Réduire l’exposition à la nicotine et aux toxiques de la cigarette n’aggraverait pas les symptômes des personnes souffrant de troubles unipolaires de l’humeur ou anxieux et faciliterait leur sevrage tabagique, indique une étude randomisée étatsunienne.
Après de nombreux essais cliniques, les premières cigarettes à très faible teneur en nicotine ont été commercialisées aux Etats-Unis en avril 2022. L’intérêt d’une moindre exposition à la nicotine serait de rendre les cigarettes moins addictives et de faciliter ainsi l’arrêt du tabagisme.
Les fumeurs souffrant de ces troubles éprouvant des symptômes de manque plus sévères lors du sevrage tabagique, la question d’une éventuelle fragilisation de ces personnes, si elles devaient passer aux cigarettes à teneur réduite, a régulièrement été soulevée. Afin de vérifier cette hypothèse, une équipe réunissant des chercheurs des universités de Pennsylvanie et de Harvard a engagé une recherche randomisée en double aveugle.
Une étude randomisée en double aveugle, avec mesure des marqueurs biologiques
La recherche a comparé deux groupes de fumeurs ne souhaitant pas arrêter de fumer et sujets à des troubles unipolaires de l’humeur ou anxieux[1]. L’un recevait des cigarettes à teneur standard en nicotine (11,6 mg), l’autre des cigarettes dont la teneur en nicotine était réduite au fil de la recherche pour atteindre un seuil minimal de 0,2 mg. 188 personnes ont été incluses dans cette expérience, qui s’est déroulée sur 33 semaines. Après avoir fumé deux semaines leurs propres cigarettes, les fumeurs ne devaient fumer que les cigarettes reçues au cours de l’étude et éviter de consommer toute autre forme de produits nicotinés. Des évaluations à l’aide de l’échelle de détresse psychologique de Kessler étaient menées en début et en fin de suivi. Des mesures des taux plasmatiques de nicotinine, de monoxyde de carbone (CO) dans l’air expiré et de différents biomarqueurs étaient réalisées à plusieurs reprises.
A la 18ème semaine du protocole de recherche, un choix était proposé aux participants pour les douze semaines restantes, entre retourner à leurs anciennes cigarettes, continuer de fumer les cigarettes données dans le protocole ou arrêter de fumer. Une déperdition de participants habituelle dans ce type de protocoles a été observée, mais elle était similaire dans les deux groupes, et elle a ramené l’effectif à 143 participants en semaine 18, puis à 121 en fin de programme.
Des résultats encourageants sur une population sensible
Les fumeurs ayant reçu des cigarettes à teneur réduite en nicotine affichaient, en fin de protocole, une moindre concentration plasmatique en cotinine, un taux de CO expiré moins élevé et disaient moins ressentir l’addiction à la cigarette que ceux du groupe témoin. L’état de santé physique et surtout psychique de ces participants n’avait pas été altéré. De plus, davantage de participants de ce groupe avaient réduit leur consommation de cigarettes ou avaient réussi à arrêter de fumer que dans le groupe témoin.
Les chercheurs en déduisent que les cigarettes à teneur réduite en nicotine pourraient permettre de réduire l’exposition aux toxiques du tabac et favoriseraient l’arrêt du tabagisme, sans aggraver les symptômes des fumeurs ayant des troubles unipolaires de l’humeur ou anxieux. Les auteurs recommandent que d’autres recherches prennent en compte les troubles psychiques plus sévères, et appliquent des protocoles où la réduction de la nicotine serait plus abrupte.
Déjà envisagée aux Etats-Unis et en Nouvelle-Zélande, la généralisation des cigarettes à teneur réduite en nicotine trouve ici un argument supplémentaire. Cette éventuelle généralisation risque néanmoins d’exiger encore quelques années avant d’être effective.
Mots-clés : cigarettes à teneur réduite en nicotine, cotinine, CO, anxiété, troubles unipolaires, sevrage
MF
[1] Foulds J, Veldheer S, Pachas G, Hrabovsky S, Hameed A, Allen SI, et al. (2022) The effects of reduced nicotine content cigarettes on biomarkers of nicotine and toxicant exposure, smoking behavior and psychiatric symptoms in smokers with mood or anxiety disorders: A double- blind randomized trial. PLoS ONE 17(11): e0275522.
