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Au Kenya, l’interdiction de la chicha n’est que partiellement respectée

Le commerce et l’utilisation des pipes à eau (« chicha ») sont interdits au Kenya depuis décembre 2017, mais sont encore courants dans certains bars, night-clubs ou à domicile. Dans les établissements de nuit, ces chichas servent parfois de support à la consommation de diverses drogues illicites.

La loi du 27 décembre 2017 interdit au Kenya l’importation, la manufacture, la vente, la publicité, la promotion, la distribution, l’encouragement ou la facilitation de l’usage, ainsi que l’usage de la chicha. Plusieurs études et enquêtes ont cependant montré que cette interdiction est loin d’être complètement respectée.

Disponibilité des chichas en ligne et dans les établissements de nuit

Une étude, conduite en 2019 et publiée en 2021, estimait que l’interdiction de la chicha était globalement plutôt respectée, en particulier dans les restaurants, mais qu’il persistait encore des usages dans certains lieux[1]. 24 % des night-clubs et 20 % des bars proposeraient en effet des chichas à consommer sur place, malgré l’interdiction. Ces infractions ont cependant surtout été repérées dans les grandes villes, le phénomène semblant davantage épargner les provinces et les régions plus excentrées.

Une enquête journalistique récente révèle quant à elle que la disponibilité de la vente de chicha s’est maintenue dans ces types d’établissements, et qu’il est possible de s’équiper en matériel pour monter un lieu de consommation[2]. Cette enquête indique également que dans les nights-clubs, la consommation de chicha peut – à la demande des clients, qu’ils disposent ou non de la substance – être additionnée d’autres drogues illicites, qu’il s’agisse de cannabis, de cocaïne ou d’héroïne. L’eau de la pipe est parfois remplacée par du whisky ou d’autres liquides. Ces usages ne sont pas foncièrement nouveaux, puisqu’ils avaient fait partie des motifs initiaux de la loi de 2017, et ne concerneraient que les clients connus de l’établissement, mais leur persistance semble indiquer qu’ils sont loin d’avoir disparu.

La consommation de chicha au sein des domiciles est pour sa part favorisée par la vente en ligne, en particulier via des réseaux sociaux tels que Facebook ou Instagram. La vente en ligne peut aussi s’effectuer auprès de sites étrangers, mais la mention signalant que le colis contient une chicha ne déclenche pas d’interception par les services des douanes. Le confinement lié à la pandémie de COVID-19, entraînant la fermeture temporaire des bars et des nights-clubs, a quant à lui favorisé le développement des fêtes privées et de la consommation au domicile.

Des associations réclament une évaluation de l’interdiction

En conséquence, les associations de santé ont réclamé, fin 2021, qu’une évaluation complète de l’interdiction de la vente de chicha soit menée, afin de clairement identifier les freins à l’application de la loi. Il semble en effet que la corruption des agents de police en charge de cette application, ainsi que les soutiens politiques des exploitants de bars et de night-clubs contribuent à empêcher la pleine observation de la loi. Anthony Muthemba, responsable de l’Unité de contrôle du tabac de Nairobi, a lui-même déclaré que « la consommation de chicha a été renormalisée et le principal défi que nous rencontrons est que les établissements qui vendent la chicha utilisent leurs contacts politiques pour échapper à l’application de la loi »[3].

Les chichas ne sont pas les seules infractions à avoir été repérées. La vente de cigarettes électroniques et de e-liquides semble elle aussi se poursuivre malgré l’interdiction qui les touche. Plus récemment, une alerte a également été lancée sur la forte présence des « pouches »[4] de nicotine, tout autant interdites. Les marques Vélo et Lyft, produites par British American Tobacco (BAT) ont ainsi été identifiées comme types de pouches proposés à la vente, au cours d’une étude de terrain conduite par la Kenya Tobacco Control Alliance (KETCA)[5].

Une nocivité supérieure à celle des cigarettes

Dans une note consultative[6], l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) avait pointé que la consommation de chicha peut entraîner toutes les complications identifiées pour l’usage de tabac, du fait de taux très élevé de monoxyde de carbone et de nombreuses particules toxiques : risques de cancer, de maladies cardiovasculaires et respiratoires, nocivité de la fumée secondaire, risque de forte addiction. La consommation d’une chicha durant une heure équivaudrait à fumer une centaine de cigarettes (soit cinq paquets). Si une cigarette permet d’absorber environ un demi-litre de fumée, une seule bouffée de chicha conduit à avaler entre un sixième de litre et un litre de fumée. Le partage de chicha dans les lieux de convivialité peut également provoquer la transmission de maladies infectieuses encore très présentes au Kenya, comme la tuberculose, les hépatites virales, ou d’autres plus courantes, comme l’herpès.

Mots-clés : Kenya, chicha, pouches, night-clubs, vente en ligne, pipe à eau

©Génération Sans Tabac

MF


[1] Fukuda S, Nyambura S, Gitali J, Lindi T, Otieno S, Beem A, Camara Bityeki B, Carmona M, Sebrie EM, Monitoring compliance with Kenya’s shisha ban in select public hospitality venues in Nairobi, Tob Control 2021;0:1–3. doi:10.1136/tobaccocontrol-2021-056725

[2] Wako A, Revealed: The shisha ban that never was, The Nation, publié le 27 juillet 2022, consulté le 3 août 2022.

[3] Saya M, Why Shisha is being sold despite ban, the Star, publié le 4 décembre 2021, consulté le 3 août 2022.

[4] Sachets de nicotine de synthèse se plaçant entre la gencive et la lèvre, sur le modèle des snus suédois (qui contiennent du tabac).

[5] Mutai E, Dealers make tidy profits selling nicotine pouches despite ban, Business Daily, publié le 1er août 2022, consulté le 3 août 2022.

[6] Waterpipe tobacco smoking: health effects, research needs and recommended actions for regulators, 2nd edition, WHO Study Group on Tobacco Product regulation, 2015, 66 p.

Comité national contre le tabagisme |

Publié le 8 août 2022