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British American Tobacco devance légèrement Philip Morris sur les ventes de tabac

Lors de l’assemblée générale de ses actionnaires, le président de British American Tobacco a mis en avant les profits exceptionnels de son groupe, notamment par la prise de parts de marché sur la vente de cigarettes classiques. Le développement de nouveaux produits, sous couvert de réduction des risques, semble pour sa part davantage guidé par la croissance de ce marché que par les questions environnementales ou de santé publique.

« Des lendemains meilleurs » (« A better tomorrow »), proclame British American Tobacco (BAT) dans ses communications. Une affirmation qui semble davantage dirigée à l’attention des actionnaires qu’à celle des fumeurs, lorsqu’on se penche sur les déclarations du président de BAT lors de l’assemblée générale des actionnaires du groupe, le 28 avril dernier[1].

BAT devance légèrement PMI sur le marché des cigarettes

Le message de Luc Jobin, président de BAT, au cours de cette assemblée générale était à la fois clair et paradoxal. Il était clair sur le fait que la progression des profits du groupe est avant tout le fait d’une augmentation des ventes de tabac, à laquelle s’ajoute la forte croissance du secteur des produits non combustibles (cigarette électronique, tabac chauffé, produits oraux). Il peut cependant paraître paradoxal de reconnaître avoir besoin des cigarettes combustibles traditionnelles, qui provoquent chaque année la mort de huit millions de personnes dans le monde, pour financer des produits qui seraient moins nuisibles à la santé des clients.

En affichant 12,9 milliards de dollars de profits et un dividende global en augmentation de 1 % pour 2021, BAT veut affirmer sa bonne santé économique et se veut rassurant pour les actionnaires, notamment en augmentant sa valorisation par des rachats massifs de ses propres actions. En se hissant légèrement devant son rival Philip Morris International (PMI) sur le marché des cigarettes traditionnelles, BAT est devenu en 2021 le deuxième vendeur mondial de ces produits, derrière la China National Tobacco Corp (CNTC).

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La réglementation, principale menace pour British American Tobacco

L’origine de ce regain d’activité sur le front du tabac fumé a son explication : Luc Jobin n’a pas manqué de féliciter ses équipes pour leur dynamisme, avec pour sous-entendu d’avoir déployé toutes sortes de stratégies, souvent illégales, afin de maintenir l’approvisionnement et la distribution de ces produits durant les deux années de pandémie. Les bons résultats de BAT s’expliqueraient ainsi par l’énergie dépensée par ses salariés pour relancer les marchés du tabac et contourner les contraintes réglementaires.

Luc Jobin confesse d’ailleurs que les principales menaces pour BAT sont avant tout les évolutions réglementaires concernant l’ensemble des produits du tabac et de la nicotine, ainsi que les procédures judiciaires. Le comportement de la branche malaisienne de BAT en témoigne. Le cigarettier s’est ainsi opposé, avec ses concurrents et pour la septième année consécutive, à un projet de loi visant à augmenter les taxes sur le tabac. De même, il a été pointé en raison de ses violations répétées de l’interdiction de publicité pour les produits de tabac, dans ce pays[2]. Le fabricant a par ailleurs lancé, avec succès, en Malaisie en pleine pandémie de 2020, les cigarettes KYO, démontrant ainsi qu’il ne renonçait pas aux produits combustibles dans un pays où il contrôle 52 % du marché des cigarettes traditionnelles. La perspective de la disparition des produits du tabac mentholés au Etats-Unis[3] constitue également un réel danger pour BAT, en première position sur ce marché en croissance depuis plus de vingt ans ; la mise en œuvre de cette réglementation pourrait cependant « prendre plusieurs années », que BAT compte bien mettre à profit.

Le développement des autres produits du tabac et de la nicotine

Avec 2 milliards de livres sterling (1,7 milliards d’euros) de bénéfices, le seul secteur des nouveaux produits du tabac et de la nicotine représentait 12 % de ses bénéfices à la fin 2021 et, comme PMI, BAT compte sur ce secteur pour poursuivre sa croissance. Bien qu’ayant développé le procédé de tabac chauffé glo, qui occupe 19% de ce marché, PMI domine ce segment avec son produit IQOS. BAT est en revanche en pointe sur le segment très porteur des cigarettes électroniques, avec sa marque Vuse, et sur celui en plein essor des produits oraux, avec sa marque Velo. Sur l’ensemble de ces produits, BAT prétend avoir converti 18,3 millions de consommateurs, soit près de quatre fois plus en une seule année, sans apporter de précisions sur les possibles multi-usages de produits, ni sur l’éventuelle fidélité des consommateurs vis-à-vis des nouveaux produits. Comme ses concurrents, BAT se positionne dans une stratégie marketing visant à dissuader l’arrêt à travers la mise à disposition de produits alternatifs, tout en misant sur leur adoption par des non-fumeurs.

Luc Jobin se prévaut par exemple d’avoir fait glisser des fiches « d’information » dans un milliard de ses paquets de cigarettes pour faire la publicité de ces nouveaux produits auprès des fumeurs, afin de les convertir à ces alternatives avant qu’ils ne cessent de fumer. Selon lui, les profits des cigarettes combustibles sont destinés à financer l’investissement dans des produits présentés comme moins dangereux. Dans le discours adressé aux actionnaires, ce sont bien les profits liés à ces nouveaux marchés qui sont mis en avant, bien devant les éventuels bénéfices pour les consommateurs.

A la question « pourquoi ne cessez-vous pas tout simplement de vendre des cigarettes ? », Luc Jobin répond que cela n’aurait pour conséquence que d’accroître les trafics et la contrebande. Il cite l’exemple de l’interdiction de vente de tabac en Afrique du Sud durant le confinement de 2020 comme une illustration de ce type de conséquences. Pourtant la branche sud-africaine de BAT a clairement été mise en cause pour ses activités illégales dans ce pays au cours des années 2010[4].

Les incidences environnementales

Les conséquences environnementales ont été abordées de manière tronquée, BAT se targuant d’avoir réduit de 42% ses émissions de carbone depuis 2017, mais en se cantonnant aux Scope 1 (émissions directes) et 2 (énergie électrique consommée) et en négligeant le Scope 3 (toutes les autres émissions indirectes), qui représente la grande majorité des émissions des entreprises[5]. L’industrie du tabac reste pourtant particulièrement consommatrice de ressources naturelles (bois, eau, terres arables) et productrice de déchets (mégots, emballages, batteries). Les dispositifs électroniques de vapotage ou de tabac chauffé se révélant en tant que tels, sur le plan des processus industriels et des déchets produits, nettement plus polluants encore que les cigarettes, on peut douter que la croissance rapide de ces marchés puisse réduire l’empreinte environnementale des cigarettiers[6].

Au final, BAT considère 2021 comme son « année pivot », probablement pour le regain d’activité dans le secteur des cigarettes combustibles qui lui a permis de dépasser sur ce terrain son rival de toujours, PMI. A l’instar de ses concurrents, le discours de ce cigarettier semble surtout destiné à rassurer les actionnaires sur la rentabilité de l’entreprise et du secteur du tabac et de la nicotine, afin d’enrayer la fuite des investisseurs d’un marché perçu comme déclinant et incertain.

Mots-clés : BAT, PMI, Luc Jobin, nouveaux produits, tabac chauffé, 

Crédit graphique : ©Reuters

©Génération Sans Tabac

MF


[1] 2022 AGM: Chairman’s address, BAT, publié le 28 avril 2022, consulté le 13 mai 2022.

[2] BAT aims to sell more cigarettes to reduce harm…, SEATCA, publié le mai 2022, consulté le 13 mai 2022.

[3] États-Unis : l’interdiction du menthol se concrétise, Génération Sans Tabac, publié le 4 mai 2022, consulté le 13 mai 2022.

[4] Suivi et traçabilité des produits du tabac : l’administration fiscale sud-africaine au pied du mur, Génération Sans Tabac, publié le 16 octobre 2020, consulté le 13 mai 2022.

[5] Bilans GES, les catégories, ADEME, non daté, consulté le 13 mai 2022.

[6] Hendlin YH, Alert: Public Health Implications of Electronic Cigarette Waste, Am J Public Health. 2018 November; 108(11): 1489–1490.

Comité national contre le tabagisme |

Publié le 18 mai 2022