Actualités

Bangladesh : une nouvelle étude alerte sur l’ingérence de l’industrie du tabac

Les résultats d’un rapport d’étude bangladais rendus publics le 28 novembre 2020 alertent sur l’ingérence forte de l’industrie du tabac dans les politiques de santé publique du pays.

Le 28 novembre 2020, les résultats d’une étude conduite par l’organisme PROGGA Knowledge for Progress sur l’ingérence de l’industrie du tabac ont été publiés à l’occasion d’un webinaire en ligne organisé conjointement par PROGGA et l’Alliance médiatique antitabac[1] (ATMA)[2]. Ces résultats ont été présentés dans un rapport intitulé « Indice d’interférence de l’industrie du tabac : Rapport de mise en œuvre de l’article 5.3 de la CCLAT[3], Bangladesh ».

Depuis 2018, PROGGA mène chaque année cette étude dans de nombreux pays pour évaluer le degré d’ingérence de l’industrie du tabac dans les politiques de santé publique et le niveau d’application des directives de l’article 5.3 de la CCLAT[4]. Le rapport 2020 classe le Bangladesh à la 27e place sur 57 pays étudiés[5]. Parmi les pays d’Asie du Sud, le Bangladesh occupe la dernière position.

Une industrie du tabac très influente auprès des décideurs politiques et de l’administration

Selon les résultats de l’étude, au Bangladesh, l’industrie du tabac utilise particulièrement les programmes de responsabilité sociale des entreprises « comme prétexte pour se rapprocher des décideurs politiques, de fonctionnaires du gouvernement et de l’administration afin d’exploiter ce lien pour en tirer différents avantages et interférer dans les activités de lutte antitabac »[6].

De plus, le rapport signale que les fabricants de tabac utilisent leurs activités de responsabilité sociale des entreprises pour améliorer leur image auprès du public, en s’efforçant de donner la visibilité la plus large à ces activités. À titre d’exemple, le chèque remis en septembre 2019 par British American Tobacco Bangladesh au ministre du Travail et de l’Emploi, destiné à la Fondation bangladaise pour le bien-être des travailleurs[7], a fait l’objet d’une publication sur la page Facebook officielle du ministère, photographies à l’appui[8].

En outre, le rapport indique que l’industrie du tabac entretient des liens étroits avec le National Board of Revenue (NBR), l’autorité centrale de l’administration fiscale bangladaise[9]. Il révèle notamment que, suite à une sollicitation de la part de l’Association des fabricants de cigarettes du Bangladesh[10] (BCMA), le NBR a demandé ministère de la Santé et du Bien-être familial de prendre en considération l’avis des fabricants de tabac avant de finaliser la politique nationale de lutte antitabac. Si le rapport souligne que le ministère n’a pas pris en compte cet avis, il rappelle que la CCLAT de l’OMS stipule « qu’en aucun cas l’industrie du tabac ne doit être impliquée dans la formulation des politiques de lutte antitabac »[11].

L’État et plusieurs ministères épinglés pour leur manque d’action et leur hypocrisie

Lors du webinaire, plusieurs intervenants ont critiqué l’inaction et le double-jeu de l’État bangladais et de plusieurs ministères concernant les enjeux liés au tabac et au tabagisme. Le député Saber Hossain Chowdhury, président de la commission parlementaire de l’environnement, des forêts et du changement climatique, a notamment reproché à l’État de posséder des parts dans British American Tobacco Bangladesh : « D’une part, le gouvernement veut contrôler la consommation de tabac, et d’autre part, il a des parts dans une compagnie de tabac. Dans ces conditions, comment pouvons-nous éradiquer le tabac ? »[12].

« La Première ministre Sheikh Hasina a promis de bâtir un pays sans tabac d’ici 2040. Mais malheureusement, plusieurs ministères ont peu fait pour atteindre cet objectif […] La question qui se pose est de savoir si le gouvernement veut être libéré de l’influence des compagnies de tabac »[13], a-t-il résumé.

Le rapport formule plusieurs recommandations dans le but de réduire cette ingérence

Le bilan global établi par le rapport d’étude est le suivant : « Bien que le Bangladesh ait fait des progrès dans une certaine mesure dans la mise en œuvre de l’article 5.3 de la Convention-cadre pour la lutte antitabac (CCLAT) de l’Organisation mondiale de la santé, cela n’est pas du tout satisfaisant »[14]. Ainsi le rapport formule-t-il plusieurs recommandations censées réduire l’ingérence de l’industrie du tabac dans les politiques de santé publique.

Le rapport recommande notamment que la loi actuelle sur la lutte antitabac soit modifiée afin d’interdire toute activité de responsabilité sociale des entreprises aux compagnies de tabac[15].

En outre, il recommande de sensibiliser l’ensemble des ministères concernant les obligations de l’article 5.3 de la CCLAT, afin qu’ils prennent conscience des nombreuses et diverses méthodes d’ingérence de l’industrie du tabac[16]. À ce sujet, AAMS Arefin Siddique, le président du conseil d’administration de l’agence de presse du Bangladesh[17], a déclaré : « La prévalence du tabagisme est un tel problème qu’il ne peut pas être résolu par le seul effort du ministère de la Santé et du Bien-être familial. Tous les ministères devraient participer à un effort concerté pour endiguer ce fléau »[18].

©Génération Sans Tabac


[1] Anti Tobacco Media Alliance.

[2] Study recommends amending law to end interference of tobacco Industry, Dhaka Tribune (le 28 novembre 2020, consulté le 8 décembre 2020). 

[3] Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac, apps.who.int (consulté le 8 décembre 2020). 

[4] Directives pour l’application de l’article 5.3 de la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac sur la protection des politiques de santé publique en matière de lutte antitabac face aux intérêts commerciaux et autres de l’industrie du tabac, who.int (consulté le 8 décembre 2020). 

[5] Bill placed in parliament to exclude tobacco as essential commodity, The Business Standard (le 28 novembre 2020, consulté le 8 décembre 2020). 

[6] Study recommends amending law to end interference of tobacco Industry, Dhaka Tribune (le 28 novembre 2020, consulté le 8 décembre 2020). 

[7] Bangladesh Labour Welfare Foundation.

[8] Study recommends amending law to end interference of tobacco Industry, Dhaka Tribune (le 28 novembre 2020, consulté le 8 décembre 2020). 

[9] Ibid.

[10] Bangladesh Cigarette Manufacturers‘ Association.

[11] Study recommends amending law to end interference of tobacco Industry, Dhaka Tribune (le 28 novembre 2020, consulté le 8 décembre 2020). 

[12] Bill placed in parliament to exclude tobacco as essential commodity, The Business Standard (le 28 novembre 2020, consulté le 8 décembre 2020). 

[13] Ibid.

[14] Ibid.

[15] Ibid.

[16] Study recommends amending law to end interference of tobacco Industry, Dhaka Tribune (le 28 novembre 2020, consulté le 8 décembre 2020). 

[17] Bangladesh Sangbad Sangstha.

[18] Study recommends amending law to end interference of tobacco Industry, Dhaka Tribune (le 28 novembre 2020, consulté le 8 décembre 2020). 

 DNF – Pour un Monde ZeroTabac |

Publié le 12 décembre 2020