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Au Pakistan, l’inertie autour d’un projet de nouvelle taxe sur le tabac déçoit et interroge

Alors que le bureau fédéral pakistanais avait déclaré en juin 2019 son intention de mettre en place une nouvelle taxe sur les produits du tabac afin notamment de rendre ces derniers trop onéreux pour les enfants, celle-ci n’a toujours pas été instaurée près d’un an et demi plus tard.

Le 14 novembre 2020 s’est tenu au Pakistan un séminaire politique sur la taxation du tabac, organisé par la Society for the Protection of the Rights of the Child[1] (SPARC). À cette occasion, Sajjad Ahmed Cheema, directeur général de la SPARC, a rappelé que le bureau fédéral du pays avait annoncé en juin 2019 un projet de loi prévoyant la création d’une nouvelle taxe de santé sur le tabac[2], censée augmenter le prix des produits du tabac et les rendre inabordables aux populations les plus défavorisées et aux enfants du pays[3].

Lors de ce séminaire, plusieurs organisations, dont la SPARC, ont déploré le fait que, près d’un an et demi après cette annonce, ce projet de loi, qui a fait l’objet de très nombreuses allées et venues entre le bureau fédéral, le ministère de la Santé et celui des Finances, n’ait toujours pas abouti à la mise en place d’une taxe sur le tabac[4].

Une inertie qui suscite la déception et l’interrogation

De nombreux participants à ce séminaire sur la taxation du tabac ont exprimé leur déception et leur affliction devant l’inertie autour de ce projet de loi, preuve selon eux « que la santé publique n’est pas une priorité pour [leur] gouvernement »[5].

Des interrogations au sujet des causes de cette inertie ont également été émises. Malik Imran Ahmad, directeur du comité pakistanais de l’organisation Campaign for Tobacco Free Kids[6] (CTFK), a ainsi demandé qu’une enquête soit conduite « pour déterminer pourquoi la décision du cabinet fédéral d’imposer une taxe de santé sur le tabac n’avait pas pu être mise en œuvre »[7]. Il a par ailleurs directement interpellé le Premier ministre pakistanais, Imran Khan, à ce sujet.

Si les causes à l’origine de ce piétinement sont vraisemblablement multiples, l’une d’elles pourrait être liée à l’organisation politique du pays. En effet, le Pakistan est une république fédérale composée de plusieurs provinces qui disposent d’une certaine autonomie dans plusieurs domaines, et notamment celui de la santé. Ainsi, le Business Recorder, quotidien d’information économique et financière, affirme que le Federal Board of Revenue, l’organe chargé d’énoncer et d’administrer les politiques fiscales ainsi que de prélever et de percevoir les impôts fédéraux au Pakistan, aurait déclaré cette taxe de santé illégale car « la santé est un sujet provincial et la fédération ne peut pas lever de taxe de santé sur la consommation de tabac »[8].

« La consommation de tabac n’est pas seulement une question de santé »

Pour l’ensemble des participants au séminaire du 14 novembre, « la consommation de tabac n’est pas seulement une question de santé » au Pakistan. Elle a aussi « de graves répercussions sur la pauvreté et la stabilité économique, ainsi que sur le développement, l’éducation et le travail des enfants »[9].

Muhammad Ali Saif, avocat et sénateur, a d’ailleurs indiqué que les fumeurs dépensaient en moyenne 10 % de leur revenu mensuel dans l’achat de cigarettes, ajoutant que « lorsque les gens dépensent leur revenu dans les produits du tabac, il leur reste moins d’argent disponible pour des domaines essentiels tels que la nutrition et l’éducation des enfants »[10]. En ce sens, il a rappelé que « l’augmentation des taxes sur le tabac [était] une politique éprouvée pour aider à réduire la consommation de tabac conformément aux recommandations de l’Organisation mondiale de la Santé ».

À titre informatif, le manque à gagner résultant du retard important dans la mise en œuvre de cette nouvelle taxe de santé – qui doit s’appliquer sur les produits du tabac mais aussi sur les boissons sucrées – est évalué à 55 milliards de roupies (environ 293 millions d’euros)[11]. Une somme qui pourrait être employée pour développer les équipements de santé du pays.

©Génération Sans Tabac


[1] Société pour la protection des droits de l’enfant.

[2] Govt decision to impose health tax hailed, The News (le 1er juin 2019, consulté le 19 novembre 2020).

[3] Tariq Ullah Wardak, PM must intervene to impose health levy on Cigarettes, Daily Times (le 14 novembre 2020, consulté le 19 novembre 2020).

[4] Ibid.

[5] Ibid.

[6] Campagne pour des enfants sans tabac. 

[7] Tariq Ullah Wardak, PM must intervene to impose health levy on Cigarettes, Daily Times (le 14 novembre 2020, consulté le 19 novembre 2020).

[8] Sohail Sarfraz, ‘Centre can’t impose health tax on tobacco consumption’, Business Recorder (le 11 novembre 2020, consulté le 19 novembre 2020)

[9] Tariq Ullah Wardak, PM must intervene to impose health levy on Cigarettes, Daily Times (le 14 novembre 2020, consulté le 19 novembre 2020).

[10] Ibid.

[11] Ibid.

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Publié le 19 novembre 2020