Alors qu’une étude australienne publiée en septembre met en cause l’efficacité du paquet neutre[1], des chercheurs en santé publique[2] montent au créneau pour souligner de graves manquements méthodologiques dans sa conception. La faiblesse des données sur laquelle s’appuie l’étude invalide ses conclusions[3].
Des effets pervers supposés
L’étude, publiée par l’Université James Cook, cherche à démontrer que l’instauration du paquet neutre en Australie a eu un effet contre-productif : non seulement les fumeurs se seraient tournés vers les marques les moins chères, mais ils auraient également augmenté leur consommation. En réalité, l’étude, en omettant de prendre en compte la variable des prix, comporte un biais fondamental.
Une étude « défectueuse » selon les chercheurs
Le document compare les taux de tabagisme de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande entre 2002 et 2017, avec comme point de référence 2012, date à laquelle le paquet neutre est entré en vigueur en Australie. Selon cette étude, la comparaison des évolutions de la consommation de tabac à partir de 2012 laisse à penser que le paquet neutre serait inefficace.
Pourtant, la situation des deux pays est fondamentalement différente. A partir de 2011, la Nouvelle-Zélande a commencé à appliquer une hausse de taxes de 10% sur les paquets. L’Australie a, quant à elle, attendu 2017 avant de mettre en place ces hausses (12,5% par an). Or, la hausse de taxes est la variable la plus importante dans la réduction de la consommation de tabac auprès d’une population.
L’omission de variables centrales
Ainsi, on ne peut pas incriminer le paquet neutre dans les résultats tabagique mitigés en Australie, mais plutôt l’absence de politique fiscale volontaire. Par ailleurs, les chercheurs expliquent ces résultats par une baisse conséquente des dépenses en faveur de la lutte contre le tabagisme. En effet, les dépenses gouvernementales de l’Australie, la Nouvelle-Galles du Sud et de Victoria sont passées de 36 millions en 2010-2011 à 7,1 millions en 2017-2018, selon un rapport de la Public Health Research & Practice.
L’intérêt du paquet neutre
Il est enfin nécessaire de mentionner que les objectifs premiers du paquet neutre ne sont pas de réduire la consommation de tabac, mais sont indirects. Il s’agit en effet de casser l’esthétique du paquet, considéré comme un écrin publicitaire par les cigarettiers. Il permet ensuite de mieux mettre en exergue les avertissements sanitaires, et d’empêcher les fabricants de laisser croire que certains produits seraient moins nocifs que les autres, par l’apposition d’adjectifs trompeurs, comme les cigarettes lights, par exemple. Le paquet neutre permet de ce fait de réduire l’attractivité du tabagisme auprès des jeunes. Sur la base de ces éléments, l’évaluation a en réalité été positive. Ces éléments rappellent que la lutte contre le tabagisme s’inscrit dans la perspective de mesures coordonnées, qui se renforcent mutuellement, nécessitant une cohérence et une constance des politiques publiques.
Mots clés : Australie, étude
[1] Underwood, Sun, Riccardo, Welters, « The effectiveness of plain packaginf in discouraging tobacco consumption in Australia », Nature Human Behaviour, 2020
https://www.nature.com/articles/s41562-020-00940-6
[2] En particulier le Cancer Council of Australia et le Melbourne Centre for Behaviour Change
[3] Medical industry outraged over « truly terrible » tobacco use study, The New Daily, 22 septembre 2020 (consulté le 23/09/2020)
