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Philip Morris actionnaires

Le combat de Philip Morris contre la santé publique

Une enquête parue dans le journal Le Monde le 14 avril 2021[1] dénonce les efforts du cigarettier Philip Morris international (PMI) dans sa « guerre » contre l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) et les experts de la lutte antitabac.

Les journalistes de cette enquête rappellent l’existence de deux documents internes du cigarettier rendus publics par une précédente enquête de leurs confères de l’agence Reuters en 2017 et qui « dépeignaient une firme en quête d’outils pour lutter contre sa « dénormalisation» et sa «diabolisation ». Parmi eux figurent les produits à « risques réduits » que le cigarettier veut utiliser pour se positionner « comme un indispensable partenaire de confiance, à la tête de son secteur, qui apporte des solutions ». Mais pour y parvenir, il lui faudrait « être “pour” quelque chose » et « établir une plateforme positive et proactive ».

Ainsi en recherche de crédibilité et validation scientifique, Philip Morris s’emploie à communiquer à travers des personnalités comme Derek Yach, et David Khayat[2][3] pour apporter une caution scientifique à la promotion de ses nouveaux produits et a recours à une fondation : la fondation pour un monde sans fumée.

Derek Yach, actuel président de la fondation pour un monde sans fumée, est l’ancien directeur exécutif chargé des maladies non transmissibles et de la santé mentale de l’Initiative pour un monde sans tabac de l’OMS. Expert en santé publique mondialement reconnu et l’un des contributeurs de la Convention-Cadre pour la lutte antitabac de l’OMS (CCLAT), Derek Yach, qui avait quitté l’OMS pour rejoindre PepsiCola, a été recruté par PMI en 2015 pour devenir le nouveau visage du « monde sans fumée » du cigarettier.

La Fondation pour un monde sans fumée, le faux-nez de Philip Morris International

La Fondation pour un monde sans fumée se décrit comme « une organisation indépendante à but non lucratif » créée et « gérée sans le contrôle ou l’influence de tout tiers ». Elle affirme qu’elle « accorde des subventions et soutient les activités médicales, agricoles et la recherche scientifique pour mettre fin au tabagisme et à ses effets sur la santé. En réalité, la Fondation a été créée grâce au financement de PMI qui s’est engagé à contribuer à hauteur de $80 millions par an pour les douze prochaines années à partir de 2018, avec des contributions spécifiques en fonction des « besoins et opérations » de la Fondation. Le cigarettier reste à ce jour l’unique financeur de la Fondation. De plus, l’analyse des déclarations de revenus de la Fondation révèle que les subventions et contributions ne sont pas principalement axées sur le financement de la recherche scientifique, mais semblent plutôt être dédiées aux stratégies de relations publiques au plaidoyer.

Un discours sur la réduction des risques qui sert les intérêts de l’industrie

Les ventes globales de cigarettes manufacturées ont baissé de 20 % dans les pays à hauts revenus, principal marché de l’industrie du tabac sur le plan financier. Pour compenser ces pertes, l’industrie a massivement investi dans de « nouveaux » produits et sa stratégie de « réduction des risques ». Depuis maintenant sept ans, PMI mise sur son dispositif de tabac chauffé présenté, par l’industrie elle-même, comme étant 90 % à 95 % moins nocif que la cigarette traditionnelle. À ce jour, aucune étude indépendante n’est pourtant parvenue à démontrer que la consommation de tabac chauffé s’accompagnait d’une réduction des risques. L’industrie fait de l’appellation « réduction des risques » son principal argument marketing et tente de restaurer sa réputation afin de pouvoir influencer les politiques de santé publique.

Ouvrir une brèche dans la Convention-Cadre de l’OMS

Cette initiative de PMI à travers la fondation Smokefree world que le cigarettier finance s’inscrit dans une stratégie d’ensemble destinée à contourner les dispositions mises en place par les pays dans le cadre du traité de l’OMS, la CCLAT. Cette dernière prévoit en effet dans son article 5.3 que les pouvoirs publics, dans leur ensemble, protègent les politiques publiques de toute interférence de l’industrie du tabac. L’objectif recherché par PMI est également de mettre à mal l’application du traité, en particulier à travers les programmes de recherche controversés de la Fondation. À l’occasion du Forum économique mondial de Davos, Derek Yach a demandé un passe-droit à l’OMS, demandant une révision de l’article 5.3 de la Convention qui déconseille aux chercheurs et aux gouvernements de collaborer avec eux. En s’attaquant directement à l’article 5.3, l’industrie du tabac cherche à retrouver son siège à la table des négociations pour se positionner comme un acteur crédible en santé publique et apparaître en force de propositions et de « solution » pour lutter contre l’épidémie tabagique dont elle est à l’origine.

Mots clés : Derek Yach, Fondation pour un monde sans fumée, Philip Morris, Nouveaux produits, OMS, Santé publique

©Génération Sans Tabac


[1] Stéphane Horel, La guerre secrète de Philip Morris contre l’OMS et les experts de la lutte antitabac, Le Monde, 14 avril 2021, consulté le 15 avril 2021

[2] Génération Sans Tabac, David Khayat, ancien Monsieur cancer au service de l’industrie du tabac, 15 avril 2021, consulté le jour-même

[3] Stéphane Horel, David Khayat, un « Monsieur cancer » en VRP de l’industrie du tabac, Le Monde, 14 avril 2021, consulté le 15 avril 2021

Comité National Contre le Tabagisme |

Publié le 20 avril 2021