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Asie du Sud-Est : des politiques fiscales efficaces sur le tabac auraient pu sauver 1,3 million de vies

Un rapport de l’Alliance pour la lutte contre le tabagisme en Asie du Sud-Est (SEATCA)[1] démontre l’ampleur des pertes humaines et fiscales dans plusieurs pays de l’ANASE  par défaut de mise en œuvre efficace des meilleures pratiques en matière de taxation sur le tabac.

Depuis 2015, la SEATCA publie un rapport semestriel sur l’indice des taxes sur le tabac qui identifie et suit les progrès et les lacunes dans la mise en œuvre des politiques fiscales sur le tabac dans les pays de l’ANASE[2] concernant l’article 6 de la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac (CCLAT)[3].

Selon l’édition 2021 du rapport, cinq pays d’Asie du Sud-Est (le Cambodge, l’Indonésie, le Laos, le Myanmar et le Vietnam) auraient pu prévenir plus d’1,3 million de décès prématurés dus au tabagisme et percevoir plus de 4,81 milliards US$ de recettes fiscales s’ils avaient mis en œuvre des mesures fiscales efficaces sur le tabac[4].

Des politiques fiscales freinées par la pandémie et l’ingérence de l’industrie

Le rapport montre que si certains pays de la région (la Thaïlande ou les Philippines) ont fait des progrès significatifs au cours des dernières années dans la mise en œuvre de politiques fiscales sur le tabac conformément aux directives de l’article 6, la région dans son ensemble progresse très lentement. La plupart des pays manquent d’une vision à long terme en matière de politique fiscale sur le tabac et, par conséquent, n’évaluent ni n’actualisent régulièrement celle-ci. De plus, ces pays qui ont des administrations et structures fiscales complexes dans ce domaine sont victimes d’une forte ingérence de l’industrie du tabac dans les formulations de leurs politiques[5].

En conséquence, la plupart de ces pays renoncent à d’importantes recettes fiscales tout en payant le lourd tribut de la consommation de tabac par leurs populations. La pandémie de COVID-19 n’a fait qu’exacerber cette situation, de nombreux gouvernements restant hésitants quant à l’augmentation des taxes, y compris pour le tabac même si ce secteur a prospéré pendant la crise sanitaire. Par exemple, British American Tobacco a augmenté ses profits de 10 % en 2020.

Des recettes fiscales nécessaires au développement de ces pays

La bonne mise en œuvre de l’article 6 de CCLAT contribue à la réalisation des objectifs de développement durable (ODD), dont l’ODD 3 (bonne santé et bien-être avec  la cible 3.4 : une réduction d’un tiers de la mortalité prématurée due aux maladies non transmissibles d’ici 2030), l’ODD 1 (réduction de la pauvreté), l’ODD 10 (réduction des inégalités) et l’ODD 8 (croissance économique). Les recettes provenant des taxes sur le tabac pourraient garantir plus de revenus aux gouvernements qui luttent pour couvrir les coûts liés à cette pandémie, mais allégerait aussi la pression sur les systèmes de santé déjà fragilisés. Ces recettes serviraient aussi de source de financement durable pour les politiques et programmes de prévention et de santé. Plusieurs pays de l’ANASE ont déjà mis en place de solides fonds de promotion de la santé ou de lutte antitabac, tels que la Thai Health Promotion Foundation (Thaïlande), le Malaysian Health Promotion Board (Malaisie) et le Vietnam Tobacco Control Fund (VNTCF)[6].

Des prévalences tabagiques records dans certains pays

L’analyse des prix des cigarettes dans ces pays de l’ANASE a montré que les cigarettes sont devenues de plus en plus abordables entre 1999 et 2019. En conséquence, certains pays affichent une prévalence record. La région de l’ANASE compte 122 millions de fumeurs adultes (10 % des fumeurs dans le monde). Dans cette région, le tabac est à l’origine de plus d’un demi-million de décès chaque année.

L’Indonésie avec 65 millions de fumeurs (67% de la population masculine adulte fume) représente 50% des fumeurs de l’ANASE. Le tabac y est à l’origine de 266 000 décès tous les ans dont environ 45 000 dus à l’exposition à la fumée secondaire[7]. L’Indonésie est l’un des derniers pays à ne pas avoir ratifié la CCLAT et sa législation permissive en fait un terrain de jeu pour l’industrie du tabac qui a les mains libres pour interférer dans les politiques publiques du pays mais aussi pour exercer ses stratégies marketing agressives notamment auprès des plus jeunes[8]. Aussi, près d’un jeune âgé de 13 à 15 ans sur cinq y consomme du tabac (36% des garçons et 3,5% des filles).

Mots-clés : Asie, ANASE, Asie du Sud-Est, Tabac, fiscalité, taxes, Indonésie

©Génération Sans Tabac

A.E


[1] Ross, H. (2021). Lost Funds: A Study on the Tobacco Tax Revenue Gap in selected ASEAN countries. Southeast Asia Tobacco Control Alliance. Bangkok. Thailand.

[2] L’Association des Nations de l’Asie du Sud-Est est une organisation politique, économique et culturelle regroupant dix pays d’Asie du Sud-Est

[3] SEATCA, Tobacco Tax

[4] Communiqué de presse, Cambodia, Indonesia, Myanmar, and Vietnam could have collected USD 4.81 billion in tax revenue with more effective tobacco tax measures, SEATCA, 23 juillet 2021, consulté le 26 juillet 2021

[5] Tobacco Industry Interference in Tobacco Tax Policies in ASEAN Countries, SEATCA,  consulté le 26 juillet 2021

[6] Southeast Asia Tobacco Control Alliance. (2021). SEATCA Tobacco Tax Index: Implementation of WHO Framework Convention on Tobacco Control Article 6 in ASEAN Countries, 2021. Bangkok. Thailand.

[7] The Toll of Tobacco in Indonesia, Campaign for Tobacco-Free Kids, dernière mise à jour le 5 août 2020, consulté le 26 juillet 2021

[8] Génération Sans Tabac, Quand l’industrie du tabac a les mains libres : le cas indonésien, publié le 11 mars 2020, consulté le 26 juillet 2021

Comité National Contre le Tabagisme |

Publié le 26 juillet 2021