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Marchés parallèles de tabac : le rapport KPMG contesté

Dans une note publiée le 14 juin, le Comité national contre le tabagisme (CNCT) met en doute les résultats du précédent rapport de KPMG sur le commerce illicite en France, qui tend à surestimer la part des produits de contrefaçon.

Chaque année, l’institut KPMG produit un rapport sur l’évolution du commerce illicite des produits du tabac en France, notoirement financé par Philip Morris International (PMI). Anticipant la sortie du prochain rapport de KPMG, le CNCT indique dans une note récente en quoi les chiffres de ce type d’étude sont trompeurs et surévalués[1].

La fiabilité du rapport KPMG mise en cause

En préambule de chacun de ses rapports, KMPG mentionne ne pas « avoir cherché à établir la fiabilité des sources d’information ». Une faille méthodologique que ne manque pas de relever le CNCT, qui pointe certaines incohérences dans les chiffres du rapport sur le commerce illicite.

Les données de l’étude de KPMG s’appuient en effet sur la collecte de paquets vides ramassés sur la chaussée en Europe, qui sont ensuite transmis aux cigarettiers pour que ceux-ci distinguent les paquets issus de leurs usines et ceux qui seraient produits frauduleusement par des tiers. Ce qui apparaît comme un manque flagrant d’indépendance du traitement de ces données, et peut paraître curieux lorsqu’on sait que PMI a négocié en 2004 un accord avec la Commission Européenne, prévoyant des amendes en cas de présence importante de ses produits parmi les produits de contrebande saisis. Cet accord incite donc le fabricant à surestimer la part des produits de contrefaçon, afin d’éluder sa participation aux activités de contrebande et de se présenter comme une victime de ce trafic.

Une surestimation des produits de contrefaçon

KMPG avait ainsi établi en 2021 que la contrefaçon aurait augmenté de 600 % en France, entre 2019 et 2020, et qu’elle représenterait 11,76 % de la consommation nationale de tabac. Des chiffres qui indiqueraient une progression fulgurante de ces produits, de l’ordre de près de 300 millions de paquets, ce qui semble difficile à organiser aussi rapidement. Ces données sont notamment en contradiction avec celles publiées dans une étude commanditée par Seita-Imperial Brands en 2016, qui situaient cette part des paquets issus de la contrefaçon à 0,2 % du marché français. Elles sont aussi très différentes des travaux de la mission d’information de l’Assemblée nationale, qui a estimé en septembre 2021 que le marché parallèle se situerait en France entre 14 % et 17 % du marché intérieur, dont les trois quarts sont en fait des achats transfrontaliers parfaitement légaux[2]. Le quart restant serait constitué pour l’essentiel de produits de contrebande, dont les cigarettiers sont fortement soupçonnés d’alimenter le trafic, et bien plus marginalement de produits de contrefaçon. Les chiffres sur lesquels les cigarettiers communiquent vers les médias et les pouvoirs publics situent quant à eux les achats hors réseau à 30 % du marché français, en assimilant les achats transfrontaliers légaux aux produits du trafic et en surévaluant sensiblement la part occupée par les produits de contrefaçon.

Lutter efficacement contre le commerce illicite

« Nous ne cherchons pas à nier la réalité du marché parallèle, mais à anticiper et neutraliser la communication qui a lieu tous les ans autour de ce rapport, qui sert de levier de communication auprès des élus », précise François Topart, le porte-parole du CNCT[3]. Les industriels du tabac prétendent en effet que l’augmentation supposée du commerce illicite serait la conséquence des politiques d’augmentation des taxes sur le tabac, ce que contredisent les observations réalisées dans les pays à haut revenu. La présence du commerce illicite est surtout relevée dans les pays à revenu faible ou moyen, où la corruption est très répandue et qui ne sont pas dotés d’un bon système de contrôle des approvisionnements. Un contre-exemple récent est néanmoins fourni par la Sierra Leone qui, malgré un faible niveau de revenu, est parvenue à juguler ce commerce illicite[4].

Pour parer à la contrebande et à la contrefaçon, le CNCT propose de suivre les recommandations du Protocole pour éliminer le commerce illicite des produits de tabac, soutenu par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), et de modifier l’article 15 de la Directive européenne des Produits du Tabac (DPT), selon lequel le recueil et le stockage des données du trafic illicite sont réalisés par les fabricants de cigarettes. Le CNCT suggère non seulement de mettre en place un système indépendant de recueil des données sur le commerce illicite, mais aussi d’instaurer des quotas d’approvisionnement par pays en fonction de leur consommation intérieure réelle afin d’éviter le surapprovisionnement en tabac des zones frontalières, comme c’est actuellement le cas pour le Luxembourg. L’association défend également l’idée de réduire les achats transfrontaliers à trois paquets par personnes (60 unités). Elle rappelle enfin que le moyen le plus efficace pour diminuer le commerce illicite est la réduction de la consommation de tabac, que l’on peut notamment obtenir en augmentant les taxes sur les produits du tabac de façon significative et régulière.

Mots-clés : commerce illicite, contrefaçon, achats transfrontaliers, KPMG, CNCT

©Génération Sans Tabac

MF


[1] Lutter contre le commerce illicite de tabac en France, CNCT, publié le 14 juin 2022, consulté le 14 juin 2022.

[2] Mission d’information relative à l’évolution de la consommation de tabac et du rendement de la fiscalité applicable aux produits du tabac pendant le confinement et aux enseignements pouvant en être tirés, Assemblée nationale, septembre 2021.

[3] Godeluck S, Tabac : la contrefaçon surestimée, Les Echos, publié le 14 juin 2022, consulté le 14 juin 2022.

[4] Sierra Leone : les hausses de taxes sur le tabac réduisent le tabagisme et la contrebande, Génération Sans Tabac, publié le 9 juin 2022, consulté le 14 juin 2022.

Comité national contre le tabagisme |

Publié le 14 juin 2022