. Deux ans après l’adoption de la loi, le budget du ministère philippin de la Santé est passé de 1,25 milliard de dollars à près de $2 milliards. Les taxes sur les cigarettes sont maintenant à leur plus haut niveau avec des augmentations de cinq pesos par an jusqu’en 2023, et avec des augmentations automatiques de 5% par la suite. Grâce à une administration fiscale améliorée et à une application plus stricte, le gouvernement a sanctionné une société de tabac nationale pour évasion fiscale en 2017, ce qui a abouti au plus important règlement fiscal de l’histoire des Philippines, d’un montant de 600 millions de dollars.

Mots clés : OMS, coût économique, tabac, taxes, fiscalité, tabagisme, industrie du tabac

©Génération Sans Tabac


[1] WHO technical manual on tobacco tax policy and administration, Geneva: World Health Organization; 2021. Licence: CC BY-NC-SA 3.0 IGO.

[2] Communiqué, US$ 1.4 trillion lost every year to tobacco use – New tobacco tax manual shows ways to save lives, money and build back better after COVID-19, OMS, 12 avril 2021, consulté le 14 avril 2021

[3] Countries share examples of how tobacco tax policies create win-wins for development, health and revenues, OMS, 12 avril 2021, consulté le 14 avril 2021

[4] CNCT, Commerce illicite, contrebande, contrefaçon : mythes et réalités, 14 avril 2021, consulté le jour même

[5] Ross, H. (2018). Tobacco Industry Strategies to Reduce Tax Liability. Cape Town: SALDRU, UCT. (SALDRU Working Paper Number 225).

[6] The health, poverty, and financial consequences of a cigarette price increase among 500 million male smokers in 13 middle income countries: compartmental model study BMJ 2018; doi:10.1136/bmj.k1162

[7] CNCT, Les hausses de taxes significatives incitent à l’arrêt des plus démunis et réduisent la pauvreté, 23 avril 2018, consulté le 14 avril 2021

[8] World Health Organization. Health systems financing: the path to universal coverage. The world health report.World Health Organization, 2010

[9] Chisha Z, Janneh ML, Ross H Consumption of legal and illegal cigarettes in the Gambia Tobacco Control 2020;29:s254-s259.

[10] WHO supports Gambia to strengthen tobacco taxation, OMS, 2 décembre 2018, 14 avril 2021

[11] Erin James, Akshar Saxena, Camila Franco Restrepo, Blanca Llorente, Andrés Vecino Ortiz, Manuela Villar Uribe, Roberto F. Iunes, Stéphane Verguet, The distributional consequences of increasing tobacco taxes on Colombia’s Health and finances – An extended cost-effectiveness analysis, Banque Mondiale, 2019

[12] OMS, “Sin Tax” expands health coverage in the Philippines, mai 2015

Comité National Contre le Tabagisme |

Publié le 15 avril 2021