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Jordanie

La bombe à retardement du tabagisme en Jordanie

En Jordanie, les médecins s’inquiètent d’une forte hausse de la consommation tabagique depuis le début des restrictions dues à l’épidémie de Covid-19. Et ce d’autant plus que le pays montrait déjà une situation tabagique particulièrement alarmante[1].

Selon une enquête réalisée par le Centre d’études stratégiques de l’Université de Jordanie en avril 2020, 52% des répondants ont déclaré fumer davantage depuis le début de la pandémie. En 2008, les pouvoirs publics avaient interdit de fumer dans les lieux publics et à usage collectif. Avec l’arrivée de la pandémie, la Jordanie a étendu cette interdiction à l’ensemble des lieux clos. Pourtant, le pays semble peiner à rendre effective cette interdiction. Selon France 24, un député a été pris en photo en train de fumer en pleine session parlementaire, à côté d’un panneau d’interdiction.

Une situation sanitaire préoccupante

Cette situation trouve une partie de son explication dans la très forte normalisation du tabac dans le pays. Selon une étude gouvernementale réalisée en 2019 avec le soutien de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la proportion de fumeur dépasse 80% chez les hommes de plus de 18 ans, avec une consommation moyenne de 23 cigarettes quotidiennes, soit plus d’un paquet par jour[2]. Avec ces chiffres, la Jordanie a le taux tabagique le plus élevé du monde, devant l’Indonésie, pourtant connue pour être le « Disneyland de l’industrie du tabac »[3]. La prévalence tabagique jordanienne se paye au prix fort : un décès sur huit est attribuable à la consommation de tabac, contre un sur dix dans le monde. Ce chiffre étant une moyenne des deux sexes, il est probablement beaucoup plus élevé pour la population masculine. Par ailleurs, les effets dévastateurs sanitaires du tabagisme se feront essentiellement sentir à partir de 2030, en s’accompagnant d’une explosion des maladies non transmissibles.

La forte ingérence de l’industrie du tabac

La situation sanitaire de la Jordanie s’explique par l’influence de l’industrie du tabac sur les pouvoirs publics. Selon l’indice général sur l’interférence de l’industrie du tabac, développé par la Stopping Tobacco Organisations and Products (STOP), la Jordanie est le deuxième pays le plus en proie à l’interférence des cigarettiers dans les politiques publiques, derrière le Japon. La garantie de politiques publiques indépendantes de l’influence de l’industrie du tabac est pourtant un des principes fondamentaux et contraignant de la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac, qui insiste sur le faire qu’« il y a un conflit fondamental et inconciliable entre les intérêts de l’industrie du tabac et les intérêts de la politique de santé publique »[4].

Mots-clés : Jordanie, Ingérence, Covid, Santé

©Génération Sans Tabac


[1] France 24, Health crisis as smoking champions Jordan light up in lockdown, 30/04/2021, (consulté le 03/05/2021)

[2] The Guardian, Jordan smoking rates highest in world amid claims of big tobacco interference, 23/06/2020, (consulté le 03/05/2021)

[3] Webster PC. Indonesia: the tobacco industry’s « Disneyland ». CMAJ. 2013;185(2):E97-E98. doi:10.1503/cmaj.109-4342

[4] Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac (CCLAT)

Comité National Contre le Tabagisme |

Publié le 4 mai 2021